L'été en pente douce... selon Macron

VOTRE TRIBUNE DU SAMEDI. En point d'orgue de sa "pérégrination" dans le Lot, le président de la République veut convaincre qu'il peut retrouver le souffle des réformes. Mais l'été sera peut-être plus chaud qu'il ne l'imagine...
Philippe Mabille
Pour le chef de l'État, c'est bientôt la fin de la parenthèse du Covid. Porté par le déconfinement, il veut tenter l'échappée par la relance et par la poursuite au moins de la volonté de réforme.
Pour le chef de l'État, c'est bientôt la fin de la parenthèse du Covid. Porté par le déconfinement, il veut tenter l'échappée par la relance et par la poursuite au moins de la volonté de réforme. (Crédits : Bernard Patrick/Pool/ABACA via Reuters)

Emmanuel Macron ne manie jamais les formules par hasard. C'est ainsi qu'en plongée dans les plus beaux villages du Lot pour inaugurer son tour de France, le chef de l'Etat a déclamé un « Je ne peux pas gérer l'été en pente douce ». Référence peut-être au film éponyme de Gérard Krawczyk, d'après un roman de Pierre Pelot, et sorti en 1987 avec les magnifiques et inoubliables Pauline Lafont, Jacques Villeret et Jean-Pierre Bacri. Une allégorie à la désertification rurale, à cette France des « oubliés » qui s'est rebellée contre lui dans un épisode des Gilets Jaunes dont Emmanuel Macron ne s'est toujours pas complètement remis, comme il l'a raconté dans son récent entretien à Zadig.

L'été en pente douce, mais un été où il va devoir prendre des « décisions », « certaines difficiles », a prévenu Emmanuel Macron au cours de sa déambulation de pré-campagne présidentielle. Pour le chef de l'Etat, c'est bientôt la fin de la parenthèse du Covid. Porté par le déconfinement, il veut tenter l'échappée par la relance et par la poursuite au moins de la volonté de réforme. Et « la mère » de toutes celles-ci sera sans doute celle des retraites, même si on ne voit guère encore où le président veut guider ses arbitrages. Pour Emmanuel Macron, c'est encore le moment de l'esquive et de l'oxymore, remarque notre chroniqueur politique Marc Endeweld.

Si la réforme des retraites ne sera pas reprise « en l'état », assure le locataire de l'Elysée, c'est que politiquement, Emmanuel Macron hésite : faut-il vraiment courir le risque d'une nouvelle grève des salariés des régimes spéciaux ? On voit bien venir les deux temps. D'abord celui de la relance, dont il veut assurer le service après-vente. Et ensuite celui des « choix à faire pour le pays ». Mais le pays est-il prêt pour cela, abîmé par la rupture des relations sociales pendant les confinements ?

Pour que l'été ne soit pas meurtrier, il faut sans doute avant tout redire ce qu'est notre projet de société, conseille à Emmanuel Macron le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dans un entretien vidéo d'une heure avec Denis LafayA réécouter ce weekend notre émission : Et maintenant on fait quoi ?

Certes, l'économie se porte mieux comme en témoigne le baromètre de l'Ordre des experts-comptables qui mesure une forte hausse du chiffre d'affaires des TPE-PME, y compris dans les secteurs les plus impactés par la crise sanitaire.

Mais comme l'explique Grégoire Normand, la montée de l'endettement des entreprises inquiète. La période de transition entre la baisse des aides et le rebond devrait être particulièrement cruciale pour un certain nombre d'entreprises lourdement affectées. Si les terrasses bondées témoignent de la vigueur de la reprise, certains pourraient vivre un été beaucoup moins doux. Avec la fin des aides de l'Etat, de nombreuses restructurations d'entreprises en difficulté sont à venir. Dans les grands groupes, la tentation est forte de profiter de cette période pour réduire les effectifs discrètement par un recours accru aux pré-retraites via les ordonnances Travail de 2017, raconte Fanny Guinochet qui a enquêté sur le sujet. Les PME n'en ont pas toujours les moyens et préfèrent les "préretraites Pôle Emploi" grâce à l'assurance-chômage. Signe des temps, beaucoup de cadres âgés usés par la crise sont candidats au départ.

Autre signe d'exubérance, la flambée incroyable de la Bourse. Nul ne sait si pour les marchés financiers, l'été se déroulera en pente douce, mais la Bourse veut croire à une reprise en V et ne s'inquiète pas des tensions inflationnistes, analyse Eric Benhamou.

C'est que les étés sont souvent meurtriers sur les marchés, surtout les années impaires (1987, 2007...). Olivier de Guerre, président de Phitrust, tire dans ce grand entretien avec La Tribune la sonnette d'alarme et lance un avertissement sur la mode des SPACs, ces nouveaux véhicules d'investissement cotés dont le dernier exemplaire a été lancé par Accor.

Le groupe présidé par Sébastien Bazin a levé 300 millions d'euros dans le cadre d'un placement privé pour « acquérir une ou plusieurs sociétés dans des secteurs connexes au coeur de métier hôtelier de Accor », comme la restauration, les bars ou encore l'événementiel.

Une chose est sûre, ce n'est pas la crise pour tout le monde. Dans sa chronique économique hebdomadaire, Robert Jules revient sur l'enrichissement des Chinois qui devrait croître de 50% dans les cinq prochaines années, selon une étude de la banque HSBC. Son économie va dépendre davantage de son marché intérieur que de ses exportations, avec l'objectif de quitter le statut d'économie émergente pour celui d'économie développée, sur fond de rivalité avec les Etats-Unis. "Devenir riche est glorieux !", clamait Deng Xiao Ping, qui dirigea la Chine entre 1978 et 1992, et engagea les réformes économiques, à la mode d'un Turgot ("Enrichissez-vous"). 5 millions de Chinois auront une fortune supérieure à 1,5 million de dollars à l'horizon 2025. Aujourd'hui, les 2 millions de ménages déjà concernés représentent un montant cumulé de 10.800 milliards de dollars, soit pratiquement la capitalisation cumulée des marchés actions de Shanghaï et Shenzen.

