La BCE va renforcer la surveillance des liquidités des banques de la zone euro

La Banque centrale européenne a annoncé samedi vouloir surveiller plus fréquemment l'état des liquidités des banques de la zone euro pour réduire le risque de crises financières à l'avenir. Cette annonce intervient alors qu'outre-Atlantique, la Fed a indiqué le 10 juillet qu'elle voulait imposer aux banques de taille moyenne un niveau de fonds propres supérieur.
Ce samedi, la BCE a annoncé vouloir surveiller plus fréquemment l'état des liquidités des banques de la zone euro.
Ce samedi, la BCE a annoncé vouloir surveiller plus fréquemment l'état des liquidités des banques de la zone euro. (Crédits : WOLFGANG RATTAY)

Réduire le risque de crises financières à l'avenir. C'est avec cet objectif en tête que la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont décidé de renforcer le contrôle des banques, alors que la faillite de banques régionales aux Etats-Unis en mars, puis la défaillance de Credit Suisse, ont fait craindre de nouvelles turbulences financières.

Surveillance des liquidités

Ce samedi, la BCE a annoncé vouloir surveiller plus fréquemment l'état des liquidités des banques de la zone euro.

« Nous avons décidé de demander aux banques, à partir de septembre, de nous envoyer des informations sur une base hebdomadaire, afin d'avoir des données plus récentes et de mieux surveiller les évolutions de liquidités », a déclaré Andrea Enria, le président du Conseil de surveillance prudentielle, l'organe de supervision bancaire européen partie intégrante de la BCE.

« L'idée est de faire parvenir de manière plus fréquente l'information sur les liquidités que les banques nous envoient déjà mensuellement », a dit précisé dans une interview au quotidien économique italien Milano Finanza publiée samedi sur le site de la BCE. Ces données incluent des détails comme l'échéance des liquidités figurant dans les comptes des banques, leurs contreparties et les opérations de refinancement effectuées avec la BCE. Cela doit permettre en particulier de mieux contrôler l'évolution « des actifs les plus liquides, comme les dépôts bancaires », a ajouté le superviseur.

Cette initiative répond à une recommandation faite en juin par l'Autorité bancaire européenne, l'ABE, le régulateur qui édicte les règles pour le secteur.

L'Union européenne a adopté en parallèle fin juin de nouvelles règles plus strictes imposées aux banques afin d'éviter une répétition de la crise financière de 2008 (calcul des risques présents dans les bilans des banques, exigences minimales de fonds propres). Dans ce contexte, Andrea Enria a appelé de ses vœux une plus grande consolidation transfrontalière du secteur bancaire européen. « Un marché plus intégré » des banques européennes, « serait avantageux car il permettrait de mieux faire face à de possibles chocs », a-t-il dit.

Plus de fonds propres pour les banques régionales américaines

Outre-Atlantique, la Fed a indiqué le 10 juillet qu'elle voulait imposer aux banques de taille moyenne un niveau de fonds propres supérieur pour éviter de nouvelles faillites et une déstabilisation du secteur, à l'image de la crise au printemps. Dans l'absolu, le secteur bancaire est censé appliquer les règles dites de Bâle III, un ensemble de propositions imposant notamment des fonds propres minimaux afin d'éviter, comme lors de la crise financière de 2008, que les gouvernements ne soient obligés de voler au secours d'établissements menacés de faillite. Mais les Etats-Unis ont choisi d'imposer ces règles uniquement à leurs enseignes majeures, disposant de plus de 700 milliards de dollars d'actifs ou réalisant une partie de leur activité à l'étranger. La chute de la banque Silicon Valley Bank (SVB) en mars et les secousses dans le secteur, avec la chute d'autres établissements régionaux, ont poussé les régulateurs américains à revoir leur approche.

« Je vais recommander que les règles renforcées de capitaux propres concernent les banques de 100 milliards de dollars d'actifs ou plus. (...) Cela implique que davantage d'établissements seront concernés que dans le cadre actuel », a indiqué il y a moins de 15 jours le vice-président de la Fed, Michael Barr, dans un discours à Washington.

Les propositions de la Fed ne devraient entrer en vigueur que « dans plusieurs années au moins », après une consultation publique et une phase transitoire de mise en conformité.

En pratique, ces établissements devront disposer de 2 points de pourcentage supplémentaires de leurs actifs en fonds propres, afin d'être en capacité de faire face à d'éventuels chocs.

« Notre expérience montre que même une banque de cette taille peut provoquer des tensions susceptibles de s'étendre à d'autres établissements et de remettre en question la stabilité financière », a justifié Michael Barr, rappelant que l'absence de liquidités était l'une des causes de la chute de SVB.

La banque centrale estime qu'en l'état, « la plupart des banques ont déjà suffisamment de fonds propres pour faire face à ces nouvelles exigences », a expliqué le responsable. Selon lui, les autres pourront les remplir « en moins de deux ans, tout en versant leurs dividendes ».

Banque régionale spécialisée dans les dépôts des entreprises du secteur de la tech, SVB a été mise en difficulté en mars par la hausse des taux de la Fed qui s'est traduite par une dévalorisation d'une partie de ses actifs alors qu'elle devait faire face à une sortie massive de capitaux. Le secteur financier américain a alors connu plusieurs semaines de tensions, marquées par la chute d'établissements régionaux comme Signature et First Republic.

La Fed, ainsi que le département du Trésor, ont depuis cherché à rassurer les marchés, affirmant que le secteur financier américain était « solide et résilient ». Mais, a souligné Michael Barr, chaque grande banque dispose de son modèle interne d'évaluation des risques de crédit et elles ont tendance à les « sous-estimer ». Il plaide donc pour une « approche standardisée », qui faciliterait également la tâche pour les banques moyennes.

