Les levées de fonds de la French Tech repartiraient-elles de l'avant au troisième trimestre 2020 ? D'après les chiffres de La Tribune, les startups françaises ont levé 928 millions d'euros entre juin et septembre, ce qui représente une hausse de 8,5% par rapport au troisième trimestre 2019. Preuve de sa solidité, le capital-risque français tient bon malgré une crise sanitaire et économique d'une ampleur inédite. Il faut dire que le secteur a été particulièrement soutenu par le gouvernement dès le début du confinement, et il va en outre bénéficier d'une enveloppe de 7,1 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance.
La French Tech serait-elle donc "anti-fragile", comme s'en réjouit le secrétaire d'Etat à la Transition numérique, Cédric O ? Elle est assurément résiliente, mais l'analyse du nombre d'opérations menées à la fois au troisième trimestre 2020 et depuis le début de la crise, montre que non.
Ainsi, 477 opérations ont été menées sur les neuf premiers mois de 2020, contre 542 de janvier à septembre 2019, soit une baisse de 12%. Mais la prise en compte des mois de janvier et de février 2020, quand la situation Covid-19 n'était pas jugée préoccupante, fausse l'évaluation de l'impact de la crise. Si on compare le nombre de levées de fonds entre mars -le mois du début du confinement- et septembre 2020 par rapport à la même période en 2019, la baisse atteint presque -20% (-19,1%).
Dans le détail, cette chute en volume a atteint -3% au premier trimestre (168 opérations entre janvier et mars 2020 contre 173 sur la même période en 2019), a culminé à -23,5% au deuxième trimestre (153 opérations contre 200), et s'est réduite à -7,7% au troisième trimestre (156 opérations contre 169). C'est sur le segment de l'amorçage, c'est-à-dire le segment le plus risqué de l'investissement puisque la startup débute et ne s'est pas encore confrontée au marché, que l'impact de la crise se fait le plus sentir. A l'inverse, les startups déjà établies, qui avaient déjà levé des fonds pré-crise et dont le business model a été conforté par l'évolution des usages numériques, n'ont aucun mal à se refinancer. D'où la nette augmentation des Série B et au-delà en 2020, notamment des levées de fonds supérieures à 50 millions d'euros et des fameuses "méga-levées" de plus de 100 millions d'euros (déjà 8 en 2020 contre 5 sur l'ensemble de l'année 2019).
La French Tech n'est pas "anti-fragile" mais résiliente
Ce sont ces très grosses levées, anecdotiques en nombre mais importantes en valeur, qui donnent l'impression d'une French Tech "anti-fragile". Mais c'est aussi oublier que 2020 marque un coup d'arrêt brutal de la dynamique d'hyper-croissance de la French Tech. Ces trois dernières années, l'écosystème s'était habitué à un taux de croissance annuel spectaculaire, autour de 40% par an : 41% entre 2017 et 2018 et 39% entre 2018 et 2019.
Or, en 2020, sur la base des neuf premiers mois de l'année 2020, les startups françaises ont levé 3,469 milliards d'euros, contre 3,722 milliards d'euros l'an dernier sur la même période... Soit une baisse de 6,8%. La preuve d'une belle résilience étant donné le contexte économique, mais pas d'une anti-fragilité puisque la dynamique d'hyper-croissance est bel et bien cassée. L'enjeu du quatrième semestre sera de poursuivre l'amélioration entrevue au troisième trimestre, en espérant ne pas terminer l'année sur un solde négatif.
En septembre, l'arbre "miraklculeux" cache la forêt
Le mois de septembre incarne à lui seul cette situation paradoxale. En valeur, tout va bien : dans le sillage d'un été ensoleillé, l'écosystème tech n'a pas manqué sa rentrée. En septembre, 81 startups ont levé un total de 604,055 millions d'euros, d'après les chiffres de La Tribune, soit une hausse de 8% en valeur sur un an. Une performance remarquable, mais tirée par la méga-levée de fonds du champion des marketplaces pour les TPE/PME Miralk, qui a réussi un tour de table colossal de 257,8 millions d'euros.
Mais le nombre d'opérations, lui, est en chute de 18,2% sur un an (81 en septembre 2020 contre 99 en septembre 2019), et proche du niveau moyen de la baisse du nombre de levées de fonds depuis mars (-19,1%).
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Montants levés par mois en 2020, nombre d'opérations et variations sur un an (chiffres La Tribune)
- Janvier : 803,75 millions d'euros pour 72 opérations (+156% en valeur, +33% en volume)
- Février : 381,67 millions d'euros pour 56 opérations (-17% en valeur, -5% en volume)
- Mars : 181,25 millions d'euros pour 40 opérations (-53% en valeur, -33% en volume)
- Avril : 355,36 millions d'euros pour 37 opérations (-31% en valeur, -33% en volume)
- Mai : 574,43 millions d'euros pour 49 opérations (+33% en valeur, -38% en volume)
- Juin : 425,57 millions d'euros pour 67 opérations (-48% en valeur, -13% en volume)
- Juillet : 314,2 millions d'euros pour 62 opérations (+42% en valeur, +2% en volume)
- Août : 10,2 millions d'euros pour 13 opérations (-86% en valeur, +44% en volume)
- Septembre : 604,1 millions d'euros pour 81 opérations (+8% en valeur, -18% en volume)
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Le Top 20 des levées de fonds en 2020
- 1. Mirakl (257,8 millions d'euros, septembre)
- 2. EvoVadis (180 millions d'euros, janvier)
- 3. ContentSquare (174 millions d'euros, mai)
- 4. ManoMano (125 millions d'euros, janvier)
- 5. Back Market (110 millions d'euros, mai)
- 6. Qonto (104 millions d'euros, janvier)
- 7. Kineis (100 millions d'euros, février)
- 8. Exotec (77,2 millions d'euros, septembre)
- 9. Swile (70 millions d'euros, juin)
- 10. LumApps (63 millions d'euros, janvier)
- 11. Owkin (62 millions d'euros, juin)
- 12. Aircall (60,2 millions d'euros, mai)
- 13. Vestiaire Collective (59 millions d'euros, avril)
- 14. Withings (53 millions d'euros, juillet)
- 15. MWM (50 millions d'euros, mars)
- 16. Dynacure (50 millions d'euros, avril)
- 17. Alan (50 millions d'euros, avril)
- 18. DNA Script (46 millions d'euros, juillet)
- 19. Lydia (40 millions d'euros, janvier)
- 20. Robocath (40 millions d'euros, avril)
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