Financement des transports en Île-de-France : « L'Etat n'a engagé aucune discussion avec nous ! », s'impatiente le président du 92

GRAND ENTRETIEN - Juste avant de demander à la Société du Grand Paris, l'établissement public qui construit le métro du Grand Paris Express, de poursuivre les études du prolongement de la ligne 18 entre Versailles et Nanterre, le président (LR) des Hauts-de-Seine a reçu La Tribune dans son bureau à La Défense. Successeur de Patrick Devedjian, décédé lors du premier confinement de mars 2020, Georges Siffredi revient sur le financement des transports dans la région-capitale, l'avenir du quartier d'affaires altoséquanais, le budget 2023 du conseil départemental et bien sûr sur la réforme avortée du Grand Paris.
César Armand
Georges Siffredi a succédé à Patrick Devedjian le 25 mai 2020.
Georges Siffredi a succédé à Patrick Devedjian le 25 mai 2020. (Crédits : ©CD92/Olivier Ravoire)

LA TRIBUNE - Avec Valérie Pécresse (région Ile-de-France), Anne Hidalgo (Paris) et Pierre Bédier (Yvelines), vous avez interpellé, le 13 février, les ministres des Transports et des Sports sur le financement de l'extension d'Eole, le RER E, pensée pour relier Saint-Lazare à La Défense en 2024. Pourquoi, alors que Clément Beaune estime que le financement est « garanti, assuré et sécurisé » et qu'il a promis, lors des Assises du financement des transports en Île-de-France, un rapport pour mars, avant de revoir l'autorité organisatrice des transports en avril, et ce afin de nourrir la loi de finances 2024 dès juillet prochain ?

GEORGES SIFFREDI - Depuis le début du projet, nous avons accepté de jouer le jeu et pris nos responsabilités, nous les collectivités, en contribuant à hauteur de 45% de l'investissement, même si le budget a été multiplié par deux par la SNCF. En ce qui concerne le fonctionnement, malgré les annonces du ministre, nous n'avons aucune visibilité sur le financement de cette ligne quand elle sera mise en service. D'où viendra-t-il ? Les décisions seront-elles unilatérales, ou bien va-t-on trouver des solutions intelligentes ensemble, en associant la région et les départements, puisque je rappelle que nous sommes contributeurs à l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités. Pour l'instant, l'Etat n'a engagé aucune discussion avec nous.

Nous sommes donc à La Défense, dont vous êtes aussi le président du conseil d'administration de l'établissement public d'aménagement. Entre Covid et télétravail, ce quartier a-t-il encore un avenir ?

Je ne crois pas à la fin du quartier d'affaires. Nous observons un taux de vacances dans les bureaux supérieur à ce que nous avions avant la crise du covid-19, mais c'est principalement dû à la livraison de centaines de milliers de mètres carrés, neufs ou rénovés, qui ont été mis sur le marché. Pour autant, les années 2021-2022 ont été les deux années les plus importantes de prise à bail depuis dix ans. Et on se rend compte que cela ne concerne plus seulement les entreprises du CAC 40 - qui prennent 30, 40 ou 50.000 mètres carrés - mais aussi des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui recherchent des surfaces moins importantes, et qui modifient la typologie des entreprises présentes à La Défense. On n'assiste donc pas à la fin du quartier d'affaires, mais à son évolution et à sa diversification. Cela nous conduit à repenser en profondeur le modèle du centre d'affaires, et nous engageons des transformations structurantes pour faire de La Défense le premier quartier d'affaires post-carbone de dimension mondiale.

C'est le fameux recyclage des tours ?

Cela passe notamment par la restructuration de l'existant, en effet, d'autant que sur les 4 millions de mètres carrés globaux, 1 million sont obsolètes, mais aussi par la diversification des usages et des fonctions, à l'échelle du quartier et à l'intérieur même des tours, car le modèle monolithique 100% bureau est complètement dépassé. Nous devons favoriser un cycle de vie de plus longue durée aux tours et en faire des lieux mixtes et réversibles. Pour cela, il faut faire évoluer certaines contraintes administratives, comme la réglementation en matière de sécurité incendie, par exemple, qui n'est pas la même pour les bureaux et pour les logements. Je pense également aux contraintes financières, puisqu'il est aujourd'hui plus difficile d'accéder aux financements pour rénover et restructurer des tours que pour simplement les démolir et les reconstruire. Limiter notre empreinte carbone doit donc nécessairement passer par un travail sur les financements et la création de dispositifs incitatifs en la matière. Et en parallèle, nous végétalisons la dalle où prédominait jusqu'alors le minéral, et nous travaillons pour ouvrir La Défense à son environnement et mieux la relier aux villes dans lesquelles elle s'inscrit.

Sans transition, vous venez de tenir, ce 17 février, votre débat d'orientation budgétaire pour l'année 2023, de 2 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement et de 628 millions d'euros de dépenses d'investissement. Sans surprise, la priorité reste les solidarités avec un budget de fonctionnement de 969 millions d'euros. Qu'est-ce qui vous distingue des autres départements ?

