A400M : incroyable ! Airbus demande à nouveau l'aide des Etats clients

Selon Reuters, Airbus appelle à l'aide les sept Etats clients de l'A400M. Un programme que l'avionneur a pourtant longtemps négligé.
Michel Cabirol
Le programme A400M a généré des provisions d'environ trois milliards d'euros sur trois ans (2014, 2015 et 2016).

Airbus n'a vraiment peur de rien. Le constructeur aéronautique européen a demandé une réunion ministérielle européenne pour évoquer les derniers déboires de l'A400M, affirmant que sa propre viabilité était en jeu en raison des pertes accumulées par ce programme, selon l'agence Reuters. Le géant européen appelle à l'aide les États en vue de limiter les pertes du programme de l'avion de transport militaire européen. Le secrétaire d'État à la Défense espagnol Agustin Conde a répondu favorablement en adressant une invitation au président d'Airbus Tom Enders à participer à une réunion avec les pays partenaires du programme, le 30 mars à Madrid.

"Nous sommes engagés dans le programme A400M. Cependant il est de notre responsabilité d'assurer la viabilité d'Airbus", peut-on lire dans la lettre signée par Denis Ranque et Tom Enders, respectivement président et président exécutif d'Airbus, envoyée à Paris, Bruxelles, Berlin, Luxembourg, Madrid, Ankara et Londres.

Dans le même temps, Airbus n'a pas hésité à augmenter au titre de l'exercice 2016 le versement d'un dividende à ses actionnaires. Ainsi, le conseil d'administration d'Airbus va proposer en avril lors de l'assemblée générale annuelle le versement d'un dividende de 1,35 euro par action pour 2016 (2015 : 1,30 euro par action, soit 1,7 milliard d'euros).

Trois milliards d'euros de provisions sur trois ans

Paradoxal Tom Enders. Lui qui ne jure que par une économie libérale totale, il appelle aujourd'hui à l'aide les États alors qu'il a tout fait pour les écarter de la gouvernance du groupe. En quelque sorte, il souhaite la nationalisation d'une partie des pertes du programme A400M qu'il n'a pas su gérer, les profits étant en revanche partagés par les actionnaires.

Airbus a annoncé mercredi une nouvelle charge de 2,2 milliard d'euros sur ce dossier en 2016 et a demandé aux sept pays de l'OTAN clients de l'A400M de limiter son exposition aux lourdes pénalités et reports de paiements auxquels il doit faire face en raison de difficultés techniques et de retards. Le programme A400M génère régulièrement des provisions (841 millions en 2014 et 2015). Soit trois milliards en trois ans. C'est même une habitude depuis 2007, première année où le groupe a dû prendre des livraisons au titre de ce programme cauchemardesque.

Des risques significatifs à venir

Dans la lettre adressée aux gouvernements clients, le constructeur évoque des "risques significatifs à venir" sur le projet dont le coût, initialement évalué à 20 milliards d'euros, dépasse aujourd'hui les 30 milliards, selon Reuters. Evoquant des pertes "colossales", Airbus a demandé la réunion des ministres de ces pays pour prendre la mesure de la situation et convenir des prochaines étapes dans l'intérêt de la poursuite du programme, des gouvernements clients et du secteur européen de la défense.

Airbus demande également des discussions avec Europrop International (EPI), le consortium qui fournit les moteurs de l'avion, impliqués dans certains retards. EPI est composé de Safran, du britannique Rolls-Royce, de l'allemand MTU Aeroengines et de l'espagnol Industria de Turbo Propulsores (ITP). Une porte-parole d'Airbus s'est refusée à tout commentaire sur les contacts entre Airbus et les Etats concernés mais a déclaré que toute discussion impliquerait trois parties : les pays concernés, l'OCCAR (Organisme conjoint de coopération en matière d'armement) européen et les motoristes.

