Lehman un an après - Faut-il croire à une reprise durable ?

Le redémarrage est plus précoce et plus vif qu'annoncé. Il va sauver la fin de 2009, en Europe et aux États-Unis. Mais de nombreuses incertitudes s'accumulent pour 2010.
(Crédits : <small>Reuters</small>)

Faut-il s'en inquiéter ? En ce début d'automne 2009, le consensus mondial des économistes, abonnés aux erreurs de prévision, croit à une franche reprise de l'activité mondiale. À leur décharge, la plupart des nouvelles économiques sont bonnes, dans la plupart des pays du monde. Une synchronie qui contraste avec la sombre uniformité d'il y a un an, lorsque la planète entière avait plongé après la faillite de Lehman Brothers.

La reprise est donc là. Et les chiffres de croissance du troisième trimestre 2009 devraient montrer une amélioration beaucoup plus forte que ce qui était attendu, en Europe et aux États-Unis, grâce au ralentissement du déstockage, qui avait beaucoup pesé sur les comptes du début de l'année.

Plusieurs facteurs se conjuguent pour donner une vigueur inattendue à cette reprise. Tout d'abord l'effet « saut à l'élastique », bien connu des économistes et des joueurs de yoyo : plus on descend bas, plus on remonte. Il y a un an, l'impact psychologique de la faillite de Lehman avait différé nombre de décisions d'achat et d'investissement. Les entreprises corrigent cela aujourd'hui car la demande, même faible, doit être approvisionnée. Ensuite, les gigantesques plans de relance (1.000 milliards de dollars sur 2009, soit 2 % du PIB mondial) commencent à rendre leurs effets.

Sur l'immobilier par exemple, aux États-Unis, où les fortes subventions offertes aux primo-accédants à la propriété ont réussi à enrayer la chute des prix (et en France, où la loi Scellier a ranimé le marché).

Sur l'automobile, où les primes à la casse ont redonné des couleurs aux chiffres de production aux États-Unis, en Allemagne et en France. Et de façon générale sur l'industrie mondiale, grâce au plan de relance chinois, qui profite aux exportateurs de machines-outils, comme en témoignent les volumes d'exportations allemandes depuis deux mois.

Troisième élément, la confian­ce semble revenue sur les marchés financiers, ce qui déclenche des anticipations optimistes (et largement autoréalisatrices, la psychologie collective étant déterminante), à l'inverse de ce que nous avons expérimenté il y a un an.

Le semestre qui s'ouvre semble donc assuré de retrouver la croissance. Une croissance certes calculée à partir des faibles niveaux enregistrés début 2009. Dans les pays développés, le PIB a été réduit de 5 % environ par rapport à 2008. Et encore ce chiffre dissimule-t-il des chutes beaucoup plus sévères, comme celle de la production automobile (cet été, les États-Unis produisaient le même nombre de voitures qu'à l'été 1989). La construction de logements, qui comptait pour 5 % du PIB au plus haut en 2006, s'est stabilisée à... 2,5 % du PIB, après plus de trois ans de chute ininterrompue ! Aux États-Unis encore, le taux d'utilisation des capacités de production industrielles stagne à 68 %, soit au plus bas depuis la guerre.

Endettement public
C'est dire qu'il faudra probablement plusieurs années avant de retrouver les niveaux d'antan. D'autant que, si la fin 2009 semble sauvée, l'année 2010, elle, est ombrée d'incertitudes. Derrière la bonne nouvelle, l'arrivée de la reprise, se cache une réalité moins heureuse : les causes de la crise financière sont toujours à l'œuvre, tout aussi vivaces qu'auparavant. En principe, une récession « nettoie » les bilans, ménages et entreprises prennent leurs pertes, et tout le monde repart cahin-caha. Rien de tel aujourd'hui, où le coût de la récession a été socialisé sous la forme d'endettement public supplémentaire, de façon à éviter un choc trop violent sur l'économie réelle. La crise créée par un excès de dette a été traitée par un surcroît d'endettement pour éviter les pertes et les faillites trop nombreuses... Ce qui va obérer notre capacité à croître dans les années à venir. Seuls les bilans des banques se sont sensiblement améliorés - et encore, certaines interrogations subsistent sur le montant des actifs douteux, notamment dans les banques européennes. C'est évidemment important, mais ce n'est pas suffisant.

De plus, la demande privée finale, celle des ménages, risque de faire défaut dès que les effets euphorisants des plans de relance seront dissipés. Car les consommateurs américains, déterminants pour l'activité mondiale, n'ont pas rétabli leur bilan. Certes, leur taux d'épargne a augmenté. Mais le chômage explose outre-Atlantique, où il pourrait atteindre 11 % l'année prochaine, ce qui va déprimer les achats des ménages. Quant aux saisies immobilières, elles battent tous les records, dépassant les 350.000 par mois. Les revenus ne sont soutenus que par la baisse de l'inflation et les réductions d'impôts - et cela pourrait bien ne pas suffire l'année prochaine, qui verrait alors une baisse franche de la consommation.

Or, ailleurs sur la planète, personne n'est prêt à prendre le relais. Les Européens connaissent, eux aussi, une progression du chômage et leur propension à consommer n'est guère suffisante. Quant à la Chine, sa relance vigoureuse - les chiffres, à prendre avec précaution, font état d'une croissance dépassant les 8 % annuels - n'est pas très saine. À la mi-2009, le gouvernement a littéralement inondé l'économie de prêts bancaires, au risque d'initier des projets non rentables - et de plomber le bilan des banques locales - sans avoir la certitude de doper la demande privée. De plus, quand bien même les Chinois se mettraient à consommer, l'effet d'entraînement ne serait que faible pour l'économie mondiale, à cause de la taille encore modeste de l'économie de Pékin. Un jour, la Chine tirera la planète - dans dix ans ?

D'ici là, il va falloir compter sur nos propres forces, qui sont maigres et encore affaiblies. 2010 pourrait donc présenter un profil exactement inverse à celui de 2009 : un bon départ, avec les feux de cette reprise éphémère, et une deuxième moitié où nous retrouverons la pesanteur.
 

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