Pour ou contre : faut-il durcir la réglementation contre les Airbnb ? (Iñaki Echaniz face à Dominique Debuire)

Cet été, des millions de touristes français et étrangers vont se ruer sur les locations de courte durée, dans des zones touristiques vidées de leurs habitants souvent incapables de s'y loger. Alors que la crise du logement devient une priorité politique, faut-il durcir la réglementation contre les sociétés de location de courte durée comme Airbnb ? C'est le débat de la semaine entre Iñaki Echaniz, député PS des Pyrénées-Atlantiques, et Dominique Debuire, Union Nationale pour la Promotion de la Location de Vacances.
Iñaki Echaniz face à Dominique Debuire.
Iñaki Echaniz face à Dominique Debuire. (Crédits : Reuters)

Florence, berceau de... la régulation contre Airbnb. En mai, la mairie de la ville italienne a décrété l'interdiction de tout nouveau Airbnb dans son centre historique, saturé de touristes et déserté par les locaux qui n'ont plus les moyens de s'y loger. Le destin de la cité toscane n'est pas isolé, et se réplique dans d'autres lieux hautement touristiques en France, du quartier du Marais à Paris au littoral basque à Biarritz.

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Les locations de courte durée, dont Airbnb est la plateforme incontournable, aggravent la crise du logement, en réduisant l'offre, en faisant flamber les loyers et les prix dans les commerces environnants. Le phénomène dépasse nos frontières, et les 9 millions de Français qui utilisent Airbnb y contribuent grandement.

Dans l'Hexagone, des municipalités comme Annecy plafonnent le nombre de locations comme Airbnb. Au niveau national, le député PS Iñaki Echaniz a déposé une proposition de loi visant à durcir non seulement la fiscalité sur les locations courte durée mais aussi leurs normes énergétiques. Bruno Le Maire et Elisabeth Borne se sont pourtant dits favorables à une réforme de la fiscalité des meublés touristiques. L'examen du texte d'Iñaki Echaniz a néanmoins été reporté.

Alors, faut-il durcir la réglementation contre Airbnb et les locations longue durée ?

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Le nombre de logements mis en location touristique a presque triplé entre 2016 et 2021 et leur part croissante dans le parc immobilier participe à la fois au manque d'offres et à l'augmentation des prix. A Paris, au moins 25 000 logements seraient ainsi « perdus » au profit de la location touristique.

Par conséquent, ce phénomène a un impact fort sur le pouvoir d'achat des Français, l'augmentation de la précarité, des inégalités et la dévitalisation de quartiers entiers.

En effet, de nombreux résidents ne peuvent plus habiter là où ils ont toujours vécu, là où ils travaillent et sont contraints à l'éloignement ou au mal logement. Parallèlement, cette situation a des effets durables sur le développement local : comment conserver et encourager un tissu économique et culturel sans salariés ? Comment maintenir des écoles sans enfants pour les fréquenter ? S'ajoutent à cela d'autres défis : fréquentation en hausse des services de mobilité, pression foncière dans les zones rurales, perte d'authenticité locale...

La régulation des locations de meublés touristiques apparaît comme une nécessité. Il existe, d'ailleurs, un certain consensus autour de la question : la mobilisation grandit chez de nombreux acteurs du logement ; plusieurs institutions, telles que l'Inspection Générale des Finances ou l'OCDE, alertent sur une nécessaire régulation ; de plus en plus d'États Européens, mettent en place des arsenaux législatifs contraignants.

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En France, des dispositifs existent mais mériteraient d'être étendus et renforcés. En complément, certains avantages doivent être révisés pour mettre fin aux incitations, notamment fiscales, héritées d'une politique de massification de l'offre touristique.

Face à un régime fiscal inégalitaire d'abord, rétablir une équité en mettant fin à l'avantage fiscal permettant aux propriétaires de meublés de tourisme d'obtenir un abattement de 71%, contre 30% pour une location longue durée classique. Il conviendrait également d'étendre l'interdiction de la location de passoires thermiques qui ne concerne aujourd'hui que des locations longues, déjà moins attractives.

Des outils généralisés et facilement mobilisables sont aussi indispensables pour permettre aux maires d'agir : taxation plus libre des résidences secondaires, possibilité d'établir des zonages privilégiant les résidences principales, moyens pour lutter contre les fraudes, application facilitée du régime d'autorisation de changement d'usage.

Ici, il n'est ni question d'interdire Airbnb, ni de créer des obstacles à notre économie touristique, mais de réguler une situation de déséquilibre qui nous échappe et porte dangereusement atteinte à l'accès au logement. Après l'immense déception qu'a suscitée le Conseil National de la Refondation sur le logement, il est urgent que le gouvernement prenne enfin conscience de la « bombe sociale » qui nous guette alors que l'on traverse l'une des pires crises du logement de notre histoire. Réguler le nombre de locations touristiques est l'une des clefs pour répondre à cette crise.

CONTRE

La crise du logement est une réalité à laquelle l'ensemble des Français est confronté et qui appelle des réponses collectives fortes et efficaces. Cependant, en tant qu'association rassemblant les principaux intermédiaires de la location de vacances, nous sommes fermement convaincus que des solutions existent pour lutter contre la crise du logement sans céder à la facilité et la démagogie.

