F-35 en Belgique : cinq "petits" mensonges entre "amis"

Alors qu'Emmanuel Macron est actuellement en Belgique pour une visite d'Etat de deux jours, Bruxelles a tout fait pour rédiger un appel d'offres favorisant discrètement le F-35.
Michel Cabirol
Boeing a estimé qu'en Belgique les règles du jeu n'étaient pas véritablement équitables et la compétition pas pleine et ouverte.
Boeing a estimé qu'en Belgique les règles du jeu n'étaient "pas véritablement équitables" et la compétition "pas pleine et ouverte". (Crédits : INTS KALNINS)

Selon une enquête approfondie de l'hebdomadaire flamand Knack publiée le 8 octobre, la Belgique a toujours souhaité acquérir le F-35 de Lockheed Martin. D'autant plus que les Belges ont promis en 2013 à l'OTAN d'acheter des avions furtifs. Tout l'enjeu pour Bruxelles et les militaires belges a consisté à justifier de façon irréfutable cet achat par une procédure officielle et inattaquable. Il ont donc lancé un appel d'offres international et y ont glissé des critères de façon subtile (missions Suppression of enemy defenses ou SEAD) pour favoriser Lockheed Martin. Ce qui a logiquement conduit Boeing, puis Dassault Aviation à renoncer à répondre à l'appel d'offres tel qu'il était rédigé. Boeing a même diffusé un communiqué où il évoquait des règles du jeu qui ne seraient "pas véritablement équitables" et une compétition "pas pleine et ouverte".

"Nous regrettons qu'après avoir examiné la demande, nous ne voyions pas l'opportunité de concourir avec des règles du jeu véritablement équitables avec le Super Hornet F/A-18", avait expliqué Boeing. "Lorsqu'il il y a une compétition pleine et ouverte, nous attendons avec impatience d'apporter la totalité et l'ampleur de Boeing à notre offre", avait précisé le vice-président de Boeing chargé des ventes mondiales dans le domaine de la stratégie, de la défense, de l'espace et de la sécurité, Gene Cunningham.

1/ La Belgique a promis à l'OTAN d'acheter des avions furtifs

Selon Knack, la Belgique a promis il y a cinq ans à l'OTAN d'acheter des avions furtifs. Par conséquent, le F-35 était bien le seul candidat à proposer un avion de combat disposant de telles capacités parmi tous ceux qui étaient en compétition. "En mai 2013, lors de pourparlers avec l'OTAN, notre ministère de la Défense a fixé les objectifs pour l'avenir de notre armée. Parmi ces objectifs, il y avait la promesse de fournir une flotte de 54 avions de chasse, dont au moins dix devaient avoir une capacité furtive", a révélé Knack, sur la base d'un document classifié de l'OTAN que l'hebdomadaire a pu consulter.

Cette orientation a été confirmée et réactualisée (45 appareils) en 2017. Knack a donc interrogé à plusieurs reprises le cabinet du ministre Steven Vandeput pour savoir qui a approuvé politiquement les objectifs en 2017. Réponse du cabinet : "ils sont imposés par l'OTAN". La Belgique a accepté ces conditions mais elle pouvait également les refuser. Le document de l'OTAN, qu'a pu consulter Knack, mentionne explicitement la furtivité comme l'une des exigences de l'Organisation. C'est la première pierre d'une coopération furtive avec Lockheed Martin. Au final les Belges ont évité d'évoquer systématiquement le terme furtivité dans l'appel d'offres. Un terme beaucoup trop fléché F-35...

2/ Bruxelles veut des avions furtifs mais ne l'écrit pas

Comment favoriser le F-35 sans le faire clairement apparaître dans l'appel d'offres? C'est tout l'enjeu de l'appel d'offres. Selon Knack, un indicateur précoce a été évoqué dans une conversation par courriel que l'hebdomadaire a obtenue, entre Steven Lauwereys et Frederik Vansina, deux figures importantes de la Force aérienne, au début de 2014. Au cours de la même année, les deux hommes ont accédé aux postes les plus élevés du ministère de la Défense : le major-général Vansina a succédé à Claude Van de Voorde au commandement de la Force aérienne en novembre ; le lieutenant-colonel Lauwereys a été nommé quelques mois plus tôt officier de projet du Programme de capacité de combat aérien (ACCaP), la cellule qui doit prospecter pour l'achat d'un nouvel avion de combat. C'est son équipe qui a rédigé l'appel d'offres (RfGP).

