L'Ukraine, antichambre d'un affrontement Occident-Russie

Par latribune.fr  |   |  1802  mots
Vladirmir Poutine et le président ukrainien Petro Porochenchenko, lors de leur 2e rencontre, le 27 août Minsk.
L'inquiétude reste de rigueur en ce début d'année, alors qu'est annoncé pour le 15 janvier un sommet réunissant les dirigeants de la Russie, de l'Ukraine, de l'Allemagne et de la France. Tout au long de l'année 2014, la "crise ukrainienne" a occupé le devant de la scène européenne et mondiale. La Tribune vous résume les péripéties et les impacts géopolitiques et économiques sur les pays en lice comme sur l'Union européenne.

Le mois de novembre 2013 est le point de départ de la crise ukrainienne: le président ukrainien Viktor Ianoukovitch décide alors de rejoindre l'Union douanière avec la Russie. Et ce, alors qu'un accord d'association avec l'Union européenne, en cours de négociation depuis 2009, est proche de la ratification. L'Ukraine semble tourner le dos à l'Europe. Mais des manifestations pro-européennes massives apparaissent et se multiplient dans le pays.

De la répression des manifestations à la destitution du président

  • Janvier 2014

Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch tente de briser le mouvement en décrétant des lois anti-manifestations. Le 22 janvier, la répression s'accentue : plusieurs manifestants meurent dans des batailles de rue à Kiev lors d'affrontements avec la police.

  • Février

Des dizaines (une centaine selon certains témoignages) de personnes meurent sous les balles des forces de l'ordre dans de nouvelles manifestations au cours de la journée du 20 février. Le pouvoir en place tente de calmer le jeu et signe des accords avec les opposants. Mais le 22 février, Viktor Ianoukovitch est destitué de ses fonctions par les députés ukrainiens. Le chef du Parlement Olexandre Tourtchinov, un proche de l'opposante Ioulia Timochenko, le remplace à la présidence du pays. Le 24 février, Dimitri Medvedev, le premier ministre russe, assène que le nouveau pouvoir en Ukraine est "illégitime".

La Russie ne réagit pas seulement verbalement mais décide aussi de renforcer ses intérêts en Crimée, région à majorité russophone. Après avoir placé ses troupes en état d'alerte aux frontières et menacé d'intervenir pour sauvegarder les intérêts de la population russophone, elle promettra 5 milliards d'euros d'aides pour les entreprises en Crimée, le 27 février. Le nouveau pouvoir de Kiev craint une "invasion" armée.

Détachement de la Crimée et premières sanctions contre la Russie

  • Mars

La Russie approuve l'idée d'une intervention militaire en Crimée le 1er mars. La Chambre haute du parlement russe, le Conseil de la Fédération, approuve le déploiement des forces armées dans la région ukrainienne, sur demande du président Vladimir Poutine. L'objectif est de recourir aux "forces armées de la Fédération de Russie sur le territoire de l'Ukraine jusqu'à la normalisation de la situation socio-politique dans ce pays".

Silencieux depuis la destitution de Viktor Ianoukovitch, Vladimir Poutine nie l'implication russe en Ukraine, le 4 mars. Il affirme que ce sont des "forces locales d'auto-défense" qui bloquent les bases et fustige un "coup d'Etat" contre le "seul président légitime", Viktor Ianoukovitch. Depuis plusieurs jours, responsables militaires ukrainiens et russes se livrent une guerre des nerfs à coups d'ultimatums sur un possible assaut des forces russes.

Le 16 mars 96,77% des habitants de la Crimée votent en faveur de l'annexion par Moscou, un vote organisé par le parlement de Crimée, qui avait déjà voté le rattachement de la région à la Russie jeudi 6 mars. Le président russe entérine le 18 mars le détachement de la Crimée, qui rejoint ainsi la Fédération de Russie. La France réagit, envisageant la possibilité d'annuler la vente de deux navires militaires français Mistral à la Russie "si Poutine continue ce qu'il fait" en Ukraine, déclare le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, le 17 mars.

