« Appli universelle » : la dernière lubie d'Elon Musk va-t-elle enfoncer X (Twitter) dans le chaos ?

Elon Musk a annoncé le lancement prochain de nouvelles fonctionnalités d'appels audio et vidéo entre utilisateurs. Mais la dégradation technique continue de la plateforme, la sécurité bancale du dispositif, et la possibilité d'appeler n'importe quel utilisateur sans avoir besoin d'un numéro de téléphone, interrogent sur la capacité de X à devenir l'application universelle dont rêve le milliardaire.
Sylvain Rolland
(Crédits : DADO RUVIC)

Elon Musk est-il capable de transformer X (le nouveau nom de Twitter) en « appli universelle », mélange de réseau social, plateforme d'achats en ligne et messagerie audio et vidéo ? Ce n'est pas l'ambition qui manque : dès le rachat, fin octobre 2022, le milliardaire n'a cessé d'afficher cet objectif ambitieux, seulement réalisé par le chinois WeChat. Le milliardaire a même renoncé à la puissance du nom Twitter, qui était l'une des rares marques au monde suffisamment fortes pour devenir un verbe entré dans le langage courant, en renommant le service « X », symbole de l'infini (et de la pornographie).

Après l'annonce ces derniers mois de plusieurs initiatives élargissant la portée du réseau social, comme l'achat d'articles à l'unité et l'obtention de licences de paiement dans plusieurs Etats américains, Elon Musk et la nouvelle directrice générale, Linda Yaccarino, passent à la vitesse supérieure. Dans les prochaines semaines, X va ainsi permettre à ses utilisateurs de passer des appels audio et vidéo directement depuis l'application, a annoncé Elon Musk dans un tweet, qui souhaite ainsi marcher sur les plates-bandes de WhatsApp.

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Des appels sans numéro de téléphone, la porte ouverte au chaos ?

D'après le milliardaire, Twitter devient donc un « annuaire mondial » : les appels seront accessibles sur tous les appareils (smartphones iOS et Android, tablettes et PC) et ne nécessiteront pas de numéro de téléphone. « Ce fonctionnement est unique », se gargarise Elon Musk, même s'il rappelle celui de Skype, qui fonctionne également sans numéro de téléphone, mais avec un cercle restreint de contacts que l'on connaît.

Ce fonctionnement est aussi potentiellement inquiétant si mal encadré, car cela signifie que chacun pourra, en théorie, appeler un autre utilisateur de X à l'autre bout du monde sans le filtre d'un numéro privé, ce qui ouvre grand la porte aux harcèlements et aux abus.

Les conditions d'utilisation sont encore floues à ce stade : ce service d'appels sera-t-il uniquement réservé aux abonnés de Blue, le service payant ? Faudra-t-il suivre et être suivi par quelqu'un pour déclencher un appel ? Quid des personnalités populaires, qui pourraient rapidement être débordées si les conditions d'appels ne sont pas assez restreintes ? Comment lutter contre le cyberharcèlement ou le démarchage commercial abusif ? Autant de questions auxquelles Elon Musk devra vite répondre.

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Doutes sur la sécurité et la capacité de X à supporter les flux vidéo

A ces interrogations sur le fonctionnement du service s'ajoutent des craintes techniques. A un utilisateur qui demande si les communications seront protégées par le chiffrement, Elon Musk a répondu : « Pas dans un premier temps, mais nous ajouterons la possibilité de l'activer ou de le désactiver ».

La raison évoquée par le milliardaire est la lourdeur du chiffrement, qui engendrerait « forcément » un « léger décalage » dans les conversations. « La plupart du temps, le chiffrement n'est pas important et la qualité des appels est meilleure », a estimé Elon Musk, s'attirant les foudres de certains spécialistes en cybersécurité, pour qui l'absence de chiffrement au démarrage puis sa désactivation à volonté rendent la sécurité très bancale.

On peut aussi s'interroger sur la capacité de Twitter à supporter, avec son architecture technique actuelle, une potentielle explosion des flux audio et vidéo. Depuis le rachat, Elon Musk a renvoyé 80% des employés de l'entreprise, dont une grande partie des équipes techniques. Et cela se sent : le réseau social rencontre depuis le début de l'année un nombre record de bugs et de pannes, parfois majeures.

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Gouffre financier

De plus, l'entreprise a perdu la moitié de ses revenus depuis le rachat, ce qui la place dans une situation financière fragile. Ses tentatives de diversification ne compensent pas la chute vertigineuse des revenus publicitaires, liés à l'explosion des contenus haineux, de désinformation et à la personnalité abrasive d'Elon Musk. Ainsi, le service d'abonnement payant Blue n'est utilisé que par une frange infime des 350 millions d'utilisateurs mensuels monétisables. Et X s'est ajouté de nouveaux coûts depuis qu'il rémunère les créateurs de contenus pour qu'ils développent leur activité sur la plateforme.

Cette situation financière difficile aurait poussé Elon Musk à différer certains paiements d'après la presse américaine. Notamment ceux liés à son infrastructure cloud auprès de son fournisseur Google Cloud. Or, X va voir ses coûts d'infrastructures exploser avec l'intégration des appels audio et vidéo, et encore plus au fur et à mesure que l'entreprise lancera de nouvelles fonctionnalités la rapprochant de son objectif de devenir une « application universelle ».

Cet objectif final paraît aujourd'hui autant ambitieux qu'illusoire tant X s'enfonce dans les difficultés (techniques, business et légales avec les régulateurs). Plus grave peut-être, tous les changements institués pour l'instant par Elon Musk, à commencer par le service d'abonnements Blue, ne séduisent qu'une minorité d'utilisateurs. L'intérêt du public pour une application universelle basée sur X reste encore à démontrer.

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Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 02/09/2023 à 9:01
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C'est peut-être pour ça que les propriétaires de twitter l'ont vendu si cher ils savaient que l'autre voulait la dépecer. Cela ne permet il pas de ralentir le flot d'informations dérangeantes sur la classe dirigeante en ce moment par hasard ?

à écrit le 01/09/2023 à 20:37
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oui, depuis le debut on le donne perdant, tesla n'est pas si mal, concernant X, il a droit a la haine hypertolerante de ceux qui se sont fait mettre dehors, ce qui est injuste, car on n doit exclure que les malpensants, reactionnaires de droites, lib...

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