Daher va fêter le premier milliard de chiffre d'affaires de son histoire (5/5)

La Tribune vous propose une série hebdomadaire de cinq success-stories dans le monde de l'aéronautique civile et militaire. Cinquième et dernier volet de cette série, le groupe familial Daher, qui va franchir en 2015 pour la première fois de son histoire la barre du milliard d'euros de chiffre d'affaires.
Michel Cabirol
Depuis 2010, le chiffre d'affaires de Daher s'est envolé de près de 40%

S'il y avait un secret pour résumer la réussite de Daher sur la durée, ce serait le modèle de gouvernance de cette belle ETI française... qui pour une fois n'a rien à envier aux "Mittelstand", ces entreprises familiales allemandes. Pourquoi ? Parce que son fonctionnement la met à l'abri des exigences de la bourse et de sa volatilité. "Nous sommes un groupe familial, qui a une vision industrielle sur le long terme, et nous avons du temps pour la mettre en place, précise à la Tribune le directeur général délégué, Didier Kayat. Il succèdera à l'horizon de 2017 à Patrick Daher, l'arrière petit-fils d'un des deux fondateurs du groupe éponyme à la tête de l'entreprise depuis 1991. En quelque sorte une révolution de velours avec l'arrivée du premier directeur général qui n'est pas issu de la famille fondatrice.

Le groupe reste en outre très présent dans son métier originel, les services : transport, logistique, services industriels... "Nous continuons à croire dans ce modèle services et industrie, qui a démontré sa robustesse ces dernières années", souligne Didier Kayat. Ainsi, le modèle de gouvernance et la combinaison des activités services et industries permettent à Daher, créé il y a plus de 150 ans (1863) et détenu à 80% par la famille Daher (1) d'investir dans la modernisation de son outil de production sans avoir forcément l'œil rivé que sur les marges.

2015, une nouvelle année de croissance

Et ça marche bien. Très bien même. Le groupe va dépasser cette année pour la première fois de son histoire la barre du milliard d'euros de chiffre d'affaires. Même si Daher pensait l'atteindre... dès 2009. Finalement, le groupe familial réalisera en 2015 un chiffre d'affaires de 1,025 milliard d'euros (contre 970 millions en 2014) en croissance de 5,6%. Un chiffre d'affaires généré pour les deux tiers par l'aéronautique, et notamment la fabrication d'aérostructures (fuselages, cockpits...). Depuis 2010, le chiffre d'affaires du groupe, qui réalisait alors 735 millions d'euros, s'est tout de même envolé de près de 40%, avec une progression régulière d'année en année. Le carnet de commandes de Daher, qui emploie 8.500 salariés, devrait s'élever à 3,5 ans de chiffre d'affaires fin 2015.

Autre très belle satisfaction pour Daher en 2015, la réussite commerciale de sa gamme d'avions turbopropulseurs TBM, notamment du modèle TBM 900, lancé en mars 2014. Cette année, Daher devrait livrer 54 TBM (30 déjà livrés à fin juin) dans "un marché de l'aviation d'affaires globalement stable", souligne le directeur général délégué. Soit trois appareils livrés de plus qu'en 2014, qui était alors la deuxième meilleure année après celle de 2008 (62 livrés). Ce qui veut dire que le constructeur tarbais gagne régulièrement des parts de marché. Enfin, les prises de commandes devraient se situer cette année entre 55 et 60 TBM (contre 64 en 2014).

Bref, Daher ne connait pas la crise sur un marché de l'aviation d'affaires hésitant. Et cette réussite de la gamme TBM n'est pas le fait du hasard. Car le groupe a beaucoup investi dans l'outil de production de l'ex-Socata, après son rachat en deux temps (70% du capital en 2009, 30% en 2014). Pour moderniser la ligne d'assemblage basée à Tarbes, Daher a mis sur la table "250 millions d'euros", précise Didier Kayat.