Des Etats déjà venus en aide pour l'A400M

Airbus a reçu en 2010 une enveloppe supplémentaire de 3,5 milliards d'euros des sept pays acheteurs mais il a laissé entendre depuis que ce montant ne suffisait pas à limiter son exposition financière au dossier. Pourtant, à cette époque, le groupe considérait que cet accord trouvé avec les pays clients de l'A400M fournissait "une base solide pour un développement réussi du programme". Après moins de trois mois de négociations, les sept pays clients (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg et Turquie) avaient trouvé début mars 2010 "un accord de principe" à Berlin... que EADS a fini par accepter.

Les Etats prenaient à leur charge une partie des surcoûts du programme européen (3,5 milliards sur les 7,6 milliards identifiés à l'époque). L'issue de ce protocole d'accord levait ainsi les doutes sur la poursuite de l'A400M, en retard de plus de quatre ans sur la première livraison. Airbus avait provisionné en 2009 une nouvelle charge de 1,8 milliard d'euros, qui venait s'ajouter aux 2,4 milliards d'euros de provisions déjà passées par le constructeur. Soit 4,2 milliards d'euros.

Un programme qui a été mal maîtrisé par Airbus

L'A400M reste un véritable fiasco industriel provoqué par de très nombreux facteurs : beaucoup d'incompétences, dont celle de la filiale espagnole (EADS CASA à l'époque), sous-dimensionnée pour gérer techniquement et industriellement un programme aussi ambitieux mais à qui pourtant la direction d'EADS a confié les clés du programme ; des rivalités entre les dirigeants d'EADS et d'Airbus, qui ont laissé l'A400M longtemps en complète déshérence ; une sous-estimation de la complexité du programme. Sans oublier un système de retour géographique de la charge de travail qui a conduit EADS à confier des contrats à des sociétés ne maîtrisant pas les technologies exigées. Bref, un programme sans gouverne, ni pilote.

Fabrice Brégier, alors numéro deux d'Airbus, ne fuit pas les responsabilités "Tout d'abord, avait-il expliqué fin 2009 à La Tribune, à la signature de contrat, tous les industriels se sont bercés d'illusions et se sont engagés sur une mission impossible : développer un avion militaire comme un avion  commercial. Dès le départ, le référentiel était faussé. Et puis pendant longtemps, EADS et Airbus n'ont pas géré ce programme avec toute la rigueur nécessaire. Nous reconnaissons notre part de responsabilité". Ce que confirmait déjà en février 2009 un rapport parlementaire : "EADS s'est engagé à réaliser un type d'avion qu'il n'avait jamais construit sans se doter de la meilleure organisation pour le faire". À quoi s'ajoute une expérience très (trop ?) limitée d'Airbus en matière d'intégration de systèmes militaires.

En dépit de tous ces déboires, Airbus a continué à sous-estimer à nouveau en 2013 ce programme jusqu'en 2015 avec l'arrivée de l'ancien patron des essais en vol d'Airbus Fernando Alonso à la tête de la division Avions militaires d'Airbus Defence & Space. Tom Enders a-t-il vraiment tout fait pour réussir ce programme ? Pas sûr. "Nous n'avons pas exécuté le travail comme nous l'aurions souhaité et je dois m'en excuser", avait affirmé en janvier 2015 Tom Enders. Aujourd'hui, il demande à nouveau l'aide des Etats. Ce qui est tout simplement incroyable...

Michel Cabirol

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Commentaires 30
à écrit le 27/02/2017 à 17:11
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OK, mais toute l'équipe de direction ne touche plus un euro tant que cet appareil ne fonctionne pas correctement.

à écrit le 26/02/2017 à 13:21
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Le contrat de l’A400M est effectivement mal ficelé pour Airbus. L’Allemagne n’est pas un client fiable, habituée à lancer une grosse commande initiale, puis à réduire une fois le partage géographique des tâches effectué (l’Allemagne a fait de même ...