Notre priorité, c'est de toujours améliorer l'accompagnement de nos concitoyens, avec un mot d'ordre : innover pour mieux protéger. C'est ce que nous faisons dans le domaine de la protection de l'enfance, avec notamment le projet de la Maison de l'avenir, que nous avons élaboré avec le professeur Marcel Rufo, et dont nous ouvrirons une préfiguration dès la fin de cette année. C'est ce que nous faisons également pour relever les défis liés au vieillissement de la population, et mener une politique globale de l'autonomie qui articule maintien à domicile - puisque c'est la solution privilégiée par l'immense majorité de nos concitoyens - et accueil en établissement. Ces structures sont trop souvent le dernier recours pour les familles, et apparaissent de fait comme des lieux de fin de vie. Nous voulons modifier cette image, pour en faire des lieux de soins et de vie agréables pour les résidents. C'est le sens du travail que nous conduisons avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), pour imaginer l'établissement de demain, en élaborant un référentiel de qualité de vie des seniors. Nous allons présenter prochainement ce cahier des charges, et je veux que nous trouvions un site où nous pourrons le mettre en œuvre rapidement. Notre objectif est de le décliner progressivement dans l'ensemble des établissements altoséquanais, et que cela puisse servir d'exemple pour l'ensemble du pays.

Dans le cadre de l'établissement public interdépartemental Hauts-de-Seine/Yvelines, vous venez de flécher 13 sur 17 millions pour les routes. Pourquoi n'avoir pas demandé le transfert de certaines portions, comme cela était possible dans le cadre de la dernière loi de décentralisation ?

L'Etat n'a pas mené un vrai travail partagé pour faire un diagnostic des routes nationales, et nous ne savons rien des compensations qu'il envisage. De plus, les axes nationaux concernent plusieurs départements : que ce soit l'A86 ou la N118, cela reviendrait à ce que chacune des collectivités en prenne un bout. Cela n'aurait pas beaucoup de sens !

A propos de décentralisation, vous avez été maire de Châtenay-Malabry de 1995 à 2020, vous êtes vice-président de la métropole du Grand Paris depuis 2016 et vous êtes président d'un département qui a failli disparaître dans le cadre de la réforme du Grand Paris avortée. Que proposez-vous vu de votre fenêtre ?

Au moment de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRé), l'Etat n'a pas écouté les élus franciliens. Nous étions 94% des maires à dire que la création de la Métropole du Grand Paris (MGP) et des établissements publics territoriaux (EPT), qui venaient s'ajouter aux trois échelons existants (commune, département, région), était une aberration, mais l'Etat a imposé sa vision. Et on voit bien que cet empilement de 5 strates ne fonctionne pas ! La région a son schéma directeur, la métropole son schéma de cohérence territoriale, les EPT leurs plans locaux d'urbanisme intercommunaux, et personne n'y comprend plus rien. Il faut simplifier vraiment ce mille-feuilles, en faisant coïncider le périmètre de la métropole avec celui de la région pour pouvoir développer une vision stratégique de long terme et apporter les réponses aux défis majeurs du développement économique, des mobilités ou du développement durable. Quant aux EPT, dont les périmètres ont été établis de façon artificielle par l'Etat, il faut revenir aux communautés d'agglomération avec des compétences obligatoires comme la gestion des déchets ou l'assainissement - qui permettent de générer de véritables économies d'échelle -, et laisser les communes libres de décider les autres compétences qu'elles souhaitent transférer. Et je suis certain que les maires reprendront l'aménagement et l'urbanisme, car c'est une aberration que ce soient les EPT qui s'en occupent.

Et le département dans tout ça ?

C'est un échelon essentiel pour la cohésion sociale et territoriale. Chef de file des politiques publiques dans le domaine des solidarités, il a démontré pendant la crise sanitaire, et continue de démontrer son agilité et son efficacité pour agir en proximité avec les communes, au plus près des réalités du terrain. Dans cet esprit, je considère que le logement doit revenir aux départements, car c'est l'échelle la plus cohérente pour assurer un développement équilibré, d'autant qu'ils disposent d'un levier d'action efficace avec les offices départementaux de l'habitat. Je suis pour une vraie décentralisation, qui donne à chaque collectivité des compétences claires, et lui garantit les moyens de les exercer. Il faut que l'Etat fasse confiance aux élus locaux, et leur laisse la liberté d'agir.

5 chiffres-clés du budget 2023 du département des Hauts-de-Seine

  • 350 millions d'euros de dépenses pour l'autonomie
  • 221 millions pour l'aide sociale à l'enfance
  • 153 millions d'investissements dans les mobilités
  • 48 millions pour le développement des infrastructures sportives départementales
  • dont 35 sur 80 millions pour le stade Yves-du-Manoir à Colombes (infrastructure olympique pour le hockey sur gazon)

César Armand

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