Fin mars, la Russie tente de calmer le jeu avec les Occidentaux. Le président russe a appelé son homologue américain Barack Obama à étudier "les mesures que peut prendre la communauté internationale pour coopérer en vue d'une stabilisation".

L'est de l'Ukraine s'embrase malgré les premiers contacts Poutine-Porochenko

  • Avril

Le 20 avril, les États-Unis prévoient de fournir à l'Ukraine une aide de 36 millions d'euros pour permettre au pays de se gouverner seul, sans "intimidations" étrangères. Une semaine plus tard, Washington accélère et  annonce de nouvelles sanctions contre la Russie. Celles-ci visent le premier cercle de Vladimir Poutine et l'industrie de défense russe. La Russie connaît à ce moment-là des difficultés, avec une récession. Selon les estimations du gouvernement russe, le PIB du pays s'est contracté de 0,5% pendant les premiers trois mois de 2014 par rapport aux trois derniers de 2013. Les mesures adoptées ou prévues par les Etats-Unis et l'Union européenne n'y sont pas pour rien: elles découragent les investissements et provoquent une fuite des capitaux.

  • Mai

Début mai, Kiev accuse une nouvelle fois la Russie de chercher à la "détruire" après la propagation des troubles séparatistes dans l'est du pays et les violences à Odessa, où les pro-russes ont attaqué un bâtiment de police. Environ 2.000 personnes ont lancé un assaut contre le siège de la police de cette ville portuaire du sud, a constaté l'AFP.

Le 12 mai, près de 90% des électeurs de la région de Donetsk auraient suivi le choix de la Crimée. Ils auraient voté "oui" lors de l'un des référendums du 11 mai ayant pour objet l'indépendance de la région. Kiev et ses partenaires occidentaux ne reconnaissent pas la légalité de ce scrutin.

  • Juin

Un avion de transport militaire ukrainien est abattu par des séparatistes prorusses à Lougansk, un des bastions de l'insurrection à l'est du pays, faisant 49 morts. C'est l'attaque la plus meurtrière depuis le lancement il y a deux mois d'une opération "antiterroriste" de Kiev dans l'est rebelle. Cette attaque met à mal l'espoir d'une détente née ces derniers jours après les premiers contacts entre le nouveau président ukrainien Petro Porochenko, élu le 7 juin lors d'élections anticipées (qui ne se sont pas déroulées dans une partie de l'est de l'Ukraine), et son homologue russe.

Les sanctions économiques s'accélèrent

  • Juillet

Kiev gagne à nouveau du terrain face aux rebelles pro-russes de l'est du pays et reprend la ville de Slaviansk. Les Occidentaux sanctionnent à nouveau la Russie  le 17 juillet. Les Européens décident de geler des programmes menés en Russie par la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Washington adopte des sanctions de plus grande ampleur encore : le géant pétrolier russe Rosneft est mis sur liste noire. Ses avoirs aux Etats-Unis sont gelés et les entreprises américaines ont interdiction de mener des transactions avec lui. Ces nouvelles sanctions sont décidées alors que le crash d'un Boeing de Malaisia Airlines survient en Ukraine. Les causes précises ne sont pas déterminées mais les déclarations et annonces s'enchaînent, les pro-Russes accusant les Ukrainiens, et vice-versa.

Le 29 juillet, les sanctions économiques contre la Russie franchissent un nouveau palier : Les États-Unis et l'Union européenne tombent d'accord pour alourdir les sanctions. L'énergie, la finance et les armes, sont les secteurs les plus touchés par ces nouvelles mesures. La Russie contre-attaque le 31 juillet, en imposant une réduction des importations agroalimentaires venant de l'Union Européenne, et menace de frapper d'autres secteurs si les sanctions continuent.