La Fédération bancaire américaine (ABA) s'est dite déçue face à « la détermination » de Michael. Barr de vouloir renforcer les fonds propres des banques malgré « les éléments probants de leur bonne capitalisation ». Selon l'ABA, la Fed ne prend pas suffisamment la mesure des conséquences négatives « imposer aux banques d'accroître leurs capitaux propres », affirmant que cela aurait un « coût pour l'économie ».

Divergences à la Fed

Ces propositions pourraient faire l'objet d'une certaine opposition au sein même du conseil de la Fed. Michelle Bowman s'est d'ores et déjà exprimée contre l'idée de nouvelles règles de supervision sans « enquête impartiale et indépendante » sur les causes des turbulences dans le secteur bancaire.

« Nous devons faire preuve de prudence concernant ce qui s'est mal passé », avait-elle relevé fin juin. « Une erreur de perception et une mauvaise compréhension des causes profondes » de ces faillites pourraient avoir « des effets négatifs sur les banques et leurs clients ».

Autre mesure proposée : augmenter la proportion de dette à long terme des banques, qui doit permettre « d'améliorer la capacité d'une banque à faire face aux difficultés car la dette à long terme peut être convertie en capitaux propres et ainsi être utilisée pour absorber les pertes » éventuelles, a souligné Michael Barr. Le vice-président de la Fed a suggéré par ailleurs de revoir les conditions des tests de résistance, qui permettent de vérifier régulièrement la capacité du secteur à résister à différents scénarios de crises.

Stress test réussi pour les grandes banques au Royaume-Uni

Les plus grandes banques britanniques, comme HSBC ou Barclays, ont passé avec succès un test de leur résistance à un choc important, même si la hausse des taux d'intérêt met sous pression le système financier britannique, a indiqué il y a dix jours la Banque d'Angleterre.

« Nous avons récemment testé les grandes banques britanniques en utilisant un scénario basé sur des projections économiques bien pires que celles que nous attendons », a détaillé la BoE à l'occasion de la publication de son rapport semestriel sur la stabilité financière.

Taux de chômage à 8,5%, inflation à 17%, chute des prix de l'immobilier de 31% et récession mondiale : selon la banque centrale, les huit plus grandes banques britanniques pourraient survivre un tel scénario catastrophe sans entraîner de réaction en chaîne comme cela avait été le cas lors de la grande crise financière en 2008.

Barclays, HSBC, Lloyds, Nationwide, NatWest Group, Santander UK, Standard Chartered et Virgin Money ont été soumises à ce test. La BoE s'inquiète en revanche du poids pris ces dernières années par la « finance de l'ombre », comme sont surnommés les acteurs financiers non bancaires. En septembre dernier, après des annonces budgétaires ultra-coûteuses de l'éphémère gouvernement de Liz Truss - sur lequel l'exécutif était revenu - le taux de la dette à très long terme du Royaume-Uni s'était envolé, un mouvement exacerbé par des placements de fonds de pension, poussant la BoE à intervenir sur le marché pour le stabiliser. La BoE a donc décidé d'étendre son « stress test » à ces établissements non bancaires.

« Des vulnérabilités persistent dans la finance de marché, qui pourraient devenir plus visibles avec les hausses des taux », a prévenu la banque centrale.

La hausse récente des taux d'intérêt, que la BoE a relevés à 13 reprises pour lutter contre l'inflation et qui sont actuellement à 5%, met en effet le système financier sous pression, reconnaît la banque centrale. Pour les ménages, qui voient les taux de leurs emprunts immobiliers s'envoler par ricochet, les difficultés devraient s'aggraver au fil de l'année, prévient-elle. La BoE estime que la part de ménages avec un remboursement mensuel trop élevé par rapport à ses revenus devrait augmenter pour atteindre fin 2023 2,3% des ménages britanniques, soit 650.000

Et d'ici à 2026, un million de foyers vont voir leurs paiements mensuels augmenter de 500 livres ou plus, prévient la banque centrale.

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Commentaires 7
à écrit le 22/07/2023 à 19:26
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On croyait le problème sous contrôle depuis le petit incident des subprimes. Comme pour les paradis fiscaux censés être éradiqués par l'europe sous Sarkozy et qui ne cessent de se développer, encore du bla bla pour que l'on se taise et que l'on rembo...

à écrit le 22/07/2023 à 19:13
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Surveiller les liquidites c'est bien, faut aussi surveiller le passif!!

à écrit le 22/07/2023 à 19:03
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Ce qui m'importe, c'est: risque-t-on d'être rationné dans les DAB?

à écrit le 22/07/2023 à 18:44
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La finance internationale se goinfre par les "crises". Les "contrôles" ne sont donc fait que pour rassurer le pigeon frileux. L'Europe n'a pas sanctionné les USA suite à la crise frauduleuse de 2008. Elle n'a aucun pouvoir sur la finance dont elle dé...

à écrit le 22/07/2023 à 18:08
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Bonjour, Dans tous les cas, ils nous faut contrôler les banques régionale et de taille intermédiaire... Pas question de mettre tous le système financier en déroute pour les malversations d'un petit nombre... Ensuite, Ils est faut probable que la d...

à écrit le 22/07/2023 à 17:22
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La question finale qui se pose c'est : "Doit on se préparer à faire des échanges par le troc ?" ;-)

à écrit le 22/07/2023 à 17:10
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Mais mes pauvres, vous avez accumulé un tel retard en matière de régulation bancaire - et je ne parle même pas de la bombe à retardement du shadow banking system que vous négligez toujours d'une manière totalement éhontée - que même une hausse du rat...

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