Budget ESA 2023-2025 : l'Allemagne garde le leadership, la France n'en veut plus

L'Allemagne va conserver son leadership spatial au sein de l'Agence spatiale européenne (ESA). La France ne veut pas (ou ne peut) suivre la fuite en avant de Berlin. En revanche, elle souhaite maintenir une diversité dans ses contributions financières au niveau national, européen et international.
Michel Cabirol
Bruno Le Maire laisse à l'Allemagne le leadership spatial au sein de l'ESA
Bruno Le Maire laisse à l'Allemagne le leadership spatial au sein de l'ESA (Crédits : STEPHANE MAHE)

Paris, où se déroule les 22 et 23 novembre la conférence ministérielle des pays membres de l'Agence spatiale européenne (ESA), il n'y aura pas de match entre la France et l'Allemagne comme il y avait eu à Séville en 2019. Il y a trois ans Berlin avait complètement surpris Paris en lui ravissant le leadership à la surprise générale. Trois ans plus tard, la France refuse le combat et rentre dans le rang, très certainement pour une très longue période. Résultat, l'Allemagne va rester le premier pays contributeur du prochain budget triennal (2023-2025). Le futur tiercé des plus importants contributeurs de l'ESA lors de la conférence ministérielle sera très probablement : Allemagne, France et Italie. Avec comme principale incertitude, la place de Rome, qui pourrait passer devant Paris.

L'Allemagne sera donc à nouveau la première de la classe en contribuant à un nouveau budget record à l'image de 2019 (14,38 milliards d'euros sur 2020-2022). Une place qui plus est obtenue sur le sol de son principal rival dans le spatial, la France. Le directeur général de l'ESA, Josef Aschbacher, demande aux 22 États membres une contribution de 18,7 milliards d'euros pour le futur budget triennal de l'Agence. Soit 30% de plus qu'il y a trois ans à Séville. Il semblerait que la marche soit trop haute. Selon une source proche du dossier, les contributions des États membres de l'ESA pourraient atterrir autour de 17 milliards d'euros au grand maximum.

« La conférence ministérielle est vraiment un moment important parce qu'il marque les ambitions de tous les États membres et il permet de voir aussi sur les différents sujets qui va prendre le leadership sur tel ou tel programme pour être extrêmement concret », a expliqué début novembre le PDG du CNES Philippe Baptiste lors d'une audition à l'Assemblée nationale par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les enjeux du conseil ministériel de l'ESA.

L'Allemagne prête à mettre entre 3,6 et 5 milliards

Quel sera l'état des forces au sein de l'ESA ? Difficile d'y voir très clair, car chaque pays, y compris la France, cache la copie financière pour des raisons tactiques pour préserver d'éventuelles marges de marges de manœuvre lors des négociations qui vont durer deux jours. Des négociations qui vont décider du budget de l'ESA sur les trois prochaines années. Si ce n'est pas de la compétition, cela s'y apparente très fortement. Selon des sources concordantes, Berlin a laissé entendre que sa contribution devrait osciller entre 3,6 et 4 milliards d'euros, en y ajoutant les 400 millions de contributions des länder (contre 3,29 milliards en 2019).

Mais, Berlin et les länder garderaient une marge de manœuvre financière que certains estiment à 1 milliard d'euros. D'autant que, précise-t-on à La Tribune, les 9 milliards d'euros dédiés sur les trois prochaines années par la France pour le spatial qui ont été annoncés mi-septembre lors du 73e Congrès international d'astronautique par la Première ministre Élisabeth Borne ont impressionné en Allemagne. Ce qui aurait contribué à une forte remobilisation des Allemands lors de la préparation de la conférence ministérielle de Paris.

La France ne veut ou ne peut plus suivre l'Allemagne

Et la France ? Pas question de suivre cette fuite en avant de l'Allemagne qui assume pleinement son leadership au sein de l'ESA. A Paris, on dégaine l'argument que l'on veut imparable pour justifier la stratégie française d'abandonner à Berlin ce leadership : comme la France représente près de 50 % du spatial européen, elle souhaite maintenir différents canaux de financements. « Il y a un équilibre à trouver entre les contributions françaises à l'ESA et celles sur les programmes multilatéraux, dont ceux avec les Etats-Unis, à travers le CNES, puis aussi à travers France 2030 », a d'ailleurs expliqué Philippe Baptiste à l'OPECST.

