Automobile : les trois raisons qui expliquent l’explosion des ventes de voitures électriques en Norvège

En 2022, les véhicules électriques ont représenté 80% des ventes de voitures neuves en Norvège. Le pays scandinave est le champion du monde de l’achat de véhicules électriques par habitant. Cette performance exceptionnelle est le fruit d’aides massives à l'achat du gouvernement, d’un niveau de vie élevé de la population et d'un excellent maillage de bornes de recharge. Décryptage.
Maxime Heuze
12,2% des véhicules neufs achetés en 2022 en Norvège ont été des Tesla.
12,2% des véhicules neufs achetés en 2022 en Norvège ont été des Tesla. (Crédits : Tesla)

Plus gros producteur de gaz d'Europe et champion de la mobilité décarbonée au niveau mondial. Voici un beau palmarès pour la Norvège. En 2022, près de 80% des nouvelles voitures immatriculées étaient électriques, d'après les chiffres du Conseil d'information sur le trafic routier publiés ce mardi. Le pays, champion du monde de la voiture zéro émission, a pulvérisé son propre record établi en 2021 (64,5%). Résultat : aujourd'hui, une voiture sur cinq qui circule sur les routes norvégiennes est à propulsion totalement électrique, un autre record mondial.

Une performance aux antipodes de celle observée en France par exemple, qui ne compte que 13% de voitures électriques parmi son parc de nouvelles voitures immatriculées en 2022. Mais alors, quel est le secret de la Norvège ? Et pourquoi la France ne parvient pas à suivre son exemple ?

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Incitation fiscale forte

La première explication du succès de la conversion des Norvégiens au tout électrique vient de la décision des gouvernements successifs de fortement subventionner l'achat de véhicules électriques. La Norvège a d'ailleurs mis en place des objectifs très ambitieux : que toutes ses voitures neuves soient zéro émission (électriques ou à hydrogène) à compter de 2025, soit 10 ans avant les objectifs fixés par l'Union européenne. Pour relever ce défi, le pays a mis les bouchées doubles sur les incitations à rouler en véhicules électriques : exemption de toutes taxes, notamment la TVA, réduction voire gratuité pour les tarifs des péages urbains de ferrys et de stationnement sur les parkings publics. Les conducteurs de voitures électriques ont même pu circuler dans les couloirs de bus pendant des années pour davantage inciter les Norvégiens au véhicule zéro émission. Résultat, en 2022, le manque à gagner en rentrées fiscales pour l'Etat norvégien était évalué à près de 40 milliards de couronnes (3,8 milliards d'euros). « Les sommes en jeu sont beaucoup plus importantes qu'en France », assure Mikaël Le Mouëllic, directeur associé au Boston Consulting Group et spécialiste du secteur automobile. En comparaison, en 2020, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) évalue le montant versé par l'Etat français pour les aides à l'achat d'un véhicule électrique à 700 millions d'euros.

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Cette politique a cependant mis du temps à se voir dans les achats de véhicules. Car il a fallu près de dix ans pour que la part de l'électrique dans le parc automobile norvégien passe de 0 à 10% en mars 2020. Une fois cette période d'adoption lente passée, les choses se sont alors subitement accélérées. La part de l'électrique dans les automobiles en circulation est alors passée de 10 à 20% entre 2020 et 2023. Pour rappel, cette proportion atteignait à peine 1% en France en octobre 2021 d'après le ministère des transports. « Ils ont eu une constance économique pendant 20 ans, exemptions fiscales sur bornes de recharges, des avantages sur l'autoroute. C'est cette cohérence dans le temps qui a eu un impact fort », estime Guillaume Crunelle, consultant chez Deloitte, spécialiste du secteur automobile.

Et durant toutes ces années, cette politique très agressive n'a connu presque aucune résistance puisque « le pays n'a pas d'héritage automobile thermique à défendre », ajoute l'expert. A l'inverse, la France, comme de nombreux pays européens, n'a pas pu mettre en place une politique aussi agressive que le pays nordique par peur de voir ses constructeurs nationaux être déstabilisés et contraints de fermer des usines d'automobiles thermiques et de licencier un grand nombre de salariés.

