Casino n'est « pas encore hors de danger », prévient son nouveau patron Philippe Palazzi

Casino est passé mercredi entre les mains de ses repreneurs. Au poste de directeur général, Philippe Palazzi, doit faire face à de nombreux chantiers.
Le distributeur Casino, dirigé pendant 20 ans par Jean-Charles Naouri, est passé mercredi entre les mains de ses repreneurs.
Le distributeur Casino, dirigé pendant 20 ans par Jean-Charles Naouri, est passé mercredi entre les mains de ses repreneurs. (Crédits : STEPHANE MAHE)

[Article publié le jeudi 28 mars 2024 à 07h43 et mis à jour à 10h10] Après un long feuilleton, le distributeur Casino, dirigé pendant 20 ans par Jean-Charles Naouri, est passé mercredi entre les mains de ses repreneurs emmenés par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.

Jeudi matin, dans un communiqué, le distributeur « annonce la réalisation effective de sa restructuration financière » et indique que l'ensemble des opérations prévues par le plan de sauvegarde arrêté par le tribunal de commerce de Paris « ont été mises en œuvre le 27 mars ». La cotation des actions Casino à la Bourse de Paris, suspendue depuis mardi 26 mars à la clôture du marché, reprendra jeudi matin à l'ouverture, précise le communiqué.

Mais Casino n'est « pas encore hors de danger » et il y aura « sans doute un plan de départs volontaires », confie le nouveau directeur général du distributeur, Philippe Palazzi, intronisé mercredi, dans un entretien à l'AFP et au Progrès, où il explique son ambition d'en faire un champion de la « proximité ».

Philippe Palazzi fait ainsi partie du nouveau conseil d'administration du distributeur, présidé par l'ancien secrétaire d'Etat macroniste Laurent Pietraszewski, qui s'est réuni mercredi en fin de journée. Une assemblée générale se tiendra le 11 juin pour valider la composition du nouveau conseil d'administration.

Lire aussiCasino passe sous la coupe de Daniel Kretinsky et prépare un plan social d'ampleur

Naouri « ne jouera pas de rôle »

De son côté, le PDG depuis 2005, ancien haut-fonctionnaire et banquier d'affaires Jean-Charles Naouri « démissionnera de l'ensemble de ses fonctions avec effet immédiat » et « sans indemnité de départ », avait auparavant indiqué le groupe. Ses plans pour l'avenir ne sont pas connus. « Il ne jouera pas de rôle », a également confirmé Philippe Palazzi.

Dans un courrier adressé aux salariés, l'ex-patron se dit « fier d'avoir pu écrire cette histoire » tout en reconnaissant avoir dû « prendre des décisions éprouvantes ». Il indique « mesurer pleinement et profondément ce que cette histoire, ses succès et la force de nos enseignes emblématiques, doivent à l'engagement de chacune et chacun d'entre vous ». Avant de poursuivre :

« Un certain nombre d'éléments et d'événements m'ont contraint à prendre des décisions éprouvantes et à mener la restructuration financière qui a abouti à adosser le groupe à un consortium emmené par monsieur Daniel Kretinsky ».

Nombreuses cessions

Pour rappel, il y a un an, Daniel Kretinsky, deuxième actionnaire de Casino derrière Jean-Charles Naouri, proposait d'injecter 750 millions d'euros pour secourir le groupe étranglé par sa dette, à condition d'en prendre le contrôle et d'écraser la plupart des créances dues. La dette du distributeur doit donc être ramenée de 7,4 milliards d'euros à fin 2023 à un peu plus de 2,6 milliards d'euros, avec des échéances de remboursement allant de janvier 2027 à fin mars 2028.

L'activité de Casino a ainsi fondu au fil des cessions des derniers mois. La quasi-totalité (288) des hypermarchés et supermarchés vont en effet être vendus d'ici à juin à Intermarché, Auchan et Carrefour. Par ailleurs, Casino n'a quasiment plus de présence à l'international. Dans le détail, le groupe que Philippe Palazzi, ancien de Metro et de Lactalis, s'apprête à diriger va donc compter environ 1.300 magasins intégrés (338 Monoprix, 170 Naturalia, 323 Franprix et 493 magasins de proximité sous enseignes Spar, Vival, Le Petit Casino), pour près de 7.000 magasins exploités en franchise.

