La SNCF pousse les curseurs de la mixité, mais se heurte aux réalités sociétales

Avec 270.000 salariés, la SNCF n'échappe pas aux comportements observés au sein de la population française, et donc au sexisme, au harcèlement et à la discrimination. Loin de se laisser abattre par une réalité sociétale, le groupe entend agir sur plusieurs leviers. Malgré des réussites et une intransigeance affichée, stéréotypes et comportements déplacés ont encore la vie dure. Et ce, au-delà des seules inégalités femmes-hommes.
Léo Barnier
Les disparités restent fortes selon les métiers au sein de la SNCF (Photo d'illustration).
Les disparités restent fortes selon les métiers au sein de la SNCF (Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

A l'approche de la journée internationale des droits des femmes, qui a lieu ce vendredi, la SNCF a décidé d'une nouvelle initiative de promotion de l'égalité femmes-hommes et de lutte contre les discriminations. Déjà porteur de plusieurs initiatives en la matière, le groupe enjoint en effet ses salariés à se saisir du sujet au travers d'une exposition itinérante baptisée « Bougez la mixité ». Lancée il y a quelques jours, cette tournée se déroule pendant un mois et demi dans les 13 capitales régionales, ainsi que dans un certain nombre de centres opérationnels avec une déclinaison allégée.

Placée sous la responsabilité d'Anne-Sophie Nomblot, présidente du réseau SNCF Mixité (en place depuis 2012, et comptant plus de 12.000 membres), avec l'appui de Jean-Pierre Farandou, PDG du group,e et de Marlène Dolveck, directrice générale adjointe chargée de la transformation et directrice générale de Gares & Connexions, cette tournée vise à exposer la question de l'inégalité femmes-hommes au travers d'un large spectre, qui dépasse celui de l'entreprise. Elle aborde ainsi les problèmes de sexisme au travail et le manque de parité sur un certain nombre de métiers au sein de la SNCF, mais aussi le déséquilibre dans la répartition des tâches domestiques.

Lire aussiAvec une troisième année de bénéfices, la SNCF valide la grande réforme ferroviaire de 2018

La SNCF veut prendre sa part

Si elle met tout d'abord en avant les avancées réalisées, Anne-Sophie Nomblot est lucide sur les efforts encore à faire : « Il y a des choses sur lesquelles il faut que nous travaillions en ce moment et ensemble. Ce sont des sujets sociétaux comme la question de la lutte contre le sexisme. Le rapport du Haut Conseil à l'Egalité, sorti fin janvier, montre que le sexisme est encore présent dans la société française, notamment chez les plus jeunes. [...] C'est aussi le cas chez nous, et donc nous avons aussi notre part à prendre sur ses enjeux de lutte contre le sexisme, le harcèlement sexuel et même les violences conjugales. »

Jean-Pierre Farandou reconnaît également que ces problématiques sont présentes à la SNCF, avec « encore beaucoup de gens qui se sentent victimes de discrimination ». Avec 150.000 cheminots, et 270.00 salariés au niveau du groupe, il se dit bien conscient qu'il n'y a pas de raison pour que ce qui se passe en France ne se déroule pas aussi au sein de la SNCF.

Jean-Pierre Farandou revendique toutefois être dans une grande entreprise qui a eu le courage d'établir un état des lieux : « Nous avons regardé et nous avons vu. Nous avons vu effectivement que nous n'avons pas loin d'une femme sur deux qui se dit avoir été victime de comportements sexistes sur sa carrière. »

Lire aussiHarcèlement sexuel au travail : « Nous venons de loin, c'est pour ça qu'il faut agir plus fort »

Plusieurs niveaux d'actions

Le patron de la SNCF prône en tout cas la tolérance zéro : « Il y a un travail d'abord de tolérance zéro. Si nous attrapons quelqu'un, il sera puni durement après instruction et nous avons d'ailleurs eu des licenciements. [...] Et en contrepoids, il y a tout le travail de pédagogie, d'explication, de conviction et de prise de conscience. »

Plusieurs initiatives sont ainsi avancées avec le réseau mixité, à l'image de la tournée actuelle, la possibilité de faire appel à sa hiérarchie ou à l'action sociale avec un numéro vert, ainsi que des solutions d'urgences. En cas de violences conjugales, trois jours de congés sont immédiatement accordés, avec une mise en relation avec des associations, voire la mise à disposition d'un logement du parc immobilier.

S'il fait de l'égalité femmes-hommes un « totem », Jean-Pierre Farandou pointe aussi toutes les autres formes possibles de discrimination, comme celle liée à l'orientation sexuelle ou les différences physiques.

