Vente de Photonis : l'Etat français met son veto à l'américain Teledyne

L'Etat français a averti le groupe américain Teledyne - l'acheteur - et le fonds d'investissement français Ardian - le vendeur - qu'il mettait son veto sur cette opération de rachat.
Michel Cabirol
Alignés sur cet arbitrage, les ministères de l'Economie et des Armées se sont accordés à dire qu'il fallait que Photonis reste souveraine
Alignés sur cet arbitrage, les ministères de l'Economie et des Armées se sont accordés à dire qu'il fallait que Photonis "reste souveraine" (Crédits : Photonis)

C'est non. Le groupe américain Teledyne ne pourra pas racheter la PME technologique Photonis au fonds d'investissement français Ardian. Alignés sur cet arbitrage, les ministères de l'Economie et des Armées se sont accordés à dire qu'il fallait que "cette entreprise reste souveraine", selon une source proche du dossier. Florence Parly a beaucoup poussé pour mettre ce coup de frein sur cet investissement étranger. Et dans ce cadre-là, l'Etat "ne peut envisager une option de vente à une société américaine, explique une source à l'Hôtel de Brienne. On estime que c'est trop souverain pour être cédé à un groupe américain". C'est clair et net et "il n'y a pas eu de débat", fait-on valoir à l'Hôtel de Brienne. Le groupe américain d'ingénierie et d'électronique Teledyne était en négociations exclusives depuis début février, comme l'avait révélé l'AFP mi-février.

Logiquement, l'Etat "a signifié de manière explicite" sa décision au vendeur et à l'acheteur, précise-t-on à la Tribune. Une grande première pour l'Etat français, qui d'habitude préfère décourager en amont les investisseurs dont il ne veut pas sur des entreprises stratégiques. L'Etat tente à chaque fois dans ce type de dossier de trouver un équilibre entre deux principes opposés : attractivité de la France et souveraineté. Sur Photonis, la balance a cette fois-ci penché carrément vers la protection de la base industrielle et technologique de défense française. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a souhaité dans une interview accordée mercredi à BFM Business "garantir que les lunettes de vision nocturne, qui sont une technologie sensible et qui équipent l'armée française restent françaises".

Safran, Thales et Bpifrance "travaillés au corps"

Et maintenant ? Soit Ardian met son projet de vente de Photonis au frigo - ce qui serait "la solution optimale" pour le gouvernement -, soit l'Etat français trouve une alternative à Teledyne, de préférence française. "On recherche une solution française évidemment", explique-t-on dans l'entourage de la ministre des Armées. Et les regards se tournent donc vers Safran et Thales, qui avaient déjà été sollicités comme l'avait révélée La Tribune. Ces deux fleurons de l'aéronautique française avait décliné l'offre. "On va les travailler au corps et il ne faut pas préjuger de ce travail au corps", souligne-t-on. Selon nos informations, Safran et Thales sont prêts à prendre des participations minoritaires.

Bruno Le Maire a donc demandé à Thales d'étudier un rachat de Photonis : "Nous avons une part du capital dans Thales. Je pense qu'il faut engager la discussion pour voir si une reprise est possible", a-t-il expliqué mercredi matin sur BFM Business.

Et Bpifrance ? La banque publique, qui jusqu'ici a fait la sourde oreille sur ce dossier, va être également sollicitée. "On regarde dans quelle mesure Bpifrance peut prendre un ticket mais, de toute façon, la banque ne bouclera pas le tour de table à elle tout seule", explique-t-on à La Tribune. Mais pas sûr que les trois acteurs sollicités plongent les yeux fermés sur Photonis, dont la valorisation atteint un sommet de près de 500 millions d'euros (soit 10 fois l'Ebitda). "Parfois les intérêts court terme et financiers ne sont pas exactement les intérêts long terme de l'Etat", rappelle-t-on.