 « Il faut garantir la liquidité du groupe, qui n'est pas encore hors de danger »

De nombreux chantiers attendent donc le nouveau directeur général. D'autant que les repreneurs espèrent rétablir une bonne rentabilité assez vite, avec pour objectif de multiplier l'« Ebitda (excédent brut d'exploitation) ajusté après loyers » du distributeur par plus de 7 à horizon 2028. Ils comptent y parvenir via une politique de prix « compétitifs et stables », l'expansion par la franchise ou encore une optimisation de la logistique.

« La première étape, c'est d'activer les leviers urgents. Il faut garantir la liquidité du groupe, qui n'est pas encore hors de danger. Il faudra accompagner le départ des (plusieurs centaines de) super et hypermarchés (cédés). Il y aura la restructuration de Saint-Etienne, avec l'accompagnement des salariés amenés à quitter le groupe et ceux qui resteront », a précisé, de son côté, le nouveau PDG.

Le groupe est très fort en Ile-de-France, surtout à Paris où il représente 54,5% de la surface de vente de la grande distribution, selon une étude de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). « C'est un groupe parisien du point de vue du chiffre d'affaires, mais du point de vue du nombre de magasins, nous sommes une entreprise très provinciale », a ajouté Philippe Palazzi.

Plan social

Cet ancien haut cadre, qui prépare son arrivée depuis des mois, doit avec son comité exécutif rencontrer jeudi les équipes à Saint-Etienne, puis visiter les sièges de Monoprix le 2 avril à Clichy, de Franprix à Vitry-sur-Seine le 3 et de CDiscount à Bordeaux le 4. Les effectifs français du distributeur vont passer de 50.000 fin 2022 à 28.212 après cession de nombreux magasins à ses concurrents Intermarché, Auchan et Carrefour. Le nouveau directeur général travaille ainsi sur un plan social qui sera présenté courant avril.

Récemment, les syndicats évoquaient 6.000 suppressions de postes, ce qui constituerait l'un des pires scénarios. Ces suppressions de postes vont toucher les magasins non rachetés par la concurrence, les entrepôts amenés à fermer et le siège de Saint-Etienne où 80% des 1.500 personnes en CDI (1.800 en incluant les CDD, les stagiaires...) travaillent pour les magasins qui vont être vendus.

« On va garder le siège à l'endroit où il se trouve, on va garder le magasin en face de la gare, mais on va redimensionner le siège à la taille des équipes que l'on aura suite au départ des hypermarchés et supermarchés. On ne s'interdit pas de faire venir des personnes qui voudraient avoir leurs bureaux à Saint-Etienne, le siège est bien placé et les loyers sont raisonnables », a ainsi commenté le directeur général.

La direction a également pris des engagements : porter une attention particulière à Saint-Etienne pour limiter l'impact social, proposer des indemnités de départ supérieures à celles prévues dans la convention collective et, en plus du plan social, un plan de départs volontaires. Le temps de négocier ces différents plans, les premiers départs sont attendus cet automne.

Casino : Jean-Charles Naouri, une figure du capitalisme

PDG de Casino depuis près de vingt ans, l'ancien banquier d'affaires et haut fonctionnaire Jean-Charles Naouri a quitté mercredi le groupe. Quand le financier s'était porté, dans les années 90, au chevet du distributeur fondé par la famille Guichard, les salariés l'avait accueilli à bras ouverts. Mais la fin de parcours sera difficilement digérée. A Saint-Etienne, dans les cortèges de soutien à l'ancien fleuron local, les manifestants ciblaient particulièrement Jean-Charles Naouri.

Né le 8 mars 1949 à Bône (désormais Annaba) en Algérie, Jean-Charles Naouri a mené de très brillantes études : bac à 15 ans, Ecole Normale Supérieure, Harvard et ENA (promotion Guernica). Il est également titulaire d'un doctorat en mathématiques. Inspecteur des Finances, il devient directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy, au ministère des Affaires Sociales puis à l'Economie et au Budget, de 1982 à 1986.