Les recherches de Knack montrent qu'une préférence pour le F-35 a été écrite à un stade précoce. Le 13 janvier 2014, le lieutenant-colonel Lauwereys et le major-général Vansina ont échangé des idées par courrier électronique sur une présentation PowerPoint qui sera adressé aux constructeurs intéressés par le renouvellement de la flotte d'avions de combat belges. Le lieutenant-colonel laisse entendre qu'il a effectué quelques changements : "J'ai essayé d'incorporer 'Anti-acces anti-denial' dans "Future operational environment" pour éviter un lien direct avec le caractère furtif". Un terme qui n'est effectivement pas anodin. Si la furtivité ne sera pas mentionnée dans les exigences des missions futures dans l'appel d'offres, elle y sera de façon implicite dans ''Anti-acces anti denial''. Soit clairement des missions SEAD, qui demandent cette fameuse capacité de furtivité. Pourtant la Belgique effectuait jusqu'ici des missions de maintien de la paix, de police du ciel, de sécurité et de stabilisation.

"La Belgique a accepté en 2013 de suivre les décisions de l'OTAN en décidant d'acheter des avions furtifs pour des missions de guerre comme des missions SEAD dans lesquelles la Belgique n'a quasiment pas d'expérience", a expliqué le journaliste Stavros Kelepouris, auteur de cette enquête.

3/ Police du ciel : le F-35 inefficace

En revanche, la mission de police du ciel, une des missions que l'armée de l'air belge accomplit depuis des années, par exemple au-dessus des États baltes, n'a pas figuré sur la liste des six scénarios retenus dans le cadre de l'appel d'offres. Ce n'est pas un hasard si cette mission a disparu : le F-35 en termes de maniabilité et de vitesse de pointe est inférieur à ce que font les autres candidats. Les scénarios ont été choisis  pour s'adapter aux points forts du F-35 mais surtout pas à ses points faibles.

4/ Une mission nucléaire furtive

L'offre belge n'incluait aucune mention au sujet d'une capacité nucléaire. Pourquoi alors que les politiques belges souhaitent conserver cette mission ? "Premièrement, cela aurait voulu dire qu'il existe officiellement des armes nucléaires sur le sol belge, a expliqué à la Tribune Stavros Kelepouris. Officiellement ce n'est pas le cas, même si beaucoup de monde pense le contraire. Ce point n'a jamais été admis officiellement. Par conséquent, dans le processus de sélection, rien n'a jamais été officiellement évoqué sur les capacités nucléaires du futur avion de combat belge".

5/ Suspense sur le vrai prix

Le coût de l'investissement pour 34 F-35A du block 4 s'élève finalement à 3,8 milliards d'euros (en euros courants). Les paiements seront effectués sur une période de plus de 12 ans. Pour compenser l'évolution des taux de change, une provision supplémentaire de 5% est prévue. Cela porte le coût d'investissement à 4,011 milliards (en euros courants). C'est plus d'un demi-milliard de moins que prévu dans la vision stratégique pour la Défense, se vante l'ancien ministre de la Défense, Steven Vandeput. Pourtant, en janvier, le département d'État américain, qui a décidé d'approuver la vente de 34 F-35 à la Belgique, avait estimé le coût de l'opération à 6,53 milliards de dollars.

Michel Cabirol

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Commentaires 41
à écrit le 06/06/2021 à 15:46
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En tant que ex/pilote de Chasse et pilote d'essais pour la Force Aérienne belge je ne peux qu'approuver en ce qui concerne le F-35. Autant, j'ai défendu le F-16 par conviction professionnelle et aux dépens de ma carrière militaire (Il répondait à la ...

à écrit le 23/11/2018 à 15:05
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A propos de l’achat par la Belgique de 34 F35 (F comme f... en anglais ?), les dés étaient pipés dès le début. On se demande bien pourquoi nos amis les belges (flamands et non wallons qui eux voulaient le Rafale) ont lancé un appel d’offres. Une dépe...

à écrit le 23/11/2018 à 10:58
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Très bonne analyse, beaucoup plus structurée et mesurée que l'enquête de Stavros Kelepouris. Un bémol sur la furtivité: il ne suffit pas de dire "capacités furtives" mais de préciser le niveau spécifié car le Rafale a aussi certaines capacités furtiv...

