Oblibus : ce financement innovant qui permet à l’île d’Yeu de passer aux bus électriques

La Banque des Territoires propose des prêts avec un taux d’intérêt variable aux collectivités qui souhaitent se doter d'une flotte de bus électrique. Cette offre, baptisée Oblibus, repose sur un principe original puisque ces taux d'intérêt baissent lorsque le coût de l'électricité grimpe. Un moyen innovant voulu pour accélérer la mobilité verte et le renouvellement des flottes de bus en France. Expérimenté avec la métropole de Brest, le dispositif vient être mis en œuvre à l’île d’Yeu. Une première.
A l'Ile d'Yeu, les bus électriques ont totalement remplacés les bus thermiques
A l'Ile d'Yeu, les bus électriques ont totalement remplacés les bus thermiques (Crédits : dr)

C'est une solution innovante imaginée par la Banque des Territoires et la Banque Européenne d'Investissement (BEI) pour accélérer le déploiement de flottes de bus « verts » en France et s'affranchir des évolutions du coût de l'électricité. Conjointement lancée par ces deux structures en décembre 2020, avec une enveloppe de 200 millions d'euros abondée à part égale, la Plateforme d'Investissement Matériel Roulant Propre "Oblibus" vient de financer une première opération à l'île d'Yeu, où la municipalité a converti l'ensemble de sa flotte de bus à l'électricité avec l'acquisition de quatre minibus (3 de 20 places et un de 40 places). Un investissement de 1,08 million d'euros HT soutenu par un prêt de 650.000 euros, sur quinze ans, concédé par Oblibus.

Au-delà de la somme, en l'occurrence relativement modeste, ce sont les conditions de remboursement qui font l'originalité de cette offre, dont le taux d'intérêt évolue en sens inverse du coût de l'électricité consommée par les bus.

« La mobilité verte est souhaitée par tous, mais l'achat d'un bus électrique - de l'ordre de 500.000 euros - est deux fois plus élevé qu'un bus thermique. Face aux prix croissants de l'électricité, il s'agit d'aider les collectivités à limiter leur exposition à la hausse des prix en leur apportant un système de compensation », explique David Bourdier, directeur général d'Oblibus.

Si le prix de l'électricité augmente, le taux d'intérêt baisse

Le principe est simple. On détermine, à la signature du contrat, un scénario d'évolution de taux avec la collectivité. Chaque prêt, consenti sous la forme d'un emprunt obligataire, est encadré par un taux plancher et un taux plafond. Dès le départ, un taux fixe est négocié avec le client, selon les conditions de marché, la durée de préfinancement (24 mois) dans l'attente d'une acquisition, l'amortissement entre 10 et 20 ans, la possibilité d'adapter le profil d'amortissement en fonction des contrats du client, etc.

« Ensuite, pour la partie indexée, c'est-à-dire le tunnel dans lequel évolue le financement, le plafond représente deux fois le taux fixe moins 10 centimes. Si bien que si le prix de l'électricité baisse fortement, le taux d'intérêt appliqué à la collectivité serait limité à 1,90%. À l'inverse si le prix de l'électricité augmente rapidement, la partie indexée va devenir négative, et va bonifier le taux fixe de référence, jusqu'à un plancher de 0,10% », détaille Gautier Chatelus, directeur adjoint du département infrastructures et mobilité de la direction de l'investissement de la Banque des Territoires.

« Le but , c'est de dire à la collectivité, si vos coûts d'exploitations augmentent les taux d'intérêt baissent pour compenser cette charge », ajoute David Bourdier.

Chaque semestre, le coût de l'énergie est établi selon l'indice Insee de l'électricité. À l'île d'Yeu, par exemple, le taux fixe a été négocié à 0,87%, avec un seuil plancher à 0,10% et un plafond à 1,64%. « Pour nous, les coûts d'exploitation, c'est le salaire des chauffeurs et le coût de la recharge électrique. C'est donc un moyen de nous protéger des dérives des coûts d'électricité », explique Michel Bougery, adjoint aux finances et à la transition énergétique, à la mairie de Port-Joinville à l'île d'Yeu. Là-bas, les coûts de fonctionnement de ces minibus roulant six mois par an, de Pâques à la Toussaint, représente 20% de l'investissement. Sur lesquels, les coûts de recharge pèsent pour 10% à 15%.

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De l'électrique à l'hydrogène ?

Le jeu en vaut-il la chandelle ? « Ce n'est pas colossal mais ce n'est pas neutre pour le budget de l'île Yeu. Cela représente sans doute plus ou moins une dizaine de milliers d'euros, mais c'est un instrument de couverture incorporé qui nous permet de sécuriser les coûts d'exploitation de cette nouvelle flotte et nous donne une visibilité sur quinze ans », souligne l'adjoint au maire de l'île d'Yeu.

L'île a d'ailleurs été reconnue « territoire à énergie positive pour la croissance verte » par l'État. Ce dernier lui ayant accordé, à ce titre, une subvention de 300.000 € pour renouveler et convertir sa flotte de bus. « C'est un démonstrateur fort pour engager d'autres communes, villes et métropoles vers la mobilité verte, qu'elle que soit leur taille », affirme Philippe Jusserand, directeur régional des Pays de la Loire de la Banques de Territoires, qui cherche à inscrire les bus à propulsion hydrogène dans l'offre Oblibus - jusqu'ici limité aux seuls bus, minibus électriques et infrastructures de recharge - pour accompagner le renouvellement de la flotte de bus de la communauté urbaine du Mans ou plus largement, les projets ferroviaires à hydrogène visés par la région.

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La solution : prêteur et vendeur d'électricité

Pour la Caisse de dépôts et consignation, maison mère de la Banque des Territoires, le risque financier est relativement faible. « À travers nos participations dans la Compagnie Nationale du Rhône, nous sommes vendeur d'électricité. Si bien que, quand les prix de l'électricité grimpent, nos revenus augmentent, ce qui nous permet de compenser une baisse des revenus sur les produits d'Oblibus. Le montant de ce que l'on vend est beaucoup plus important que les dépenses engagées sur les bus électriques. La perte sur les taux d'intérêt n'est pas un sujet. Sur les deux cents millions potentiellement prêtés, on va parler de deux à trois millions d'euros. Ce qui n'a rien à voir avec les recettes générées par la Compagnie Nationale du Rhône. A minima, on aura un tout petit taux d'intérêt, mais on ne perdra pas d'argent », souligne le directeur général d'Oblibus, qui vient de signer un contrat avec l'autorité organisatrice des transports lyonnais Sytral (Syndicat Mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise) et s'apprête à conclure un accord la RATP pour contribuer au financement de quatre cents nouveaux bus électriques. Une autre dimension.

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Commentaire 1
à écrit le 23/02/2022 à 17:35
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Les 4 bus ont été fabriqués en Turquie, à Bursa (sud Istanbul), ce qui est toujours mieux qu'en Chine. Bonne route, la révolution est en marche, doucement mais sûrement.

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