  • Août

Effet collatéral des sanctions et contre-sanctions: des projets entre Européens et Russes sont annulés: l'Allemagne renonce définitivement à un projet militaire avec la Russie le 4 aout. Un vaste projet d'équipements militaires conclu entre le groupe de défense Rheinmetall et la Russie est suspendu depuis mars. En outre, l'industrie allemande a connu une chute importante de ses exportations vers la Russie au premier semestre 2014: 15% sur les 5 premiers mois.

La France est toujours réticente à livrer les Mistral: la Russie annonce qu'elle ne paiera sa commande à la France qu'à la réception du deuxième navire. Paris conditionne la livraison des porte-hélicoptères à "l'attitude de la Russie" dans la crise ukrainienne.

Le gouvernement russe est sous pression économiquement. Selon ses estimations, le PIB n'augmentera que de 1% en 2015, contre 2% prévu auparavant. Il l'impute aux effets de la crise ukrainienne, et des sanctions occidentales qui en découlent. La deuxième rencontre de Vladimir Poutine avec Petro Porochenko, le 27 août à Minsk, ne donne rien. La Russie accroît même les tensions en évoquant la création d'un Etat dans l'est de l'Ukraine, le 31 août. Jusqu'à présent, la Russie avait seulement demandé que les régions orientales de l'Ukraine, majoritairement russophones, aient davantage d'autonomie dans un système fédéral moins centralisé.

Un cessez-le-feu qui ne tient pas en Ukraine

  • Septembre

A Minsk, un cessez-le-feu est signé par les autorités ukrainiennes avec les séparatistes prorusses., entrant en vigueur le 5 septembre. Le président ukrainien Porochenko annonce ordonner à l'armée ukrainienne de cesser les hostilités.

Pourtant, du côté des occidentaux, on ne relâche pas la pression tant que le cessez-le-feu entre Kiev et les séparatistes pro-russes ne se "concrétise pas": la France gèle la livraison des Mistral à la Russie. Jeudi 11 septembre, l'Europe avalise cinq nouvelles sanctions contre la Russie, notamment dans le secteur pétrolier et l'accès aux capitaux.

Dans la foulée de l'Europe, les États-Unis annoncent de nouvelles sanctions à l'encontre de la Russie, visant de nouveaux groupes pétroliers et entreprises de défense, et limitant l'accès des principales banques russes aux marchés américains de la dette et des actions.

  • Octobre

Le 12 octobre, Vladimir Poutine annonce le retrait de plus de 17.000 soldats russes stationnés à Rostov, une ville située à l'ouest de la Russie. Quelque jours plus tard, il rencontre son homologue ukrainien pour la troisième fois.

Un revirement du côté de la France ? Paris se met en situation de livrer le Mistral à la Russie. Moscou annonce avoir été invité à prendre possession le 14 novembre du premier porte-hélicoptères de type Mistral vendu par la France à la Russie. In fine, cela n'aboutira pas.

   Lire >> Mistral perdant?

  • Novembre

Le cessez-le-feu du 5 septembre semble un lointain souvenir. Le 6 novembre, les séparatistes affirment que l'armée ukrainienne vient de lancer une nouvelle offensive. Le 7 novembre, selon Kiev, 32 chars en provenance de Russie ont franchi la frontière.

L'Ukraine se rapproche de l'Otan

  • Décembre

Le 18 décembre, pour réaffirmer son opposition à "l'annexion illégale" de la péninsule ukrainienne par la Russie, l'Union européenne décide d'interdire tous les investissements européens en Crimée, y compris les croisières, ainsi que l'exportation d'un certain nombre de biens et technologies. Le 23 décembre, le parlement ukrainien choisit de renoncer au statut de non-aligné du pays pour se rapprocher de l'Otan.

Pour Moscou, cette décision fait de Kiev "un adversaire militaire potentiel de la Russie". Les négociations reprennent toutefois entre séparatistes et autorités ukrainiennes à Minsk en fin d'année, mais semblent patiner.

Une nouvelle réunion est prévue le 15 janvier entre Petro Porochenko, Vladimir Poutine, Angela Merkel et François Hollande.