à écrit le 22/11/2018 à 16:06
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Il ne faut pas oublier que le gouvernement de M. MACRON a aussi répondu à côté de l'appel d'offres en proposant une coopération industrielle, en faisant des fautes d'orthographe sur le nom du ministre de la défense belge..Et en envoyant son offre en ...

le 05/02/2021 à 12:19
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l'enjeu était de faire une offre qui mete le F35 en porte á faux sans répondre à l'appell d'offre qui aurait fléché le rafale comme: A échoué à l'appel d'offre Belge. Boeing a fait de même en se retirant. Quand au francais c'était une attaque contr...

à écrit le 21/11/2018 à 10:12
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La pilule a du mal à passé on dirait @MCABIROL

à écrit le 20/11/2018 à 18:24
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La seule bonne réponse est de tourner la page et de construire un avion bien supérieur au F35, est-ce que nous avons les ingénieurs?

à écrit le 20/11/2018 à 15:55
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Mr CABIROL vos commentaires sont toujours en faveur du RAFALE les autres avions européens sont ou trop chers ou pas fiables je comprend votre patriotisme mais il faut admettre la supériorité du F35

le 20/11/2018 à 18:41
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Ah, vous avez testé ?

le 20/11/2018 à 22:50
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Encore une blague belge, l'article ne cite pas une seule fois le Rafale.

le 20/11/2018 à 23:17
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"il faut admettre la supériorité du F35" Et surtout admettre avant que le F35 n'a toujours pas fait ses preuves au combat.

le 21/11/2018 à 10:13
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Oui c'est ce que je viens d’écrire plus haut. Être chauvin nuit à l'objectivité.

le 21/11/2018 à 22:57
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La supériorité en quoi ? Prix , fiabilité , performance ?.

le 17/12/2018 à 17:51
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Vous prêchez dans le désert. Le rafale est devenu une croisade en France, en plus cette cause se marrie très bien avec l’antiaméricanisme primaire français. Le F-35 est largement supérieur à toute sa concurrence : furtivité, système de système, casq...

à écrit le 20/11/2018 à 15:39
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combien de fois faudra-t-il répéter que l'UE n'est qu'une zone de libre échange à monnaie unique faite pour les multinationales qui peuvent librement délocaliser usines et bénéfices vers l'est et "détacher " leurs salariés de l'est vers l'ouest. L'UE...

à écrit le 20/11/2018 à 15:36
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les belges ont achetés le F35 qui est le meilleurs avion sur marché . comme d autres pays européens l ont déjà fait. en cas de conflit la Belgique peut comter sur la puissante armée Américaine comme en 1940 et 1916.l l histoire de faire une...

le 20/11/2018 à 18:45
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Une opération d'envergure ne peut être menée qu'en coalition dirigée par les US, sous couvert de l'OTAN. Quand ça deviendra sérieux, les Américains feront comme ils font d'habitude : ils virent les inutiles du JFACC et les remplacent par leurs ho...

le 20/11/2018 à 23:03
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Des soldats américains en Europe en 1916 ou en 1940 ils ne devaient pas y en avoir beaucoup, puisqu'ils sont entrés en guerre en avril 1917 et en décembre 1941. Et à chaque fois, ils ne sont pas vraiment rentrés en guerre pour sauver la démocratie be...

à écrit le 20/11/2018 à 13:56
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S'il on résume, le Pdt Français appelle à la constitution d'une "armée européenne" et se rend en Belgique, pays -membre de l'Union Européenne et siège de la Commission Européenne- qui achète des avions américain, au lieu d'avions français. Le prétext...

à écrit le 20/11/2018 à 13:50
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On en revient toujours au même, qui parierait 2 euros sur le mac ? Ya pas photo hein...

à écrit le 20/11/2018 à 13:08
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Messieurs les Français, si vous aviez un minimum de connaissance du dossier, vous éviteriez de vous répandre en imprécations devant une décision qui relève du simple bon sens. Que ça vous plaise ou non, ni le Rafale ni l'Eurofighter ne présentent le ...

le 20/11/2018 à 14:00
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"Messieurs les Français" . Les propos de Michel CABIROL n'engage que lui-même. En aucun cas, il est porte-parole "des Français". Malheureusement, ce genre de raccourci discrédite votre propos dès la première phrase...

le 20/11/2018 à 14:44
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@Philippe Duculot. Je ne suis pas expert. Mais il y a à redire à propose de votre commentaire. 1) "Ni le Rafale ni l'Eurofighter ne présentent le moindre avantage technologique par rapport...aux F16." Dans ce cas pourquoi truquer l’appel d'offres s...

le 20/11/2018 à 18:50
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Dés le début, comme cité dans l'article , les dés étaient pipés, otan et généraux, donc , quand l'énoncé est faux, la réponse ne peut pas être juste!

le 20/11/2018 à 19:17
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pouvez-vous alors nous commenter, le rapport de Boeing sur la transparence du marché de l'avion de combat, clairement ce rapport dit que le marché était pipé, ce rapport est américain , d'autre part comparer le F-16 au Rafale je doute fortement de vo...

