Le contournement autoroutier de Rouen sera-t-il enterré ?

Le gouvernement s’apprête t-il à tordre le cou au serpent de mer du contournement Est de Rouen ? Alors que la décision d’abandonner ou de poursuivre ce projet autoroutier vieux de près d’un demi-siècle semble imminente, opposants et partisans affûtent leurs argumentaires respectifs.
Pendant le festival des bâtons dans les routes organisé en mai dernier sur le tracé du contournement Est, un militant plante des clous dans un arbre pour freiner le travail des tronçonneuses, en opposition à la destruction de parcelles forestières.
Pendant le festival "des bâtons dans les routes" organisé en mai dernier sur le tracé du contournement Est, un militant plante des clous dans un arbre pour freiner le travail des tronçonneuses, en opposition à la destruction de parcelles forestières. (Crédits : Les soulèvements de la terre)

Reconnu d'utilité publique en 2020, le projet de périphérique à péage de Rouen va t-il connaître le même sort que Notre Dame des Landes ? La question se pose après que le ministre délégué aux transports a annoncé, devant les députés puis au micro d'Europe 1, que des projets autoroutiers seraient abandonnés « s'ils ne correspondent plus aux besoins environnementaux ». Parlant de « décisions courageuses » à venir, il a évoqué une liste d'une dizaines d'opérations « à revoir ». Lesquelles ? Clément Beaune s'est bien gardé de le préciser, se bornant à indiquer qu'un « travail de recensement et d'analyse » était en cours.

La petite phrase du ministre a suscité un certain émoi dans la capitale administrative de la Normandie. A juste titre. Tout permet de penser que le  contournement Est de Rouen figure parmi ceux sur le gril. En atteste la rencontre discrète à son propos qui a eu lieu cet été entre Clément Beaune et Nicolas Mayer Rossignol, maire et président PS de la Métropole rouennaise. Favorable au chantier du temps où il présidait la Région, l'édile a depuis tourné casaque au nom de l'urgence  écologique. « Le ministre m'a demandé si ma position était sincère, je l'ai assuré de ma bonne foi », rapporte t-il.

Un projet coûteux et clivant

Localement, le réexamen de ce projet vieux de près d'un demi-siècle ne surprendrait pas grand monde en raison de son caractère très clivant. Celui-ci s'est rappelé au bon souvenir du gouvernement en mai dernier à l'occasion du  festival « Des bâtons dans les routes » organisé dans l'Eure par le collectif Les soulèvements de la terre. Largement médiatisé, l'événement a mis en lumière la détermination des écologistes à lutter contre à ce tronçon autoroutier, érigé en symbole national. Autre motif de discorde, le coût prohibitif de l'ouvrage : environ un milliard d'euros pour une quarantaine kilomètres dont la moitié à la charge de la puissance publique. Deux raisons qui pourraient pousser Paris à y regarder à deux fois avant de sortir son chéquier.

Conscients de se trouver à la croisée des chemins, les partisans du contournement Est n'ont d'ailleurs pas tardé à réagir aux propos du ministre des transports. Témoin, cette lettre ouverte envoyée hier par les présidents de la Région Normandie, du Département de Seine Maritime et de la CCI Rouen Métropole à l'hôtel Matignon. Co-signée par une cinquantaine d'élus dont la quasi-totalité des parlementaires normands de droite et par environ un millier d'acteurs économiques, la missive enjoint Elisabeth Borne d'engager les travaux au plus vite, conformément à la promesse inscrite dans la loi d'orientation des mobilités en 2019. « C'est une impérieuse nécessité pour un territoire qui aspire à rester un acteur de notre souveraineté industrielle et technologique », argumentent les signataires qui se réclament du soutien du président de la république.

Bataille de chiffres

Du côté de l'exécutif de la Métropole, on dénonce au contraire l'impact désastreux qu'aurait la construction d'une telle infrastructure sur la nature environnante. « Est-ce que l'on veut encore artificialiser 500 hectares dans le contexte du ZAN (Zéro artificialisation nette ndlr) ? », interroge tout haut Nicolas Mayer Rossignol qui se flatte d'avoir le soutien de la population. Alors que les partisans du projet revendiquent un appui massif de 80% des rouennais et des Normands consultés en 2021, l'intéressé dégaine un sondage réalisé par l'Ifop en juin dernier auprès de 805 habitants  de l'agglomération. Interrogés sur l'opportunité  d'un « grand contournement avec péage », 56% des répondants disent y être opposés contre 42% d'avis favorables, soit une chute de 34 points depuis 2018.

Quant à l'efficacité de l'ouvrage sur la réduction de la pollution et des embouteillages, le président de la Métropole en doute plus que jamais. « A Strasbourg, la qualité de l'air a empiré depuis la mise en service du contournement Ouest et Nice se bat pour enlever son péage », pointe t-il non sans une certaine habilité. Reste à voir si ces arguments convaincront au plus haut sommet de l'Etat. Ou si, comme veut le croire Hervé Morin, « Emmanuel Macron reste très attaché au contournement Est ».

Quelle que soit la décision, il faut espérer un arbitrage clair de la part de l'Etat. Les particuliers et les communes, dont les propriétés se trouvent sur le tracé, attendent d'être fixés sur leur sort depuis plus d'une décennie. En aucun cas, ils ne se satisferaient d'une réponse de Normand.

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