S'il est un secteur qui nourrit les espoirs de rebond, avec l'accélération des vaccinations, et le retour des étrangers, notamment les Chinois, c'est le tourisme. Emmanuel Macron a annoncé mercredi dans le Lot un futur "plan de reconquête" et d'investissements dans le secteur, aujourd'hui sinistré. Un plan qu'il n'a pas chiffré et qui portera sur 5 ans, en complément des aides apportées pour faire face à la crise sanitaire.

A l'approche de la réouverture progressive des frontières, des restaurants et des hôtels, les tours opérateurs, qui conçoivent des voyages du vol en avion à l'hébergement, espèrent faire voyager cet été 5% de touristes de plus que l'an dernier à pareille époque. Et malgré des conditions de voyage très incertaines, notamment en long-courrier, René-Marc Chikli, président du Syndicat des Entreprises de Tour Operating, explique à Margaux Fodere que les opérateurs sont prêts pour ce redémarrage.

Si l'aéronautique et le tourisme vous passionnent, réservez votre journée du 21 juin. La Tribune organise la huitième édition du Paris Air Forum sur les défis de la reprise du transport aérien (mais aussi de la Défense et du New Space) et vous pouvez vous inscrire pour suivre les débats ici.

La semaine a aussi été marquée par la grande panne des numéros d'urgence. Pierre Manière notre spécialiste Télécoms vous explique pourquoi cette crise qui a fait au moins 3 morts est un gros signal d'alarme sur la vétusté des réseaux cuivre. Certes, la situation est revenue à la normale mais l'alerte a été chaude pour Orange et son PDG Stéphane Richard, convoqué par le gouvernement. Orange a lancé une enquête interne approfondie, qui "devra mener les investigations nécessaires pour identifier les causes précises de cet incident et émettre des recommandations pour tirer tous les enseignements nécessaires", précise le groupe.

La relance passe par les infrastructures télécoms, mais aussi par les transports verts du futur. Le 1er juin est ainsi une date historique pour l'axe Seine avec la fusion opérationnelle des trois ports de Paris, Rouen et Le Havre qui misent sur l'écologie pour gagner la bataille de la logistique en Europe. Alors qu'Anvers reste considéré comme le "vrai" port de la capitale, le Grand port fluvio-maritime Haropa fait le pari de la décarbonation des entrepôts et des transporteurs de marchandises, fluviaux, maritimes et routiers, souligne César Armand.

A lire aussi dans La Tribune cette semaine, l'article de Marine Godelier sur la filière plastique qui se mobilise pour créer une véritable économie circulaire, poussée par des exigences réglementaires ambitieuses. Mais des injonctions contradictoires de la part des pouvoirs publics freinent le processus. En vérité, dans le plastique, l'économie circulaire tourne un peu en rond.

Enfin, si vous vous intéressez aux élections régionalesretrouvez dans ce dossier les articles et analyses de nos journalistes dans toute la France. Vous y trouverez notamment une analyse macro de la santé de votre région.

Par exemple, le papier de Pascale Paoli-Lebailly sur les forces et les faiblesses économiques de la Bretagne.

A réécouter aussi ce week-end le replay de nos débats avec les candidats aux régionales en Occitanie et en Nouvelle Aquitaine.

Philippe Mabille

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Commentaires 8
à écrit le 07/06/2021 à 8:10
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critiquer tous ce qui vient du r n voir des polémistes de droite on a bien compris mais soutenir les derniers propos de m melanchon et laisser son discourt nauséabond se rependre c'est approuve ces dires le racolage continue au detriment de l...

à écrit le 06/06/2021 à 15:19
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pour punir les francais d'avoir un ressenti favorable aux idees du r n m macron et son equipe cree la demagogie le en meme temps les illusion perdu et tout cela pour ne pas faire le job que leur demande les francais deja sarko et hollande ont fa...

à écrit le 06/06/2021 à 12:41
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Entre les licenciements qui vont débouler par tombereaux, la fin des aides, les remboursements des dettes, les expulsions locatives, la hausse des prix de l'énergie (entre autres) et le retour des réformes anti-sociales, la rentrée sera sanglante.

à écrit le 06/06/2021 à 10:35
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des informations orientées toujours ciblées ne rassurent pas

à écrit le 06/06/2021 à 9:26
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La dette est créée pour enrichir les banques dans lesquelles les ex-enarques, polytech, science-po ont leurs réseaux avec le pouvoir, voir complément d'enquete sur F2. En gros, tous les français paieront ad-vitam æternam la dette créée par les gouver...

à écrit le 06/06/2021 à 9:25
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La dette est créée pour enrichir les banques dans lesquelles les ex-enarques, polytech, science-po ont leurs réseaux avec le pouvoir, voir complément d'enquete sur F2. En gros, tous les français paieront ad-vitam æternam la dette créée par les gouver...

à écrit le 06/06/2021 à 3:02
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Il devrait etre devant son bureau a travailler aux affaires qui vont a volo. Ce petit pretentieux doit etre debarque, il en va de l'avenir fort precaire du pays.

à écrit le 05/06/2021 à 9:36
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Le problème majeur est que dorénavant dire aux français qu'ils doivent se saigner pour rembourser une dette que nos gouvernants ont massivement accéléré pour rien si on compare nos décès du covid avec ceux des suédois va être particulièrement compliq...

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