Après la "startup nation", la "scale-up Europe" ? Mardi 15 mai, à l'occasion du lancement du salon VivaTech, Emmanuel Macron a placé la tech comme l'une des priorités de la prochaine présidence française de l'Union européenne, au premier semestre 2022. A l'Elysée, face à un parterre d'une centaine d'investisseurs et d'entrepreneurs du numérique français et européens, ainsi qu'une dizaine de ministres européens, le président français a présenté des mesures proposées par le mouvement "Scale-Up Europe" (faire grandir l'Europe), lancé début mars à Station F dans le but de décliner des propositions pour guider la présidence française de l'UE.
Un "visa tech européen" et un plan Tibi européen
"Nous devons construire un écosystème et des champions européens plus forts, et les entrepreneurs doivent pousser les gouvernements à être plus efficaces", notamment face à leurs concurrentes américaines et chinoises, a déclaré Emmanuel Macron lors de la réunion, en alternant anglais et français.
Suivant les recommandations remises par le groupe de travail, Emmanuel Macron a visé "10 entreprises à 100 milliards d'euros pour 2030" en Europe. Un objectif très ambitieux, que le collectif Scale-Up Europe compte atteindre en faisant appliquer à l'échelle de l'UE ses 21 propositions, réparties en cinq grands thèmes : le financement des startups, la capacité à conserver les talents européens en Europe et à attirer les talents étrangers, le développement des deeptech -ces innovations de rupture pour répondre aux grands défis économiques et climatiques du XXIè siècle-, la collaboration startups/grands groupes, et la création d'un marché unique européen de la tech.
Lors de son discours, Emmanuel Macron a salué le travail du collectif, et a déjà repris à son compte les deux premiers grands thèmes, le financement et les talents, présentés comme le nerf de la guerre. Au sujet des talents, le président français a appelé à la création d'un "visa tech européen" pour attirer des talents étrangers en facilitant leurs démarches administratives et leur intégration dans un pays européen, tout en leur faisant bénéficier d'un régime fiscal avantageux. Le collectif propose aussi de créer un statut de travailleur tech pour les talents européens, avec un contrat standardisé et la portabilité des droits sociaux sur tout le continent.
Au niveau du financement, il ambitionne de lancer pendant la présidence française un "plan Tibi européen", sur le modèle du plan français annoncé en septembre 2019. L'objectif : mobiliser les grands investisseurs institutionnels européens, notamment les bancassureurs, vers le financement de l'innovation. Théorisé par l'économiste Philippe Tibi, ce fameux plan a entraîné 6 milliards d'euros de financements nouveaux vers les startups françaises, répartis pour moitié pour financer des gros tours de tables afin de créer des licornes, et pour moitié pour développer les entrées en Bourse des entreprises tech.
Accélérer les transferts de technologie, un crédit d'impôt et un Small Business Act pour les grands groupes qui travaillent avec les startups
Si Emmanuel Macron n'a pas parlé sur l'ensemble des 21 propositions du collectif, nul doute que la présidence française de l'UE va en soutenir la plupart. Parmi les plus intéressantes, Scale-Up Europe propose de créer un cadre standardisé pour les transferts de brevets, afin d'accélérer les transferts de technologie des universités vers le privé.
D'après l'association, l'UE devrait aussi renforcer le rôle et la visibilité de l'European Innovation Council (EIC), présenté un peu vite comme la Darpa européenne -l'agence américaine de l'innovation de rupture-. L'EIC devrait présenter une feuille de route deeptech à long terme et se voir dotée de financements plus ambitieux, d'un soutien administratif et de programmes concrets pour atteindre ses objectifs et rivaliser dans la course à l'innovation avec les Etats-Unis et la Chine.
La route est longue
"Le but n'est pas que des entrepreneurs deviennent des milliardaires - après tout pourquoi pas", a-t-il souri, mais l'enjeu est industriel, car les startups du Next40 et du French Tech 120, les plus prometteuses jeunes pousses françaises, "représentent 160.000 emplois direct et indirects" en France et atteindront plus de 200.000 en 2025, a-t-il ajouté, citant Innovafeed, Doctolib ou BackMarket.
Mais si Emmanuel Macron veut clairement placer la tech au cœur de la présidence française de l'UE, la route est longue. L'Europe n'a pas encore de géants de la tech comme en Chine ou aux USA. Et si le continent compte environ 160 licornes, seulement quinze sont françaises, et aucune n'a atteint une valorisation de plus de 100 milliards d'euros. Et seules une poignée, dont Spotify, pèsent aujourd'hui plus de dix milliards d'euros de valorisation.
Sujets les + commentés