« Si nous laissons s'installer discrimination pour 50% de la population, imaginons les autres sur des vraies minorités qui sont encore plus en danger ».

Au-delà des comportements sanctionnables, il appelle également à « chasser la blagounette » et tous les comportements blessants même dépourvus en apparence de malveillance.

Lire aussiIndex égalité femmes-hommes en entreprise: peut mieux faire, estime le Haut Conseil à l'Égalité

Des réussites qui doivent encore croître

Sur les réussites, Anne-Sophie Nomblot met en avant « une trajectoire en matière de mixité avec des indicateurs conçus, dont certains sont stimulants et vont dans le bon sens ». Elle fait référence en particulier à la quasi-égalité salariale au sein du groupe SNCF - la différence est de 6 euros à poste équivalent et temps de travail constant contre un écart de 15% au global en France à temps équivalent, selon l'Insee.

Elle mentionne également un score de plus de 90 sur 100 pour toutes les sociétés du groupe sur l'index de l'égalité professionnelle, dit « Pénicaud », ou encore la présence de 42% de femmes dans les instances de direction, soit plus que les quotas imposés par la loi Rixain.

Lire aussi« Usine à gaz », inefficace... Le bilan sévère de l'index d'égalité professionnelle, quatre ans après sa création

La parité semble toutefois encore loin lorsque l'on s'approche du sommet de la pyramide. Dans le comité de direction générale du groupe SNCF, le taux est inférieur avec quatre femmes sur onze membres. Et le ratio tombe à cinq sur dix-neuf au sein du comité exécutif.

Ces chiffres sont aussi à mettre en rapport avec un taux de féminisation encore assez faible au sein du groupe, de l'ordre de 23% avec de fortes disparités selon les métiers. Et la SNCF peine à faire évoluer significativement ce curseur. En dépit d'initiatives pour promouvoir ses métiers auprès des jeunes filles, ou même pour des reconversions et des reprises d'emplois, la SNCF plafonne encore à 30% de femmes dans ses recrutements. Cela se fait particulièrement sentir sur les métiers techniques.

Lire aussiFrance : malgré les obstacles qui perdurent, 43% des nouveaux chefs d'entreprise sont des femmes

Des limites sociales fortes

La présidente du réseau SNCF Mixité assure avoir pris des mesures en la matière. Elle reconnaît toutefois se heurter « à la question des stéréotypes à l'orientation ». Elle poursuit : « C'est un sujet sociétal, mais il faut que nous prenions notre part par rapport à ça. Nous avons encore beaucoup trop souvent des filles qui s'orientent vers les métiers du soin et des garçons qui vont vers les métiers techniques. »

Lire aussiAurore Bergé : « Il faut réformer l'index d'égalité professionnelle »

 « Nous avons du mal avoir des filles, que ce soit avec des diplômes que nous recherchons - des chaudronnières, des soudeuses, des développeuses, etc. - ou sur des métiers sans diplôme spécifique, par exemple pour la conduite des trains ou pour les agents de la surveillance générale », explique Anne-Sophie Nomblot.

Et, selon elle, ce biais s'est quelque peu aggravé avec la réforme du baccalauréat avec des choix d'orientation qui se font plus jeune : « Plus les choix d'orientation se font tôt et plus ils sont stéréotypés. »

Interrogée par La Tribune sur les difficultés possibles pour une femme d'être la seule dans l'atelier ou le poste de travail, Marlène Dolveck assure qu'il n'y a pas de mal-être particulier après l'embauche. Elle indique ainsi que les taux de turnovers sont les mêmes pour les femmes et les hommes. Et elle souligne l'apport de la sororité pour assurer le bien-être et la prise en compte des femmes dans un groupe encore très masculin.

Léo Barnier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 09/03/2024 à 8:33
Signaler
Il faut se dire que nous vivons dans un monde dans lequel les aspirations de nos dirigeants bourgeois sont les mêmes que celles des délinquants, grosses berlines allemandes, villa à Nice... On comprend que ces premiers du coup s'acharnent sur les sec...

à écrit le 08/03/2024 à 17:09
Signaler
la boucle se boucle!!!!!!!! le sexisme est present ' surtout chez les jeunes'??????hahaha! tous ces bons baveux, petris de tolerance, de bienveillance et de laicite dans un grand cadre de miction sociale, decouvre que les proteges d'ultra neo paleo g...

le 08/03/2024 à 19:28
Signaler
On met le loup ds la bergerie en chassant le berger et les chiens et on s'étonne du résultat !

le 09/03/2024 à 16:06
Signaler
La miction sociale ??? Autant pisser dans un violon :) Merci pour ce moment de rigolade....

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.