à écrit le 26/02/2017 à 12:42
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Ce qui est réellement incroyable c'est du côté de la concurrence, Boeing réclame en ce moment des baisses d'impots à l'Administration Trump en disant que dans le contexte actuel ils ne sont pas compétitifs (face à Airbus donc). Alors qu'ils bénéficie...

à écrit le 26/02/2017 à 11:09
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@ BONJOUR ET BON DIMANCHE : Ras le bol c'est toujours la même rengaine les européens doivent mettre la main à la poche pour pouvoir payer tous les bénéfices qu'une poignée de voleurs se mettent dans la poche et bien non RAS LE BOL D' ETRE PRIS ...

à écrit le 26/02/2017 à 10:33
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A vouloir satisfaire tout le monde on mécontente chacun; n'était-ce pas un peu le cas de L'Eurofighter dans le programme duquel Dassault avait énergiquement refusé de participer réalisant un excellent Rafale mais...d'énormes difficultés de commercial...

à écrit le 26/02/2017 à 10:26
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dans tous les programmes de ce genre, il y a forcément des dépassements de couts et des problèmes techniques, il faut parfois 10-15 ans de service pour le rendre mature et d'acquérir le retour d'expérience suffisant des utilisateurs fianux, les gens ...

le 27/02/2017 à 15:25
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hmmm, des dizaines de tanks abrams fumés, certes mais ou? 20 tanks leopard turcs détruits en Syrie, certes, mais qu'elles sont vos sources? un char leclerc détruit, sur quel théatre? Pour ma part, j'ai eu connaissance d'un char leclerc détruit au y...

à écrit le 25/02/2017 à 8:06
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Bien pour l'A400 en particulier, il y a une faute de l'entreprise dans la conduite de ce programme, car ils ne devaient pas être accepté dans un premier temps dès version trops differant ( un avion de base devait être develloper pour tous) . Ensuite ...

à écrit le 24/02/2017 à 22:15
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Sauf que... Les choix géographiques étaient dictés par les Etats, justement. Parce que chaque Etat européen qui avait sa part dans l'entreprise voulait que les activités lui profitent. C'est comme cela que ça fonctionne pour chaque gros projet europé...

à écrit le 24/02/2017 à 17:15
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Au vu des dividendes versés (2015/2016) , il serait logique que les heureux propriétaires mettent la main à la poche . Ultra libérale pour les bénefs et Keynésien pour les pertes ? comme quoi qu'il n' y a pas que l' état qui fait des bourdes....quan...

à écrit le 24/02/2017 à 16:24
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"Tom Enders a-t-il vraiment tout fait pour réussir ce programme ?". La question est: -Pour qui roule Tom Enders?- A qui profiteraient les difficultés d'Airbus et EADS?

le 26/02/2017 à 8:40
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Très bonne question !

à écrit le 24/02/2017 à 16:13
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Et comment Airbus Group va-t-se sortir de ses comptes plombés ? comment l'A400M va-t-il aller demander de l'aide à ses clients poru acheter des A400M, faire une ristourne de 10.000.000 sur le prix de vente ? L'A400M est-il trop technique et quasi inv...

le 24/02/2017 à 22:24
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Il faudrait que l'europe intéresse les européens à commencer par nos dirigeant qui gérent l'europe comme une filliale de l'emprie américain au lieu de gérer la première puissance mondiale. Un bon ménage là dedans et ensuite on pourra faire une vraie...

à écrit le 24/02/2017 à 13:34
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Alors que les fournisseurs et prestataires d'AIRBUS sont au bout du système et s'écrasent pour travailler à 30€/heure, il est difficile de lire une telle demande d'Enders. C'est une honte. Les bénéfices sont partagées entre actionnaires qui ne créent...

le 24/02/2017 à 18:51
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"Les bénéfices sont partagées entre actionnaires qui ne créent aucune richesse et les salariés AIRBUS qui sont déjà surpayés (90€/heure)." Petit mélange des genres, le taux horaire d'un contrat n'est pas, et de loin, ce que le salarié se met dans la...

