
L'heure est au bilan. Sur le marché européen, la vente de véhicules neufs a reculé de 4,6% pour revenir à son plus bas niveau depuis 1993. En détail, les constructeurs historiques européens ont tous des ventes en baisse avec -14% pour Stellantis ou encore -5,2% pour Volkswagen. Seuls Hyundai-Kia et Toyota ont des chiffres en hausse, de respectivement 2,6% et 7,7%. Un succès pour ces deux marques asiatiques, qui ont su conquérir un marché historiquement dominé par les grands groupes européens grâce à différentes stratégies.
Une percée par les prix, une confirmation par l'image
Première clé du succès : une adaptation à divers marchés internationaux. Là où constructeurs européens et américains ont plutôt développé des modèles adaptés à leurs marchés dans un premier temps en se reposant sur leurs acquis, les constructeurs asiatiques, quant à eux, ont choisi de se tourner vers l'international dès le commencement.
« Ce sont des marchés très compétitifs avec beaucoup d'offres et des groupes très armés au changement », affirme Guillaume Crunelle, associé responsable du secteur Automobile chez Deloitte.
Résultat : ces groupes ont réussi à mixer la sécurité européenne en ajoutant une proposition de prix plus abordable que les marques initiales. Elles se sont frayées un chemin parmi les constructeurs historiques, grâce à des prix ultra compétitifs pour les performances affichées.
Ces prix ont ensuite été rejoints par une image de marque fiable et très durable. Kia a par exemple longtemps joué sur sa garantie auto de 7 ans pour attirer de nouveaux clients. Désormais, les véhicules des constructeurs asiatiques historiques affichent une technologie de pointe, une marque fiable ainsi qu'un prix abordable. Un « alignement des planètes » constate Guillaume Crunelle, qui explique la bonne santé de ces constructeurs sur le marché.
En avance sur les technologies
C'est d'ailleurs par la technologie avancée avec notamment l'hydride chez Toyota que ces modèles ont su séduire de nouveaux clients. La marque a été l'un des premiers constructeurs à miser sur cette innovation, toujours au cœur de leur stratégie pour les prochaines années, là où d'autres constructeurs comme Volkswagen préfèrent miser sur le tout électrique. C'est d'ailleurs cette technologie qui lui permet, là encore, de proposer des prix plus intéressants.
« Les véhicules électriques sont trop chers pour les clients. Il faut accepter une phase de transition. Les recharges ne sont pas encore en nombre suffisant et la quantité d'énergie non plus, il faut proposer une solution », souligne Franck Marotte, président-directeur général de Toyota France.
La marque mise également sur l'hydrogène, autre technologie pourtant écartée par de nombreux constructeurs. « On dépense 9 milliards d'euros par an en recherche et développement sur cette innovation. » L'hydrogène sera surtout utile pour les gros véhicules comme les poids lourds ou les véhicules utilitaires, qui auront plus de mal à intégrer une batterie électrique, beaucoup trop lourde pour eux. Toyota espère ainsi être le pionnier sur cette technologie dans le segment des véhicules moyenne gamme, en partenariat avec BMW qui complète le constructeur japonais sur la partie premium.
Des anticipations de pénuries
Enfin, l'une des dernières clés de ces constructeurs, en particulier pour cette année compliquée, a été l'anticipation. Hyundai-Kia avait, de son côté, effectué des stocks avant les problèmes de pénuries et de logistique liés à la guerre en Ukraine ainsi qu'au Covid en Chine, permettant ainsi au groupe de limiter les soucis d'approvisionnements en Europe. Le constructeur sud-coréen a notamment bien affronté la pénurie de composants électriques grâce à un partenariat solide avec Samsung, une autre entreprise sud-coréenne.
Même son de cloche chez Toyota. Son directeur France explique :
« Nous avons de bonnes relations avec nos fournisseurs ainsi qu'une grande capacité à planifier nos productions et nous avons réussi à maintenir notre logistique ce qui a permis de limiter les problèmes d'approvisionnement. »
Ces anticipations sont liées à la capacité des constructeurs asiatiques à se retourner rapidement en cas d'incident, là où les groupes européens ont une faculté de résilience plus faible.
Le marché chinois veut aussi séduire l'Europe
Mais si les constructeurs historiques asiatiques présents sur le marché européen ont la cote, les géants chinois de l'automobile comme Geely, propriétaire de Volvo et actionnaire principal de Mercedes, comptent bien séduire ce marché attractif dans les prochaines années. Les constructeurs chinois visent en particulier le marché des citadines électriques pour cibler une clientèle jeune et connectée.
Ils ont le double avantage d'être très en avance sur le marché électrique grâce à de fortes subventions du gouvernement chinois, qui a poussé le développement de cette technologie, combiné à des prix très attractifs. Ils pourraient notamment reprendre les segments des voitures d'entrée de gamme, délaissé par les constructeurs européens qui optent plutôt pour une montée en gamme de tous leurs véhicules avec des prix qui augmentent également.
« Dans notre dernière étude, 90% de la population déclarait ne pas pouvoir acheter un véhicule à plus de 50.000 euros. Le gros enjeu est de pouvoir proposer des véhicules achetables par le plus grand nombre », prévient Guillaume Crunelle.
Et à ce jeu, les Chinois pourraient bien bousculer le marché dans les années à venir.
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