L'activité de location touristique est fortement réglementée, et ce depuis des années. Les maires disposent déjà de nombreux outils pour assurer un équilibre entre le développement touristique et la préservation du logement permanent dans leurs communes. Cependant, ils sont insuffisamment connus et maîtrisés par les élus et les collectivités. Le baromètre de l'ANETT - l'UNPLV soulignait il y a un an déjà, que seuls 52,1% des élus locaux estiment que la réglementation sur les meublées touristiques était assez claire et facilement accessible. Un guide dédié, notamment à destination des élus, a pourtant été conçu par le ministère du Logement en février 2022.

Avant de complexifier encore le régime, au détriment du pouvoir d'achat des Français et de leur liberté, assurons-nous que l'existant soit déjà connu et utilisé !

Les hébergeurs sont aujourd'hui désignés comme bouc-émissaires de la crise du logement. Cela semble un peu facile de masquer ainsi les véritables et multiples causes d'une crise bien réelle. Plutôt que de pénaliser fiscalement ces derniers qui ne souhaitent ou ne peuvent devenir propriétaires bailleurs et ne sont certainement pas les spéculateurs immobiliers que certains décrivent, rendons la location de longue durée plus attractive et interrogeons-nous sur ce qui détourne les propriétaires de cette option.

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Plus de 23 000 hébergeurs, ont déjà exprimé leurs inquiétudes sur la plateforme La Voix des Hébergeurs, lancée début juin, face à une escalade réglementaire hâtive et disproportionnée. Les pouvoirs publics doivent prendre en compte les conséquences des propositions législatives actuelles sur le pouvoir d'achat des Français : hébergeurs, vacanciers mais également sur les économies locales. Des effets négatifs certains pour des résultats plus qu'aléatoires pour résoudre la crise du logement, un meublé de tourisme est rarement transposable en location à l'année pour une famille.

Par ailleurs, les revenus générés par les locations meublées sont plus que jamais nécessaires dans une période d'inflation, pour rembourser un prêt immobilier, compléter les retraites ou encore contribuer à financer des travaux de rénovation énergétique. Alors, pourquoi ne pas faire des hébergeurs les alliés de la rénovation énergétique ? Nous estimons qu'encourager les hébergeurs à investir tout ou partie des revenus provenant de la location saisonnière en mettant en place un crédit d'impôt pour adapter ces logements aux défis de la rénovation énergétique est une proposition plus juste et vertueuse.

La location meublée touristique vaut mieux que la caricature qu'en font certains : véritable moteur d'activité économique non-délocalisable pour de nombreux territoires, notamment ruraux, ressource bienvenue pour les collectivités locales, ambassadeur sans pareil de la destination France, notre secteur peut-être un allié précieux pour construire un tourisme plus résilient et durable en France. Alors, pour une fois, ne cassons pas ce qui marche et travaillons à un cadre juste, proportionné et efficace au bénéfice de tous.

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Commentaires 10
à écrit le 01/07/2023 à 21:16
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Il convient impérativement de faire la différence entre une maison en pleine campagne et un appartement en zone touristique ! Je loue l’été sur AirBnB une dépendance que mes enfants n’occupent que rarement et ces locations, sur lesquelles je paie des...

à écrit le 25/06/2023 à 8:05
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Crier haro sur Abnb est facile!! Le maire de Paris a protesté car Air France pour des raisons de couts a réduit ss vols depuis la Chineparce que cela fait moins de touristes!! Vouloir 10 millions de touristes (des devises des commerces qui marchent.....

à écrit le 23/06/2023 à 10:48
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Décidément dans notre beau pays on ne sait résoudre les problèmes que par des réglementations coercitives ou des taxes. Les locations touristiques représentent aussi ...des touristes. Qui dépensent, vont au resto, visitent des sites, font marcher le ...

le 23/06/2023 à 13:05
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On a assez de recul à Paris pour constater l'impact dévastateur des locations touristiques sur la vie au quotidien (logement prohibitif, fermeture de services courants, de classes d'école, nuisances sonores...), mais ça, les propriétaires s'en fichen...

à écrit le 23/06/2023 à 8:55
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Il est intéressant de constater que le projet de loi est déposé par un député d'une des zones où les employeurs crient le plus fort d'avoir du mal à recruter, justement en raison de la pénurie de logement abordable sur place. Ces locations touristiqu...

à écrit le 22/06/2023 à 17:53
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Contre laissons une fois vivre les gens Raz le bol de taxes et d'assistanat Pour beaucoup des gens c'est un complément retraite Ils ont galerés toute leur vie pour avoir cet appoint

à écrit le 22/06/2023 à 11:31
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1) Mettre fin à l'avantage fiscal permettant aux propriétaires de meublés de tourisme d'obtenir un abattement de 71%, contre 30% pour une location longue durée classique. OUI 2) étendre l'interdiction de la location de passoires thermiques qui n...

à écrit le 22/06/2023 à 10:44
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les Airbnb .. comme toutes les pollutions il convient de taxer très lourdement les Airbnb

à écrit le 22/06/2023 à 9:52
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Toute les entreprises qui utilisent les médias pour faire du cash ne sont que des intermédiaires parasites !

à écrit le 22/06/2023 à 7:53
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La question est de savoir pourquoi certains acteurs se permettent de ne pas payer les charges habituelles immobilières ou salariales d'abord et avant tout comme UBER, vaste entreprise de dumping social accueillie à bras ouvert et airbnb qui se permet...

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