Logement neuf : "La demande reste toujours soutenue" (Nordine Hachemi, Kaufman&Broad)

INTERVIEW. Nordine Hachemi, Pdg du troisième groupe immobilier français, Kaufman & Broad, dont Promogim vient d'acquérir 6% du capital, estime que d'ici à la fin mai, 90% à 95% de ses chantiers auront repris, mais en mode dégradé.
César Armand
Nous continuons de vendre des logements neufs toutes les semaines, certes moins, mais ceci s'explique par le faible niveau d'ouverture de nouvelles opérations, déclare Nordine Hachemi, le Pdg du troisième groupe immobilier français, Kaufman & Broad.
"Nous continuons de vendre des logements neufs toutes les semaines, certes moins, mais ceci s'explique par le faible niveau d'ouverture de nouvelles opérations", déclare Nordine Hachemi, le Pdg du troisième groupe immobilier français, Kaufman & Broad. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Promogim Groupe a déclaré à l'AMF avoir acquis quasi 6% de votre capital. Pourquoi ce renforcement alors que Kaufman & Broad se porte bien ?

NORDINE HACHEMI - Le communiqué de presse de Promogim est assez clair, c'est une participation financière. Cela reste néanmoins valorisant pour la société qu'un investisseur qui connaît la promotion immobilière valorise le fait que nous abordions la crise sans avoir de dette, de stock ainsi qu'un BFR [besoin en fonds de roulement, Ndlr] qui soit parmi les plus faibles du marché.

Cela étant, nos collaborateurs demeurent nos premiers actionnaires et ceci explique la performance de notre entreprise. Nous avons plus de 400 millions d'euros de trésorerie et un carnet de commandes d'un montant de 3,4 milliards d'euros.

La crise sanitaire ne risque-t-elle pas d'amoindrir ces bons résultats ?

Nous sommes entrés dans cette période de crise avec un bilan solide et de très belles opérations à venir. Nous sommes tout de même face à trois sujets à gérer simultanément : la réduction des instructions de permis de construire dans les collectivités depuis l'été 2019 et en 2020 due à la période pré-électorale, des élections municipales qui aujourd'hui encore ne sont pas finalisées, et l'arrêt de nos chantiers durant toute une période à cause de la crise.

D'ici à fin mai, on estime que 90% à 95% de nos chantiers auront repris, mais en mode dégradé. Beaucoup d'entreprises et leurs salariés ont la forte volonté de se remettre en mouvement. La demande reste en effet toujours soutenue : nous continuons de vendre des logements neufs toutes les semaines, certes moins, mais ceci s'explique par le faible niveau d'ouverture de nouvelles opérations.

Selon moi, le marché va s'orienter vers plus de ventes aux institutionnels [organismes collecteurs d'épargne, Ndlr] dont la part va dépasser les 50%. Cela devrait même s'accentuer en 2021. D'ici au mois de juillet, nous devrions avoir une meilleure visibilité sur la productivité.

Serait-ce pour anticiper ce mouvement que vous avez répondu à l'appel à projets de CDC Habitat (groupe Caisse des Dépôts) pour la production de 40.000 logements en vente en état futur d'achèvement (VEFA) ?

On parle de CDC Habitat, la filiale logement de la Caisse, mais il y a aussi In'li, l'entité du groupe Action Logement dédiée au logement intermédiaire en Ile-de-France, voire même des investisseurs institutionnels privés. Tous vont investir car les fondamentaux demeurent inchangés. L'augmentation de la population et les évolutions sociologiques ne sont pas influencées par la crise.

Ce qui peut évoluer, en revanche, c'est la nature des acquéreurs. Mais nous avons un avantage compétitif : nous vendons très vite et n'avons donc pas de stock. Lorsque nous concevons un projet, nous établissons des scénarios en partant des taux d'intérêt, du pouvoir d'achat, et des ventes pour voir si la nouvelle offre sera adaptée. Et tous ces paramètres évoluent en période de crise. Mais comme nous n'avons pas de stock, nous concevons aujourd'hui des programmes pour des investisseurs institutionnels et surtout des logements utiles.

Justement, comment comptez-vous résoudre l'équation entre cette « petite remontée » des taux d'intérêt que vous pressentez et une demande qui s'annonce croissante de logements plus utiles, notamment au télétravail et particulièrement dans les villes moyennes ?

Il est difficile de concevoir des grands logements abordables dans les grandes villes. Nous aimerions tous en faire pour répondre à cette demande de toujours plus de télétravail et de toujours plus d'espaces. A quoi cela nous a-t-il conduit ? Dès 2018 et particulièrement en 2019, nous avons décidé de lancer une structure d'aménagement pour développer des projets dans des villes de taille moyenne, notamment les villes cathédrales.

A Reims, par exemple, nous pouvons déjà répondre à cette évolution de la demande. C'est une ville très jolie dont le centre-ville n'a rien à envier à celui d'un arrondissement parisien, avec des commerces et une vraie vie culturelle, un opéra, des musées. A quarante-six minutes de la gare de l'Est et donc de la capitale, le prix au mètre carré est de 4.000 euros. Il y est donc possible d'acquérir des appartements deux à deux fois et demi plus grands qu'en petite couronne francilienne.

Plus généralement, nous allons assister à une reconfiguration voire à une redécouverte de ces centres-villes accessibles dans des communes très qualitatives où il sera possible d'obtenir de l'espace et de réaliser des allers-retours dans la semaine.

Autre injonction des électeurs et des maires de demain : la transition écologique et énergétique. Comment y répondre tout en limitant l'impact sur le prix final ?

Nous construisons des logements qui consomment nettement moins d'énergie que les bâtiments existants. Ces mouvements vont continuer et ne devraient pas être remis en question. Je ne vois pas d'impact direct sur le développement de logements plus respectueux de l'environnement d'autant que la tendance est déjà bien amorcée. Nous développons également de plus en plus d'opérations en bois comme à Nancy ou à Bordeaux où nous commercialisons actuellement une opération qui se vend très bien, des projets de logements en région Ile-de-France... Cela fait déjà partie de notre culture d'entreprise.

Quid de la construction hors-site qui pourrait diminuer le nombre de camions en ville et accélérer la production de logements lors du déconfinement ?

La construction hors-site nécessite d'industrialiser les processus et de prévoir des coûts de fabrication complets. Encore faut-il que les usines aient des débouchés certains. Nous n'avons pas encore ce tissu en France. La démonstration de l'intérêt économique n'a pas encore été faite non plus.

Si cela peut fonctionner aux Etats-Unis où il se construit très peu sur la ville existante, cela me paraît compliqué ici où l'on érige en insertion sur des dents creuses et avec des contraintes de plan local d'urbanisme. Enfin, cela ne sert à rien d'accélérer les travaux si en parallèle nous n'avons de permis de construire autorisant ces travaux.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 12/05/2020 à 9:45
Signaler
Forcément vu qu'une maison neuve de mauvaise qualité coûte bien moins cher qu'une belle maison à retaper, faut juste nous expliquer où se trouve la logique les génies hein.

à écrit le 11/05/2020 à 20:07
Signaler
d'après le baromètre LPI-Seloger du mois dernier, les prix de l'immobilier neuf se renforçaient au 1er trimestre 2020. de même, les ventes de logements anciens grimpaient en flèche avant la crise actuelle. les étrangers doivent contribuer à ce dy...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.