Pourquoi l'Etat a mis son veto

Sur ce dossier, le gouvernement a fait "une analyse appuyée et approfondie de ce que représente Photonis pour l'Etat français". Cette entreprise, dont le siège social se trouve à Mérignac, est un des leaders mondiaux de la conception et de la fabrication de tubes intensificateurs de lumière dans les secteurs de l'aéronautique, de la recherche et de la défense ainsi que pour des applications à débouché commercial. Elle dispose d'une nouvelle technologie dans le numérique qui va permettre de communiquer non plus à travers le cuivre mais par la lumière. D'une façon générale, Elle a notamment vendu ses équipements militaires et de sécurité aux forces spéciales de tous les pays de l'OTAN.

En outre, Photonis, qui travaille sur la détection neutronique, envoie ses équipements  pour le laser Megajoule et la direction des applications militaires du CEA. Cette PME fabrique des petits instruments qui permettent de compter les neutrons, de mesurer les flux neutroniques ce qui permet de contrôler la façon dont les réactions nucléaires peuvent se dérouler. "On comprend facilement pourquoi c'est un acteur important", fait-on observer au ministère des Armées.

Michel Cabirol

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Commentaires 35
à écrit le 08/03/2020 à 1:35
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Le veto français pour la vente d'une entreprise quelqu'elle soit, devrait obligatoirement déboucher par l'achat de celle-ci par le gouvernemet, ou par une vente à un groupe 100 % français, pour ne pas frustrer les investisseurs du fond vendeur.

à écrit le 07/03/2020 à 10:08
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Enfin , on dit stop à Trump qui ne nous fait pas de cadeaux , qui a demandé à MBS de snober la France , qui se désengage se Syrie , qui donne raison au sultan contre nous , qui permet à la Russie d'avancer ses pions , qui se met le monde à dos

le 08/03/2020 à 7:33
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Bien que province américaine, la France tente effectivement de résister à ses maîtres. Néanmoins la politique de Trump est moins dangereuse pour la paix mondiale que celle de ses predesseurs, de bush à Obama (destruction et déstabilisation du proche ...

à écrit le 06/03/2020 à 17:54
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Où est donc le fonds souverain français dont on parle depuis des lustres ? Et la ''réserve'' destinée à payer les retraites ? Quel gâchis !

à écrit le 06/03/2020 à 9:58
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et une fois de plus la Commission Européenne va s'opposer au " véto " Français au nom de l'Article 63 du TFUE (ex-article 56 TCE) : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les...

à écrit le 05/03/2020 à 21:11
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Bravo au Gvt. Honte a Ardian

à écrit le 05/03/2020 à 21:06
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On ne se fait trop d'illusion sur la souveraineté française de décision, c'est simplement que les intermédiaires veulent faire monter les enchères!

à écrit le 05/03/2020 à 18:37
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Bonne décision, surtout après la conduite du gouvernement américain sur ses propres technologies dont il interdit l'utilisation en fonction de son agenda international, la France doit rester maitre de ses technologies..

à écrit le 05/03/2020 à 17:57
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Les fonds américains ne intéressent qu'aux brevets d'une entreprise européenne,à fortiori une pépite qui est innovatrice dans le secteur de la défense /Otan. .

à écrit le 05/03/2020 à 17:08
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Cocorrico.

à écrit le 05/03/2020 à 14:43
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Parfaitement d' accord. Pas de vente pour l' étranger des sociétés sensibles point de vue défense et sécurité 'ational.

à écrit le 05/03/2020 à 14:18
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On ne se fait trop d'illusion sur la souveraineté française de décision, c'est simplement que les intermédiaires veulent faire monter les enchères!

à écrit le 05/03/2020 à 13:16
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tres bien parfait

à écrit le 05/03/2020 à 11:19
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Sage décision pour notre indépendance militaire, la technologie est prometteuse et les américains ne feraient pas autre chose. On aimerai à savoir pourquoi Thalès et Safran, et autres ne sont pas intéressés par ce dossier...

à écrit le 05/03/2020 à 11:08
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Sage décision pour notre indépendance militaire, la technologie est prometteuse et les américains ne feraient pas autre chose. On aimerai à savoir pourquoi Thalès et Safran, et autres ne sont pas intéressés par ce dossier...

