L'affaire est prise très au sérieux : Porsche se prépare activement à la transformation de l'univers automobile. Pour Oliver Blume, PDG de la marque de luxe allemande, la transformation en cours dans le secteur automobile n'épargnera personne y compris les labels les plus exclusifs. Dans un contexte de rentabilité en recul dans tout le secteur, Porsche a présenté sa feuille de route pour se positionner en 2025 sur l'électromobilité, mais également sur la thématique des mobilités alternatives.

Taycan, déjà 20.000 réservations

Le Taycan doit représenter le premier volet de cette ambition. La première voiture 100% électrique de Porsche sera commercialisée en septembre, après sa présentation officielle au Salon de Francfort. Cette berline de segment D avait été dévoilée à Paris sous une forme de concept-car en 2015, la Mission E, et en 2018 Porsche avait ouvert un livre de pré-réservation. Depuis, la marque allemande a enregistré près de 40.000 réservations, dont 20.000 confirmations moyennant 2.500 euros d'avance. Ce résultat a surpris Oliver Blume lui-même. Detlev von Platen, patron des ventes et du marketing, précise que près de 60% des réservations proviennent d'autres marques, notamment Tesla.

La stratégie d'électromobilité de Porsche doit se poursuivre avec l'arrivée d'un Macan 100% électrique. Cette nouvelle génération de ce SUV n'aura pas de version thermique. Il s'agit d'un engagement très fort de la part d'une marque qui a pourtant fondé son image de marque sur des moteurs très puissants. Il s'inscrit toutefois dans l'esprit du renoncement au diesel annoncé quelques mois plus tôt. De plus, Porsche n'est pas un total inconnu dans l'électromobilité puisqu'il a déjà engagé l'électrification de plusieurs modèles, non sans succès. La Panamera s'est ainsi vendue à 60% dans sa version hybride (jusqu'à 80% en France) en 2018.

Detlev von Platen n'a toutefois pas confirmé si les modèles suivants subiraient le même sort, tout en relevant que la 911, qui a été renouvelée en 2018, avait vocation à garder son identité thermique.

Une marge opérationnelle sous tension

Mais l'investissement de Porsche dans l'électromobilité risque de peser sur ses comptes. La marque prévoit de doubler ses investissements en R&D pour la faire passer à 6 milliards d'euros d'ici 2022. D'après Detlev von Platen, la collaboration avec Audi a permis d'économiser 30% sur les frais de R&D.

Mais Oliver Blume et son directeur financier Lutz Meschke, jugent que la marge opérationnelle de la marque va être mise à rude épreuve par l'ampleur des investissements programmés. Celle-ci a déjà baissé d'un point au terme de l'année 2018, passant de 17,6 à 16,6% - et ce malgré une année record. Le chiffre d'affaire est ressorti en hausse de 10% à 25,8 milliards d'euros, tandis que les ventes ont atteint le chiffre historique de 256.000 voitures vendues. En revanche, les profits ont progressé moins vite (+ 4% à 4,3 milliards d'euros).

L'objectif, martelé par Lutz Meschke, de maintenir une marge de 15% alors que Porsche est encore un point et demi au-dessus, est le signe que sa rentabilité est sous très haute tension. Porsche prévoit ainsi d'engager de nombreuses actions afin de préserver sa compétitivité. Les process dits de digital factory (ou usine 4.0) doit ainsi être l'un des principaux leviers de productivité de l'entreprise. D'autre part, la plateforme PPE qui va permettre de développer des voitures électriques très haut de gamme, sera également utilisée par Audi pour ses segments supérieurs, ce qui permettra de partager les investissements.

La transformation digitale

Enfin, Porsche a lancé le chantier de la digitalisation de son business à travers Porsche Digital, un centre de compétence autour de la numérisation des services. Le constructeur automobile a d'ores et déjà lancé plusieurs pilotes sur une nouvelle expérience client autour de l'univers Porsche.

En Allemagne, la marque de luxe lance Porsche in Flow, une solution de location de moyenne durée entre 6 et 24 mois. Aux États-Unis, Porsche Host propose un peer-to-peer d'un nouveau genre : le loueur suit une formation dans un Porsche Experience Center. La marque a également inventé un forfait illimité, Porsche Passeport, qui permet de louer n'importe quelle Porsche, entre 2.000 et 3.000 dollars. Enfin, Porsche Road Trip est une application, encore pilote, qui permet de dessiner des parcours où il fait bon de conduire en Porsche, avec des propositions d'étapes dans des restaurants et autres spots haut de gamme. Cette application pourrait, à terme, équiper tous les écrans de Porsche.

La marque allemande tente donc de construire un écosystème de services qui permet d'ancrer le client dans l'univers Porsche, mais également d'anticiper les évolutions de comportement notamment sur le concept de propriété individuelle. Pour les équipes marketing, il s'agit de lancer des services qui soient compatibles avec l'image de la marque, et notamment son caractère exclusif. Detlev von Platen explique qu'en réalité, ces services touchent une nouvelle clientèle : plus jeune et surtout qui n'a jamais été en contact avec Porsche.

« Porsche est une marque exclusive qui peut aussi faire peur. La plupart du temps, les gens entrent dans l'univers de la marque via le marché de l'occasion (...), avec ces nouveaux services, nous renforçons notre communauté à travers une expérience client exclusive, y compris chez des consommateurs qui ne sont pas des clients Porsche », explique Detlev von Platen.

Pas certain en revanche que ces initiatives contribuent à sauver la marge opérationnelle de Porsche. La marque a annoncé qu'elle allait porter son investissement de 800 millions à 1 milliard d'euros dans ces nouveaux services digitaux pour des revenus encore ypsiloniens...