Une population aisée qui a les moyens d'acheter des véhicules électriques neufs

Une deuxième explication de ce succès norvégien dans le passage au tout électrique peut se trouver dans le pouvoir d'achat des habitants nordiques. « C'est un pays avec de gros revenus. Le PIB par habitant en Norvège est de 80.000 dollars quand il est de 35.000 dollars en France », rappelle Guillaume Crunelle. Un meilleur pouvoir d'achat qui permet à de nombreux Norvégiens de pouvoir investir dans un véhicule neuf et électrique, généralement plus cher qu'un véhicule d'occasion thermique.

Un pouvoir d'achat qui est d'ailleurs visible dans les choix de véhicules des automobilistes nordique. 12,2% des ventes totales de véhicules particuliers neufs dans le pays ont été des Tesla en 2022. Des véhicules haut de gamme et chers (au-dessus de 50.000 euros) qui permettent notamment aux automobilistes de réaliser de longues distances dans le pays de 385.000 km2.

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Un maillage de bornes de recharge plus simple sur le territoire norvégien

La possibilité de pouvoir parcourir le pays sans prendre le risque de manquer d'électricité est d'ailleurs vu comme un troisième argument ayant séduit la population.

« En Norvège, avec un véhicule de 350 km d'autonomie, vous traverser toute la zone densément peuplée sans recharger, alors qu'en France il faut recharger 2 ou 3 fois pour faire un Paris Marseille », analyse Mikäel Le Mouëllic.

Un confort pour les automobilistes qui est accentué par la bonne densité de bornes de recharge dans le pays. La Norvège compte en effet 17.000 bornes pour 5,5 millions d'habitants contre 77.000 bornes pour 67 millions d'habitants en France. Mais c'est surtout la disposition de ces bornes qui rassurent les Norvégiens. « Dans le sud où la majorité de la population habite, les gens rechargent leurs voitures chez eux. Mais les deux tiers du nord du pays sont bien couverts par les bornes, pour répondre aux besoins des voyageurs », précise le directeur associé au BCG.

Ce bon maillage de bornes, qui sera difficile à atteindre dans l'Hexagone, a fini de convaincre les Scandinaves.

La Norvège met le cap sur les petits véhicules

Après avoir converti sa population au tout électrique, le gouvernement norvégien veut maintenant l'inciter à acheter de petits véhicules, moins polluant à la fabrication. Ainsi, depuis le 1er janvier, l'exemption de TVA (d'un taux de 25%) lors de l'acquisition d'un véhicule électrique neuf ne vaut ainsi plus que dans la limite d'un prix d'achat de 500.000 couronnes (46.000 euros), les sommes supérieures à ce plafond, pour les véhicules chers et plus gros, étant elles sujettes à la taxe. Enfin, une taxe sur les véhicules neufs a aussi été modifiée pour tenir compte de leur poids et s'applique également aux modèles électriques.

Maxime Heuze

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Commentaires 6
à écrit le 04/01/2023 à 11:31
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Toujours en raison du PIB élevé du pays, dans un foyer la voiture électrique s'ajoute presque toujours à un véhicule à essence, ce qui change tout en termes de contraintes.

à écrit le 04/01/2023 à 10:12
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50.000 euros, c'est pas grand chose pour les habitants de ce pays, majoritairement fonctionnaires, et qui vivent de la rente du petrole et du gaz! c'est pas vraiment applicable ailleurs...

le 04/01/2023 à 14:59
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Il faudra aussi observer si d'ici quelques années les Norvégiens, instruits par l'expérience, changent aussi leur second véhicule à essence par un électrique. Si tel n'est pas le cas, ce sera un sérieux révère pour cette technologie, même si les médi...

à écrit le 04/01/2023 à 9:08
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"En Norvège, vous pouvez traverser tout le pays d'une traite avec un véhicule de 350 km d'autonomie" sauf si on va du sud au nord, y a bien 2000km, mais nombreux sont ceux vivant au sud qui ne sont jamais montés au nord (les marseillais visitent-ils ...

à écrit le 04/01/2023 à 8:24
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Quid de la richesse de ce pays grâce au pétrole et au gaz. Je suis écolo chez moi mais j'exporte ma pollution en gagnant bcp d"argent.

à écrit le 04/01/2023 à 7:13
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Pour autant, faut-il envier la Norvège ? Rien n'est moins sûr. Cette adoption de la voiture électrique est totalement artificielle, elle s'est faite par des subventions. Et ces voitures électriques sont polluantes, comme les autres

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