Réindustrialisation : Atol relocalise une partie de sa production de lunettes dans le Jura

Reconnu pour avoir été le berceau de la lunetterie française, le Jura a gardé un savoir-faire d’excellence. Pour cela, la coopérative d’opticiens Atol, dont le siège est à Beaune (Bourgogne), a décidé de produire une collection jurassienne labellisée Origine France Garantie, à Morez et Oyonnax, recréant ainsi toute une filière en circuit court. A la clé, un « parcours » de 1.800 km, au lieu de 13.000 km pour une monture chinoise.
(Crédits : Amandine IBLED)

Alors qu'il y a une vraie reconnaissance du savoir-faire français dans le monde entier, seulement 10% des lunettes vendues en France sont produites dans l'Hexagone. Depuis une trentaine d'années, le premier critère d'achat étant le prix le plus bas, les fabricants ont privilégié l'Asie, en particulier la Chine pour concevoir leurs montures. Résultat, la filière a perdu près d'un tiers de ses emplois à cause des délocalisations.

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Sauf que, désormais, les consommateurs sont plus attentifs à l'origine de leurs lunettes. L'origine de fabrication est un critère qui préoccupe 6 Français sur 10, selon une série d'études de 2019 de l'observatoire des parcours de soins. « La majorité des Français est prête à payer un peu plus un produit conçu en France. Et à prix égal, c'est un argument qui l'emporte dans l'acte d'achat », constate Olivier Pribile, directeur marketing et commercial chez Atol.

Les lunettes sont assemblées à Beaune

Recréer une filière française de la lunetterie

Il y a deux ans, la coopérative d'opticiens de Beaune décident de se lancer dans la fabrication d'une collection -vraiment - 100% française. Exit les fameuses mentions marketing types « conception française », « designer en France », « Made in France », etc. Pour respecter ce défi, il fallait d'abord maitriser les filières de production. Or, la lunetterie française est issue à 80% du Jura. 10 millions de montures sont produites chaque année à Morez dont plus de la moitié est destinée à l'exportation vers plus de 40 pays du monde.

L'implantation du siège à Beaune ne doit rien au hasard. Le siège se situe ainsi à une heure du bassin de la lunetterie où se trouvent les manufacturiers, les coloristes, la matière, le savoir-faire et la créativité des montures. « Nos fournisseurs ont réalisé un travail important pour repenser entièrement la conception des montures », explique Olivier Pribile. « Pour la fabrication de la majorité des montures, 80% de la matière utilisée est jetée. Désormais, grâce à une meilleure optimisation de nos pièces, seulement 1% de la matière est transformé en déchet », précise-t-il. Pour la fabrication des verres, c'est une usine située à Paris qui livre le site de Beaune. « Un seul élément de cette collection ne provient pas de France. Il s'agit de la charnière car nous n'avons pas trouvé de fabricant en France », confie Olivier Pribile. L'entreprise a toutefois réussi à contractualiser avec un fournisseur voisin en Allemagne, non loin de Strasbourg, près de la frontière.

Sur le site de Beaune, les verres sont taillés, ajustés et assemblés sur les montures. Environ 600 paires de lunettes sont envoyées chaque jour aux opticiens répartis sur toute de la France. Un laboratoire qualité sur place teste les produits à la température, la transpiration, la résistance aux rayures, à l'écartement... « Une véritable salle de torture à lunettes ! », ironise Olivier Pribile.

C'est également à Beaune que la plateforme logistique envoie un million de colis par an. Le site comptabilise 50.000 références de verres (ce qui couvre à peu près toutes les corrections des Français, sauf les fortes myopies par exemple) et stocke trois millions de produits. « En termes de transport, si un client choisi nos montures écoresponsables et les verres fabriqués à Paris, nous divisons par 20 notre bilan carbone par rapport à des lunettes fabriquées en Chine », souligne Olivier Pribile. Si les modèles d'entrée de gamme restent produits dans les pays asiatiques, aujourd'hui, chez Atol, près de 30% des montures vendues sont produites en Europe, avec 90% des verres en France. Pour comparaison, chez Optic 2000, son concurrent principal, un quart des lunettes vendues entre 2010 et 2012 était "made in Jura". Aujourd'hui l'enseigne réalise plus de 25% de ses ventes avec des montures 100% françaises. Pour les verres, Optic 2000 fait appel à plusieurs marques, dont l'industriel Essilor qui porte également le label Origine France Garantie. Les opticiens mutualistes et indépendants travaillent aussi sur des montures françaises.

Le site de Beaune dispose de son propre laboratoire de qualité

La loi 100% santé en faveur des montures chinoises

Depuis l'entrée en vigueur de la loi "100% santé" en janvier 2021, le chiffre d'affaires réalisé en France par Atol a perdu 5 points, passant de 70% à 65%. « Ce texte a fait baisser les ratios de production française », confirme Olivier Pribile. En effet, partant d'une bonne intention cette loi a pour objectif de lutter contre le renoncement des soins afin de les rendre plus accessibles à ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter des lunettes coûteuses. Toutefois, celle-ci a eu pour effet collatéral de favoriser l'importation de montures chinoises. Le plafond de monture à 100 euros pour un reste à charge à zéro autorisé par la loi ne permet pas aux fabricants français de proposer des montures qui rentrent dans le cadre de la loi 100% santé. Pour olivier Pribile : « La loi 100% santé, c'est 100% pas français ! ». Pour la collection écoresponsable d'ATOL, le prix de vente est de 175 euros avec un reste à charge de 75 euros. « Un prix qui reste accessible sachant que nous les avons testées afin qu'elles soient le plus durable possible dans le temps », précise Olivier. Selon les simulations, les clients pourraient les porter jusqu'à 4 ans.

« Dans les cinq ans à venir, la volonté de la coopérative est de produire tout en France, ou au moins une grande partie et le reste avec ses voisins européens, en Allemagne pour le bassin technique et en Italie pour le design », confie Olivier Pribile.

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Commentaire 1
à écrit le 24/05/2022 à 17:00
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"recréant ainsi toute une filière en circuit court" à noter que la définition de circuit court c'est pas la proximité ni la distance faible, mais uniquement le fait qu'il n'y ait pas plus qu'un intermédiaire (commercial). Si les vendeurs de lunettes ...

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