à écrit le 20/11/2018 à 12:23
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Les Belges vont devoir réduire de 30% leur police du ciel suite à l'achat du F35 en raison de son prix et maintenance trop élevé ... Information d'Opex360. Bon courage nos amis belges.

le 10/07/2020 à 16:05
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Non, le F35 est tellement furtif que personne ne le verra c'est tout. Mais on vous dira qu'ils sont lá pour que les mauvais garcons se comportent bien. Sinon rassurez vous le musée de l'armée a Bruxelle a une remarquable collection d'avions ui pou...

à écrit le 20/11/2018 à 11:34
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Ils s'étaient engagés sur un avion furtif,ils achètent des avions furtifs...

à écrit le 20/11/2018 à 11:01
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Comme dit par Louis, la grande surprise viendra du coût d'exploitation du F-35. Déjà, les belges, et les autres acheteurs de F-35 sous-estiment les budgets malgré les chiffres actuels. Mais quand ils verront les prix des pièces détachées, ils rigoler...

à écrit le 20/11/2018 à 10:58
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Pour les indécis ou ceux qui font l'autruche, les preuves, comme celle-ci, ne manquent pas de la tutelle US par OTAN interposé sur l'Europe. Macron, en bon atlantiste aux ordres n'en est nullement gêné...

le 20/11/2018 à 11:47
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Didier, pourquoi écrivez vous "Macron, en bon atlantiste aux ordres n'en est nullement gêné..."??? Alors qu'on vient tout juste de voir que Macron avait demandé la création d'une armée européenne faisant justement de l'ombre à l'OTAN et aux USA! A vo...

le 20/11/2018 à 15:00
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@Nicolas - Justement Trump n'étant pas un bon atlantiste, comme le prouvent les attaques quotidiennes des médias atlantistes des deux côtés de l'Atlantique, il est normal que le bon atlantiste Macron s'oppose à lui.

le 20/11/2018 à 17:36
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Nicolas; en fait, il s'agit d'une "manip" de Macron pour pousser les pays européens à investir plus nettement dans le militaire, sachant que si l'Allemagne le fait, beaucoup d'autres suivront. Ce manque d'investissements est ce que l'OTAN (et Trump…...

à écrit le 20/11/2018 à 10:52
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Je boirai du petit lait quand on verra les coûts de maintenance exploser pour l'armée de l'air belge...quand ce ne sera pas tout simplement l'indisponibilité pour problème technique.

à écrit le 20/11/2018 à 10:14
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Ce que l'on demande à ces avions (qu'il soit américain ou européen ) c'est la capacité de pouvoir être équipé d'une avionique leur permettant d'échanger en vol des données opérationnelles entre eux, et surtout ! de pouvoir utiliser les mêmes systèmes...

le 20/11/2018 à 19:24
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Pour l'Italie on demande à voir, commande de la marine à ce jour .....deux F-35........

à écrit le 20/11/2018 à 9:17
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Ils sont drôles les belges.ils vont avoir des avions qui ne feront pas ce dont ils ont besoin....

le 20/11/2018 à 10:53
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Les Américains leur ont mis la pression. Soit vous prenez nos avions soit le siège de l'OTAN basé à Bruxelles dégage ailleurs...

à écrit le 20/11/2018 à 9:16
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Il s'agit d'un décision souveraine ! Sauf que contrairement aux autres pays qui ont acheté le F35 auquel les américains leur avaient promis un avion perfectionné, complet et surtout bon marché avec de généreux partage industriel et on connaît la suit...

le 10/07/2020 à 16:08
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Pendant ce temps là ceux qui ont préparé l'appel d'offre bénéficierons certainement d'une remarquable carriére très rémunératrice a la hauteur de leur talent de premier de cordée.

à écrit le 20/11/2018 à 9:09
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L’AO était complètement pipé ce que Dassault, Boeing et SAAB avaient parfaitement compris étant comptables de leurs dépenses. Seul la nébuleuse Airbus et bien sur l’Etat Français non comptables de leurs sous ( surtout le second) ont continué Résult...

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