Défense : ci-gît SNPE, 1971-2013

Un conseil d'administration de Giat Industries, la holding de Nexter Systems, doit se tenir le 24 octobre pour entériner le rachat de SNPE et de sa filiale de poudres et explosifs Eurenco.
Michel Cabirol
L'usine de Sorgues, qui produit de l'hexogène, est en cours de modernisation

Tic-tac, tic-tac... La fin de SNPE est maintenant très proche. Un conseil d'administration de Giat Industries, la holding de Nexter Systems, doit se tenir le 24 octobre pour acter le décès de l'ancienne Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), créée en 1971. Ce jour-là, le conseil du groupe public d'armement terrestre doit entériner le rachat des dernières activités de SNPE, dont Eurenco qui l'un des rares acteurs mondiaux dans le domaine si particulier des poudres et explosifs.

"Le closing de l'opération est attendu avant Noël", précise à La Tribune le PDG de SNPE, Antoine Gendry. Giat Industries mettra la main sur Eurenco, mais également sur sa maison mère SNPE plombée par de lourds passifs environnementaux mais dotée d'une trésorerie d'une centaine de millions d'euros, abondamment alimentée par les cessions de toutes les activités en vue de la fermeture définitive du groupe public.

Modernisation du site de Sorgues

La modernisation du site de Sorgues (projet Phénix) était la condition sine qua non du rachat d'Eurenco par Giat Industries, le projet initial du gouvernement Fillon. L'usine aujourd'hui à bout de souffle - elle avait été rénovée en... 1954 -, était vitale. Car c'était  "la solution permettant de produire des explosifs de façon rentable", estime Antoine Gendry. Mais ce lourd investissement n'était pas gagné d'avance. Car l'Etat a longtemps trouvé la facture de la modernisation du site de Sorgues trop élevée (120 millions d'euros), dont 100 millions d'euros pour la seule production d'hexogène, un composé chimique très stable considéré comme l'un des explosifs militaires les plus puissants.

SNPE finance cet investissement sur fonds propres à hauteur de 85 % et l'Etat 15 % sous forme d'avances remboursables (soutien à l'export). Un investissement possible pour SNPE grâce à sa trésorerie, qui a profité d'ailleurs ces dernières années à l'Etat actionnaire. En 2011, il a en effet reçu un joli dividende de 180 millions d'euros.

Pourquoi l'usine de Sorgues a été sauvée ?

Fallait-il fermer l'usine de Sorgues ou la moderniser ? "Le marché était demandeur", constate  Antoine Gendry. A raison. En 2013, le chiffre d'affaires devrait s'élever à 32 millions d'euros, dont 95 % dédiés aux activités militaires (contre 24/25 millions entre 2006-2008). Eurenco dispose aujourd'hui de clients sûrs comme BAE Systems, Nexter, Rheinmetall (Allemagne), Otomelara (Italie) MBDA, Thales TDA... ainsi que de nombreux clients à l'export, notamment en Asie.

Mais cette usine perdait chaque année de l'argent en raison de la vétusté de ses outils de production. Cela se traduisait par des sureffectifs et par des manquements à la aux normes environnementales pour l'usine de Sorgues. "Depuis la fin du conflit Irak-Iran en 1988 et le début des années 90, le marché des explosifs a été divisé par 10", rappelle en outre le PDG d'Eurenco, Jacques Cardin. Sorgues était alors en sous-activité dans les années 2000.

Sécuriser l'approvisionnement de l'armée française

Au bout du bout, l'Etat prend enfin la décision de lancer la modernisation de Sorgues fin juillet 2012 lors d'un conseil d'administration de SNPE. Le gouvernement Ayrault acte ainsi le maintien d'une filière de poudres et d'explosifs nationale afin de sécuriser l'approvisionnement de l'armée française. Le site de Sorgues est sauvé et pourra continuer à produire de l'hexogène pour les missiles, torpilles et obus... de l'armée française.

Une décision stratégique de souveraineté nationale, dont l'origine remonte à 2007 avec l'arrêt de la seule usine britannique d'explosifs qui était détenue par BAE Systems. "Ils sont venus nous voir et nous ont dit qu'ils comptaient sur nous", explique Jacques Cardin. Après avoir évoqué une fermeture, Antoine Gendry décide finalement en novembre 2008 de proposer à l'Etat la modernisation de Sorgues. Fin 2011, le PDG de SNPE a son plan de bataille.

Une nouvelle usine qui va conforter le redressement d'Eurenco

Les travaux ont commencé en juillet 2013. Fin 2015, la nouvelle usine commencera à produire, les effectifs basculant progressivement vers le nouveau site. Elle atteindra son rythme de croisière début 2016. Elle sera entre autre dotée d'une chaufferie au bois (biomasse), qui couvrira 80 % des besoins. Financée en partie par l'Ademe (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) et exploitée par Cofély, elle permettra à Eurenco d'économiser 500.000 euros par an.

Elle va conforter le redressement d'Eurenco. Car cette nouvelle usine permettra à Sorgues d'atteindre l'objectif de 36/40 millions de chiffre d'affaires fixé par la direction. Elle devrait également « générer du cash » après avoir plombé les comptes d'Eurenco. L'activité explosif, basé notamment à Sorgues, avait enregistré entre - 7 et - 8 millions d'euros d'Ebitda en 2010. Au total, Eurenco devrait réaliser en 2013 un chiffre d'affaires de 270 millions d'euros en hausse de 9 % par rapport à 2012 (248 millions). Il s'élevait seulement à 137 millions il y a encore six ans (en 2007). L'Ebitda d'Eurenco devrait passer de 6 millions d'euros en 2012 et 9 millions en 2013, en croissance de plus de 50 %.

Enfin, plombé par l'usine finlandaise de Vihtavuori, Eurenco est le sur le point de la céder au concurrent norvégien et finlandais Nammo. La filiale de SNPE, qui a déjà annoncé son intention de fermer cette usine, est aujourd'hui en négociation exclusive avec Nammo, qui attend des garanties de l'Etat finlandais en matière de charge de travail pour Vihtavuori.

Eurenco vise les pays émergents

"Nous sommes en voie de redressement depuis cinq ans", constate Jacques Cardin. Et le groupe de poudres et explosifs profitent d'une "dynamique" venue des pays émergents (Brésil, Inde, Indonésie, Singapour, Arabie saoudite...), qui veulent se doter d'une industrie de munitions. C'est ce marché que vise Eurenco pour croître.

Le marché mondial ouvert (hors Chine, Etats-Unis et Russie) est estimé entre 400 et 500 millions d'euros (100 millions en Europe) par Antoine Gendry et Jacques Cardin. Eurenco, qui a réalisé 40 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012 dans les explosifs, détient "50 % du marché européen et environ 15 % du marché mondial", estiment les deux dirigeants.

Enfin, Eurenco bénéficie de la bonne santé du secteur "oil and gaz", qui multiplie les forages, et du secteur minier. "Ce marché a actuellement une croissance de 7 % à 8 % par an. Il a doublé en huit ans", note Jacques Cardin. Et c'est le site suédois d'Eurenco à Karlskoga, qui en profite. Il produit aujourd'hui à 60 % de son chiffre d'affaires pour le secteur du "oil and gaz" et de l'industrie minière.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 13/10/2013 à 20:44
Signaler
Qui fabriqué s'est armé peut prétendre à être maintre de sont destin.... La France de 1870 à perdu cette guerre du fait que que nous n'etions pas fabricant de nos munitions.... Au moins cela a été pris en compte pour les poudre et munition des propu...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.