En 1987, Jean-Charles Naouri qui revendique avoir « modernisé le système financier français », rejoint à 38 ans la banque Rothschild et Cie et crée en même temps sa société d'investissement, Euris, qui prend des participations minoritaires dans des entreprises industrielles, dont Moulinex.

Mais sa grande affaire sera la distribution, d'abord en prenant le contrôle de Rallye, groupe breton en difficulté, à qui il « apporte » Casino. Il fait ensuite grossir cette entité à coup d'acquisitions, souvent financées par la dette, avec Franprix, Leader Price, Monoprix, ou encore l'e-commerçant CDiscount. Il se déploie aussi à l'international, notamment en Asie et au Brésil.

Cependant, en décembre 2015, une société financière américaine Muddy Waters met en cause le niveau d'endettement de l'ensemble et juge l'action surévaluée. Casino conteste vigoureusement, mais multiplie depuis les cessions d'actifs. Et sa dette ne se dégonfle pas. En France, les parts de marché dévissent, sa politique de prix élevés comme le déploiement de nombreuses caisses automatiques sont considérés par les syndicats comme des erreurs stratégiques.

Très attentif à sa réputation et à celle de son entreprise, le patron l'a entretenue en multipliant de généreux contrats avec des intermédiaires prestigieux : agences de communication, banques d'affaires, grands avocats, cabinets d'intelligence économique...

Ses dernières années chez Casino sont toutefois ternies, outre la déroute de son entreprise, par des affaires judiciaires, notamment une enquête sur des faits présumés de manipulation de cours de Bourse en bande organisée et corruption privée. Cela lui a valu d'être gardé à vue par la Brigade financière, un événement rarissime en France pour un grand patron.

Rallye, maison mère de Casino dont Jean-Charles Naouri préside le conseil d'administration, a aussi été lourdement sanctionnée par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour des communications « fausses ou trompeuses » concernant sa dette entre 2018 et 2019. L'entreprise a déposé un recours.

Sur le plan privé, Jean-Charles Naouri, père de trois enfants, a fait l'objet en octobre 2022 d'une plainte de son épouse, avec laquelle il était alors en instance de divorce, pour violences psychologiques conjugales et viol. Une première enquête avait été classée sans suite par le parquet de Nanterre.

Les plans du patron pour son avenir ne sont pas connus. Il est toujours administrateur de Fimalac, holding du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière qui est allié à Daniel Kretinsky pour la reprise de Casino.

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Commentaires 7
à écrit le 29/03/2024 à 15:45
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Hier : Il réclame à 900 employés le remboursement des avances sur salaires effectuées dans les années 1990, au moment du rachat de plusieurs sociétés, rapporte France Bleu. Trente ans plus tard, le groupe veut récupérer cet argent avant la cession d...

à écrit le 28/03/2024 à 20:08
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"Né le 8 mars 1949 à Bône (désormais Annaba) en Algérie, Jean-Charles Naouri a mené de très brillantes études : bac à 15 ans, Ecole Normale Supérieure, Harvard et ENA (promotion Guernica)." Encore un surdoué de Mai 68...

le 29/03/2024 à 15:49
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On peut noter que ces boomers ont eu une bonne éducation à "l'ancienne " qu'ils ont ensuite détruite pour les générations suivantes On voit le fiasco aujourd’hui.

à écrit le 28/03/2024 à 19:16
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Ca peut pas marcher ! On prends les mêmes et on recommence ! Ladret était administrateur condamné par l Esame européen à 5,3 millions d euros d amende pour avoir favorisé la notation de casino chez fitch ( Nakuru était administrateur de Fimalac !!!...

à écrit le 28/03/2024 à 10:12
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Des SUPER PERTES qu'il faut envoyer à bayrou et braun pivet, vu que l'état est pour confisquer ce qui est anormal ! Ah ben non hein, l'état veut juste les bons morceaux

le 28/03/2024 à 16:38
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vous imaginez nos politiciens prêt à passer le relais dans l intérêt du pays le sauver l. le rêve de la science fiction !

le 29/03/2024 à 9:41
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L’heritier 28/03/2024 - 19:16 Ca peut pas marcher ! On prends les mêmes et on recommence ! Ladret était administrateur condamné par l Esame européen à 5,3 millions d euros d amende pour avoir favorisé la notation de casino chez fitch ( Naouri ...

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