à écrit le 05/03/2020 à 11:03
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On ne se fait trop d'illusion sur la souveraineté française de décision, c'est simplement que les intermédiaires veulent faire monter les enchères!

à écrit le 05/03/2020 à 10:53
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comme par hasard juste avant les municipales (tout à fait contraire aux habitudes d'un Etat obèse surtout préoccupé de sa survie).

à écrit le 05/03/2020 à 9:10
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Le très (?) intelligent Bruno le Maire, incapable de créer le moindre fonds de pension à la française, n’a qu’à re-investir -directement ou indirectement- une partie du milliard d’euros des « pépites françaises » qu’il est très fier d’avoir vendues r...

le 05/03/2020 à 14:23
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Ou encore de ces centaines de millions sortis de nul part pour son majestueux Airbus des Batteries,on devrait le renommé M.Airbus,il en voit partout.

le 05/03/2020 à 19:39
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On nous dit que les Français sont mauvais en économie. Ce commentaire tend à nous le confirmer. Le gouvernement n'a pas reçu de milliard des Emiratis. et pas plus qu'il n'a vendu aux Emiratis des biens qu'il ne possède par ailleurs pas. Il a seulemen...

à écrit le 05/03/2020 à 6:28
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Enfin, mais combien de fesses a-t-il fallu botter?

à écrit le 05/03/2020 à 5:13
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Bien que trop petite pour intervenir seule, la société Lumibird, spécialisée dans les lasers, pourrait apporter quelque chose à l'opération.

à écrit le 04/03/2020 à 23:45
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Ce qui est incompréhensible ds cette affaire, c'est qu'une E aussi strategique soit détenue par un vulgaire fond classique d'investissement qui plus est français. Que l'E détienne des savoirs faire " secret défense" ou ultra sensibles ds le domaine ...

à écrit le 04/03/2020 à 21:58
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Impossible sans l' aval de l' UE, l' auteur sait-il si la France a l' aval de l' UE sur ce dossier spécifique ?

le 04/03/2020 à 23:37
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activité stratégique/militaire donc hors du périmetre de l'Europe.

le 05/03/2020 à 10:49
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@r2d2 Je n' en suis pas si sûr, avez-vous quelque chose, une source ou un lien qui en atteste ? Il me semble que la France doit obtenir un format d ' exception de l' UE pour conserver.

le 05/03/2020 à 10:50
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ou plus précisément : domaine reconnu par l’Europe comme pouvant faire l’objet de ce genre de decision ; -)

le 05/03/2020 à 14:27
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Tout ce qui concerne ce genre de domaine,l'Ue n'a pas de pouvoir. D'ailleurs encore heureux,je vous laisse imaginer si l'Ue tenter d'empêcher l'État d'agir et de "protéger" une entreprise "stratégique". Dans une période ou notre dirigeant vante l'E...

le 05/03/2020 à 19:49
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@Observateur C 'est aussi pour cela que je demande un lien, une source car en l' état la France ne peux pas s' opposer, libre circulation des hommes et des capitaux dans l' UE si l' UE n' a pas validé. D' autres sites produisent d...

le 05/03/2020 à 22:43
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@LELONG, puisque vous avez l'air d'y tenir à votre "lien", allez donc le chercher vous même, et partagez le nous .

à écrit le 04/03/2020 à 21:27
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C'est une bonne décision qui se comprend facilement

à écrit le 04/03/2020 à 20:44
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Merci, j'aurai jamais pensé dire cela au gouvernement, mais merci pour cela.

à écrit le 04/03/2020 à 20:44
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Enfin une réaction positive du gouvernement, la suite, des fonds de pension français pour sécuriser le capital des sociétés tricolores.

le 04/03/2020 à 23:46
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Hélas je crains qu'il n'y ait jamais de fonds de pension. Nous sommes dans un pays de schizophrènes où tout un chacun dit que les riches s'enivrent de dividendes à la bourse et les critiquent mais où personne ne veut y investir ses économies. Ils n'o...

le 05/03/2020 à 11:01
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https://www.caissedesdepots.fr/ https://www.bpifrance.fr/ https://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat/Les-participations-publiques

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