D'ailleurs, Daher, en tant que constructeur aéronautique, est "un élément de différenciation" par rapport à la concurrence. "Nous cultivons cette différence, qui est un atout vis-à-vis de nos clients, qui sont pour la plupart des avionneurs". Quoi de plus facile pour un maître d'oeuvre que de faire confiance à un fournisseur qui est également avionneur et donc plus à même à comprendre aussi bien les enjeux industriels et de sécurité de la construction aéronautique.

Modernisation de l'outil industriel

Pour tenir compte de la croissance de livraisons de ses clients (ramp-up), Airbus, ATR, Gulfstream, Dassault Aviation (Rafale) notamment, et de leurs exigences sur les prix qu'ils veulent toujours à la baisse, Daher a répondu par la modernisation massive de son outil industriel. "Nous n'avons pas le choix dans le schéma d'une industrie mondialisée, fait valoir Didier Kayat. Nos clients ont besoin d'être compétitifs. A nous de nous adapter pour répondre à leurs demandes. Ce serait une faute de ne pas le faire". Le groupe investit dans son outil industriel 50 millions d'euros par an. Soit environ 5% de son chiffre d'affaires.

Pour suivre les cadences infernales des montées en cadence des maîtres d'oeuvre, Daher a dû adapter son organisation industrielle. Il a repris à son compte ce qui se fait de mieux dans l'industrie automobile, chez Toyota au Japon notamment, "même si la robotisation a des limites dans la filière aéronautique". C'est son plan d'excellence opérationnelle, baptisé SEED, qui n'est pas qu'un plan de compétitivité. Il augmente aussi la sécurité des salariés et améliore la qualité des produits en bout de chaine.

Cinq sites pilotes (Tarbes, Marignane, Marly, Nantes et Saint-Vallier) ont été choisis pour leur spécificité (aéronautique, nucléaire, logistique...) en début d'année pour mettre en place les mêmes processus de production, de reporting... pour avoir une production et des services standardisés dans tous les sites. En 2017, SEED sera déployé à l'ensemble des sites, dont les douze industriels. Enfin, le groupe familial a également beaucoup investi dans la formation de ses salariés.

Parallèlement, Daher compte beaucoup sur l'innovation pour améliorer la compétitivité de ses sites. Lancé il y a environ 18 mois, le Daher Lab a pour objectif de mettre en œuvre des projets très rapidement en douze mois ou de picorer des idées chez les autres. "Six à sept projets ont été mis en œuvre dans les usines ou les entrepôts, précise Didier Kayat. Nous visons la mise en œuvre d'une quinzaine de projet en 2015, dont un portant sur l'impression 3D".

Une ambition à l'international

Daher va poursuivre sa croissance organique à l'international. Ainsi, il devrait annoncer début 2016 l'implantation d'une troisième usine au Maroc. Enfin, il étudie pour le moyen terme l'ouverture d'un site aux États-Unis afin de rapprocher de ses clients américains, notamment Gulfstream, avec qui Daher travaille en tant que partenaire de rang 1 sur les appareils G500 et G600, Boeing et la canadien Bombardier. "Plusieurs options sont regardées, construction d'une usine ou acquisition", explique-t-on à La Tribune.

Daher opère déjà une usine de fabrication de composites de plus de 6.000 m² avec un effectif supérieur à 100 personnes à Nogales (Mexique). Le groupe familial emploie plus de 220 personnes sur huit sites et génère plus de 200 millions de dollars de chiffre d'affaires en Amérique du Nord (aéronautique, nucléaire, services...). Sur un total de 51 livraisons, 36 avions TBM 900 ont été livrés par Daher en 2014 à des clients aux États-Unis.

 (1) : le solde du capital est détenu à 17,5% par BpiFrance et à 2,5 % par Aerofund.

Lire (ou relire) les quatre premiers volets de la série:

Michel Cabirol

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Commentaires 2
à écrit le 08/12/2015 à 17:11
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bravo ; bel exemple ; Michelin en est un autre ; du meme style : sté familiale et developpement technologique . et si , la réussite exemplaire de l'industrie allemande venait pour beaucoup de celà ... et si , quelques reussites ( Santander / Corte ...

à écrit le 08/12/2015 à 13:00
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Il est rare de lire un article sur cette société française très performante à l'exportation. Bravo à elle et ses salariés.

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