Les résultats des constructeurs automobiles du premier trimestre 2024 tombent tour à tour, et ils sont quasiment tous mauvais. « Nous nous attendions à des résultats faibles en ce premier trimestre, mais ils sont encore pires », rapporte Philippe Houchois, analyste chez Jefferies.
Les bénéfices nets sont en chute libre, de -21,6% pour Volkswagen à -55% pour Tesla, en passant par une baisse de 24,6% pour Mercedes. Stellantis, de son côté, n'a pas présenté son bénéfice net, mais son chiffre d'affaires, est lui aussi en recul de 12%.
Première raison de ces mauvais résultats : un effet de base. Et pour cause, les chiffres des constructeurs automobiles étaient particulièrement hauts au premier trimestre 2023, liés à une augmentation des livraisons de véhicules qui étaient immobilisés à cause des problèmes d'approvisionnements les années précédentes.
Mais cet effet de base n'explique pas tout. Les ventes de la plupart des constructeurs sont également en net recul par rapport à l'année dernière, baissant de quelques points pour les constructeurs allemands à -10% chez Stellantis. En cause, un contexte économique inflationniste l'année dernière qui a entraîné une baisse des commandes et, de fait, une baisse des livraisons cette année qui se traduit dans les résultats.
Ce phénomène a été principalement marqué en Amérique du Nord et en Europe où s'ajoute un attentisme du côté des automobilistes, notamment sur le choix des motorisations, et ce, en raison des élections à venir de part et d'autre de l'Atlantique. Et pour cause, plusieurs groupes populistes remettent en question la marche forcée vers l'électrique dans les pays occidentaux.
Des périodes de transition de modèles
Un virage vers l'électrique qui a entraîné un important renouvellement de modèles phares, là aussi facteur d'attentisme chez les consommateurs.
Ainsi, Tesla a justifié ses mauvais résultats par une situation « entre deux vagues de croissance » : l'une tirée par la sortie des modèles 3 et Y respectivement en 2017 et 2020, et une deuxième vague qui commencerait avec la plate-forme de véhicules de la prochaine génération à partir de 2025. Côté Stellantis, les modèles phares comme la Citroën C3, la Peugeot 3008 doivent être renouvelés en Europe tout comme le pick-up Ram 1500 ou la berline Dodge Charger en Amérique du Nord.
Même son de cloche chez Mercedes qui désigne « la transition des modèles dans le segment haut de gamme » comme moteur de la baisse des ventes des modèles les plus chers. Toutefois, les nouveaux modèles ne sont pas l'unique facteur qui pourrait booster la demande.
Une guerre des prix qui affecte la rentabilité
Car l'enjeu se joue surtout sur les prix, en particulier pour les modèles électriques pour lesquels ils sont encore trop élevés. Afin de relancer la demande et faire face à la concurrence chinoise, plusieurs constructeurs se sont lancés dans une guerre des prix, affectant au passage leurs marges. C'est le cas de Tesla, qui a, encore récemment, baissé les prix de sa Model 3 en Chine, en Europe et aux Etats-Unis.
Volkswagen a également proposé d'importants rabais sur ses modèles, notamment en Allemagne où il a tenté de compenser l'arrêt brusque des subventions gouvernementales aux véhicules électriques l'hiver dernier. De son côté, Stellantis a proposé des offres très agressives aux entreprises pour regagner des parts de marché en Europe, affectant là aussi ses marges.
Désormais, la bataille se joue autour des véhicules électriques en dessous de 25.000 euros. Alors que Renault, Stellantis et Volkswagen ont déjà annoncé des modèles, Tesla a également surpris tout le monde avec un avancement de son calendrier de sortie avant la seconde moitié de 2025. Ces prix attractifs ont aussi pour but de relancer le marché des ventes de voitures électriques, en berne en Europe et en Amérique du Nord sur ces trois premiers mois.
Les marques premium à la peine
Les grands constructeurs souffrent également de la baisse des ventes des marques premium et luxe de leurs groupes, à l'image de Mercedes dont les modèles les plus luxueux et les plus rentables ont baissé de 27%. Même constat chez Stellantis et sa marque de luxe Maserati qui a appuyé fort sur les freins : son chiffre d'affaires a été divisé par deux sur un an, notamment à cause de faibles ventes de ses SUV Grecale et Levante aux Etats-Unis.
« Les hausses de prix des véhicules premium sont plus fortes sur ce segment que sur les autres. Ces véhicules sont donc davantage affectés par la baisse du pouvoir d'achat des ménages », confirme Philippe Houchois.
Les livraisons de Porsche, la branche luxe de Volkswagen, ont quant à elles baissé de 4% au premier trimestre sur un an. Idem pour Audi sur le segment premium du groupe. C'est pourtant sur ces voitures premium et luxe que les constructeurs généralistes réalisent le plus de marges et peuvent ainsi financer les investissements importants dans la transition vers l'électrique.
Seuls les services financiers des constructeurs sont dans le vert, ce qui les sauvent d'une chute plus brutale sur ces trois premiers mois. C'est en tout cas ce qu'a précisé Volkswagen pour expliquer son chiffre d'affaires en légère baisse. Renault, qui a par ailleurs présenté des résultats légèrement positifs pour ce premier trimestre, a vu sa branche de financement baptisée Mobilize Financial Services (ex-RCI Bank) augmenter de 27,9% sur un an, grâce notamment à la hausse des taux d'intérêt.
Le problème des stocks chez Stellantis
Au deuxième trimestre, la stratégie prix des constructeurs sera essentielle. « Le prix des matières premières baisse un peu, toute la question est : peut-on baisser le coût des véhicules sans toucher les marges ? », interroge Philippe Houchois.
Surtout, parmi les mauvais résultats des constructeurs, c'est Stellantis qui inquiète le plus les investisseurs. Le groupe a ainsi perdu plus de 13% en Bourse après l'annonce de ses résultats, contre 4% pour Volkswagen ou Mercedes. En cause : le problème de stocks importants du constructeur franco-italo-américain, en particulier aux Etats-Unis. Le groupe a ainsi accumulé l'équivalent de 100 jours de ventes, contre 75 jours pour Ford et 61 jours chez General Motors.
Or, Stellantis a annoncé l'arrivée de nouveaux modèles sur le marché américain dans l'année, il devra donc écouler rapidement son stock actuel par des remises importantes. Pour l'heure, Carlos Tavares, son directeur général, garde sa ligne de ne pas vouloir baisser ses prix, mais jusqu'à quand pourra-t-il tenir ?
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