à écrit le 24/02/2017 à 13:14
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Cette requête était inévitable ...Il était évident que AIRBUS n'allait pas continuer à perdre de l'argent dans un programme aussi ruineux. Et surtout, c'est tout le bénéfice de la partie civile qui part en fumé à cause de l'A400 M ! Dans toute entre...

à écrit le 24/02/2017 à 12:04
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Enders ne veut pas des etats dans son capital mais les accepte pour renflouer ses errances........ Programme certe complexe....aucun pays,en plus, n étant vraiment d accord poir une configuration de base....pouvant structurer le programme...... Mai...

à écrit le 24/02/2017 à 12:01
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Le retour de bâton va être violent... Je serai un représentant de l'Etat je demanderais au moins deux ou trois têtes du management pour s'être moquer du client et des embauches car EADS est quand même bien soutenu par ces mêmes États client (pour ne ...

à écrit le 24/02/2017 à 10:40
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C'est gros enfin c'est toujours pareil.... Dire qu'airbus n'avait pas les compétences et relativement faux. Les entités aux les allemands d'airbus ont confié certaines parts de l'avion ne les avaient pas. Les allemands et les espagnols en pa...

à écrit le 24/02/2017 à 10:20
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Cette demande inacceptable de renflouement n'est elle pas tout simplement une façon pour Enders de tenter de sauver sa peau face à des actionnaires à qui il avait promis 10% de rentabilité? En cas probable de refus Il pourra en effet arguer du fait q...

à écrit le 24/02/2017 à 9:42
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On peut se consoler en se disant que ce programme reste toujours moins coûteux que le F35; je plains les pays qui se sont engagés dans les deux XD Le point commun de ces deux programmes? La recherche d'un mouton à cinq pattes.

à écrit le 24/02/2017 à 9:36
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On aura tout dit sur ce programme. A l'instar de Galileo et de ces dix ans de retard sans vrai Maitre d'œuvre et ses coûts exhorbitants,le programme A400 constitue l'aboutissement des incompétences cumulées mêlées de certains pays "européens". La fai...

à écrit le 24/02/2017 à 9:21
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Cette affaire revele la facon dont sont conduites les combines en tout genre de cette belle union europeenne. Ce programme a pris en otage les partenaires au debut enchantes de ce projet mimitaire commun. Les voila coinces dans une mecanique financie...

le 24/02/2017 à 10:42
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Ba, les américains ont fait pareil avec leur chasseur bombardier furtif à décollage vertical et horizontal révolutionnaire, le F35. Ils en sont à plus de 400 milliards de dollars. Et le bousin est à peine utilisable pour le moment... Du coup l'Europ...

à écrit le 24/02/2017 à 9:06
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Quand je pense qu'ils tordent comme des serpillères les petits sous-traitants et qu'ils en on tue beaucoup, par une politique d'achat irresponsable et une ingérence incompétente. Je pense qu'ils devraient penser d'abord à faire leur métier, mieux con...

le 24/02/2017 à 10:42
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Tout le monde n'a pas la vision japonaise on les bénéfices sont répartis sur toute la chaine.

à écrit le 24/02/2017 à 8:57
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N oublions pas que eads/airbus n'est que le mettre d'oeuvre d'une demande des état/client/actionnaires .....les choix qui on amener au désastre de ce programme (moteur, lieu de production)ont été fait par les état/client/actionnaires du groupe eads

à écrit le 24/02/2017 à 7:53
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Effectivement, c'est...particulier. Sauf que les Etats n'ont jamais pu s'entendre sur un tronc commun viable de capacités et d'équipements et étaient tout contents de se partager sur des rapports de force politique le "gateau" industriel de la produc...

le 24/02/2017 à 16:52
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Effectivement c'est gonflé de verser des dividendes à la hausse pour derrière en appeler au portefeuille des clients (et donc des contribuables), près de 10 ans après les premières embrouilles d'un projet mal-né. Les réformes de gouvernance d'EADS n...

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