Et en même temps, la France va très sérieusement augmenter sa contribution de 23%, passant, selon nos informations de 2,6 à 3,2 milliards d'euros. Les industriels français demandaient 3,6 milliards. Ils sont très friands des taux de financements généreux de l'Agence spatiale européenne : en moyenne entre 60% et 100% pour un projet, contre en moyenne entre 20% et 40% pour un programme national en raison des aides très réglementées par la commission européenne, contrairement aux programmes ESA. Un renoncement mal vécu par les industriels français. D'autant plus qu'il est « actuellement très compliqué d'autofinancer des projets à plus de 60% en raison de l'inflation notamment », explique-t-on à La Tribune.

Il est également possible que Paris finance la future constellation européenne, dite Breton, en mettant 300 millions d'euros supplémentaires sur le projet. Une enveloppe qui sera prélevée sur le budget de France 2030 une fois que la Commission aura lancé les appels d'offres, selon nos informations. Ce qui porterait au total la contribution française à 3,5 milliards d'euros.

L'Italie va-t-elle mettre près de 4 milliards d'euros ?

Après avoir perdu son leadership à Séville, la France va-t-elle rétrograder d'une nouvelle place à Paris ? L'Italie devrait venir en France avec une contribution estimée à 2,8/2,9 milliards d'euros (contre 2,28 milliards en 2019). Un nouvel effort important qui pourrait être réévalué si Rome confirme son souhait d'apporter plus de 1 milliard d'euros supplémentaire. Un montant correspondant au plan de relance italien dans le spatial, le Plan national pour la relance et la résilience (PNRR).

Cette enveloppe financière doit servir à financer une constellation italienne dédiée à l'observation de la Terre IRIDE (36 satellites radars et optiques). Le précédent gouvernement italien souhaitait profiter de l'expertise et des ressources humaines de l'ESA pour signer au plus vite les contrats de fourniture. Ce que ne peut pas faire l'Agence spatiale italienne, faute de moyens.

Michel Cabirol

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Commentaires 9
à écrit le 23/11/2022 à 7:38
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Vous vous attendiez à quoi àvec ce personnage honnêtement ?

à écrit le 23/11/2022 à 1:23
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Recul inexorable.

à écrit le 22/11/2022 à 14:28
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La France a la lumière de notre Président tout dans le discours les envolées lyriques mais en fin rien du vent. Le Président un homme qui aime les voyages et porter beau pour le bilan portet maigre

à écrit le 22/11/2022 à 9:53
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C'est mieux de dépenser des milliards pour l'immigration.

à écrit le 22/11/2022 à 6:56
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Le gouvernement n’a pas honte.Ils ne comprendront donc jamais rien.La notion de long terme a définitivement disparu.Encore une mauvaise nouvelle ,on va être a une tout les trois jours : sérieusement c’était encore une des dernières choses qui me rend...

le 22/11/2022 à 9:16
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Tant que la France dépensera plus que ses voisins en dépenses sociales et en salaires de fonctionnaires et élus, la notion de long terme sera objectivement condamnée.

le 22/11/2022 à 11:07
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vous savez quel est le premier poste de depense : les pensions de retraite. le second ? les soins medicaux. ET a eux 2 c est la moitié des depenses. le salaire des elus c est negligeable, meme si on y ajoute les emplois fictifs a la ciotti (elle n a ...

le 22/11/2022 à 12:52
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Sur les pensions de retraite il faut justement faire en sorte que les gens travaillent plus dans leur vie pour mieux les financer et stabiliser le poids en % sur le pib des retraites, mais il est impossible de les baisser en absolu. Sur les soins il ...

à écrit le 22/11/2022 à 6:37
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Perdre le leadership, c’est dommage, mais bon. Avoir des partenaires engagés dans l’aventure spatiale en Europe, c’est bien.

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