Bruxelles s'attaque au Livret A et au Livret Bleu

La Commission européenne lance aujourd'hui des procédures d'infraction contre la France, dénonçant les droits spéciaux des Livrets A et Bleu, deux produits d'épargne défiscalisés distribués exclusivement par la Banque Postale, les Caisses d'épargne et le Crédit Mutuel.

Trois établissements bancaires français sont visés par la procédure lancée aujourd'hui par Bruxelles: la Banque Postale et les Caisses d'Épargne sont les distributeurs exclusifs du Livret A tandis que le Crédit Mutuel a l'exclusivité sur le Livret Bleu. La Commission a donc ouvert une enquête formelle à l'encontre du Livret A et poursuit celle sur le Livret Bleu "concernant la compensation octroyée par l'État au Crédit Mutuel pour distribuer le Livret Bleu afin d'établir s'il y a surcompensation". Pour la commissaire à la Concurrence Neelie Kroes, ces deux procédures sur les droits spéciaux et sur l'aide d'État au Crédit Mutuel sont "complémentaires" et "s'inscrivent dans l'action menée par la Commission pour accroître la concurrence et augmenter le choix des consommateurs dans le secteur des services financiers".

Pour Bruxelles il s'agit de déterminer si ces produits défiscalisés, distribués exclusivement par ces trois banques, enfreignent ou non les règles de la concurrence européenne. Cette investigation constitue une très mauvaise nouvelle pour la jeune Banque Postale, qui pouvait compter sur ce produit d'appel afin d'établir un contact commercial avec ses clients. C'est d'ailleurs pour contrer la création de ce nouvel établissement financier que le Crédit Agricole, depuis rejoint par BNP Paribas, la Société Générale, le groupe Banque Populaire et ING, a mis le feu aux poudres. Ces banques contestent l'exclusivité accordée par l'État à l'Écureuil et à la Banque Postale sur ce produit administré. Pas moins de 46 millions de Français détiennent un livret A, ce qui en fait un produit politiquement très sensible.

Cela n'a pourtant pas empêché la Commission de mener une guerre sans merci contre un placement "frère": le livret Bleu. Depuis quinze ans, la Commission n'a jamais "lâché le morceau" dans ce dossier. Pour le livret Bleu, il s'agit donc d'une seconde procédure. La première enquête avait abouti à une décision en 2002 condamnant le Crédit Mutuel à rembourser la somme de 164 millions d'euros de surcompensations de service public, assimilables à des aides d'État. Une décision annulée en 2004 par la Cour de Luxembourg. Les services de la Concurrence ont relancé l'an passé cette procédure qui est officiellement toujours en cours.

Concrètement, la Commission a envoyé mercredi à la France "une lettre de mise en demeure" sur les droits spéciaux accordés aux trois banques. Dans ce document, qui est la première étape d'une procédure d'infraction, l'exécutif européen invite la France "à lui communiquer ses observations sur la justification" de ces droits spéciaux. Elle "craint en effet que ces droits spéciaux ne soient contraires aux dispositions du traité en imposant des obstacles à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services".

Réagissant à cette initiative de la Commission, la Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA) a affirmé mercredi que cette décision "va dans le bon sens". La banque verte précise vouloir en effectuer une "analyse" avant de commenter davantage. Patrick Werner, président du directoire de la Banque Postale, a quant-à-lui déclaré que cette annonce "s'inscrit dans la ligne des démarches qui ont été effectuées par les banques françaises. Ce n'est pas une surprise. Je suis tout à fait serein. Nous allons pouvoir expliquer ce qu'est le Livret A de la Banque Postale qui lui permet de lutter contre l'exclusion à un niveau que personne d'autre ne fait", a-t-il indiqué, précisant que la Banque Postale "paie" 50% des allocataires sociaux français.

Quant aux Caisses d'Epargne, elles estiment qu'il "n'y a pas de distorsions de concurrence car il y a des contraintes qui sont attachées à ce produit. Nous sommes attachés à ces contraintes car c'est un élément de cohésion sociale. Nous demeurons particulièrement attachés à son mode de distribution pour ne pas remettre en cause ses équilibres fondamentaux et le lien social", ajoute l'Ecureuil. Le Crédit Mutuel, enfin, rappelle que cela fait quinze ans que la procédure les concernant a commencé. Il estime par ailleurs "qu'il y a certainement des sujets plus stratégiques pour l'Europe".

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