Voie réservée sur le périph' : cinq ans de bras de fer entre Paris et sa banlieue

Malgré une consultation défavorable au projet, la mairie de Paris, Anne Hidalgo et son premier adjoint Emmanuel Grégoire, entend bien réserver une voie du périphérique aux bus, aux taxis et au covoiturage au-delà des Jeux olympiques et paralympiques. Les élus locaux franciliens, Valérie Pécresse en tête, montent au front. Décryptage.
César Armand
Anne Hidalgo a maintenu l'objectif de végétaliser 10 hectares et d'y planter 70.000 arbres, considérant que la ceinture de 35 kilomètres inaugurée en 1973 était une « ceinture grise ».
Anne Hidalgo a maintenu l'objectif de végétaliser 10 hectares et d'y planter 70.000 arbres, considérant que la ceinture de 35 kilomètres inaugurée en 1973 était une « ceinture grise ». (Crédits : Reuters)

C'est un feuilleton qui semble sans fin. Depuis cinq ans, la ville de Paris et le conseil régional d'Île-de-France se disputent sur l'avenir du périphérique. Dernier épisode en date : une consultation qui fait état d'un rejet d'une modification de l'infrastructure. D'un côté, le premier adjoint (PS) d'Anne Hidalgo, Emmanuel Grégoire, persiste et signe. De l'autre, 1.800 édiles, élus locaux, maires et parlementaires, témoignent, dans Le JDD, d'une « inquiétude très vive ».

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Une annonce confirmée en 2022

Tout avait pourtant bien commencé en mai 2018. A l'époque, la capitale, la région se mettaient autour de la table avec l'Etat, la métropole du Grand Paris et des départements franciliens pour lancer une consultation internationale sur le devenir des autoroutes, du boulevard périphérique et des voies rapides.

A l'origine, Anne Hidalgo et Valérie Pécresse étaient, toutes les deux, d'accord pour réserver sur le périphérique une « voie olympique » aux athlètes, aux institutionnels et aux services de secours le temps des JO de Paris 2024. Sauf que pendant la campagne des élections municipales 2020, la capitale avait pris de court la région en promettant la transformation durable de l'infrastructure en un boulevard urbain et végétal.

L'annonce de sa transformation a été confirmée en mai 2022 par le maire-adjoint (EELV) de Paris chargé de la transformation de l'espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie. Après 2024, la « voie olympique » sera ensuite réservée aux bus, aux taxis et au covoiturage, a déclaré David Belliard, sur la base de dix « Ateliers du périphérique » politiques, territoriaux et techniques conduits à l'échelle de la métropole du Grand Paris.

Un impératif de santé publique

Anne Hidalgo a, elle, maintenu l'objectif de végétaliser 10 hectares et d'y planter 70.000 arbres, considérant que la ceinture de 35 kilomètres inaugurée en 1973 était une « ceinture grise que nous voudrions voir transformée en ceinture verte » à l'horizon 2030, soit quatre ans après la fin de son deuxième mandat. A elles deux, ces mesures permettraient de retirer 80.000 voitures de la circulation. Un chiffre « mis en doute » il y a un an par un proche de Valérie Pécresse qui ne sait pas « d'où ça sort ».

La Ville le justifie alors au nom de la lutte contre la pollution atmosphérique. Plus de 500.000 personnes vivent autour du périphérique, en intra-muros ou dans les communes voisines, et sont exposés à des émissions d'oxyde d'azote et de particules fines. Les seuils de pollution sont en outre six fois supérieurs à ceux recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Sans parler de la pollution sonore. 90% des sites aux alentours dépassent les limites fixées par l'Union européenne.

Le périph' est en effet certes propriété de la ville de Paris, mais il est utilisé quotidiennement par près d'un million de Franciliens. 40% des trajets vont de banlieue à banlieue, et seuls 20% des usagers sont Parisiens, a l'habitude de répéter le conseil régional. En novembre 2021, en pleine campagne présidentielle opposant notamment Anne Hidalgo et Valérie Pécresse, cette dernière a lancé une consultation invitant les Franciliens à se prononcer « pour » ou « contre » le retrait d'une voie ouverte à tous.

Deux consultations conduites par Hidalgo et Pécresse

Sans surprise, 78.746 personnes - sur 12.213.447 Franciliens recensés par l'Insee - avaient rejeté à 90,2% la suppression d'une voie de circulation. Forte de ce résultat, la présidente de la région espère que la boucle parisienne devienne une infrastructure régionale. Sauf que sur ce point, la préfecture de Paris, préfecture d'Île-de-France n'a pas, toujours pas, donné suite à sa demande.

Dans l'intervalle, la ville de Paris a donc organisé sa propre consultation en ligne du 17 avril au 28 mai dernier auprès des Parisiens et des Franciliens. Sans surprise, 85,8% des 6.000 contributions se déclarent « défavorables » à ce projet de mutation. Aussitôt ces résultats connus, le président du groupe majoritaire au conseil régional, Vincent Jeanbrun, a publié, dans Le JDD avec 1.800 responsables politiques franciliens, une tribune mettant en garde sur le risque d'« accentuer la congestion du trafic et d'avoir un effet dramatique sur la qualité de l'air et la pollution dans toute l'Île-de-France ».

La fermeture des voies sur berges a « conduit à une hausse de la congestion de 15% des voies ouest-est du périphérique sud », a rappelé le maire (LR) de L'Hay-les-Roses, citant une étude de l'Institut des politiques publiques (créé par Paris School of Economics, Ndlr). Aussi ce proche de Valérie Pécresse et les autres demandent-ils une étude d'impact « préalable » et « un vaste débat avec toutes les parties prenantes ».

Des arbitrages à venir dans la capitale, une motion de la région

Il n'empêche : le bras droit d'Anne Hidalgo s'est, déjà, dit prêt à « agir ». Dans Le Parisien, le premier adjoint Emmanuel Grégoire, notamment chargé de l'urbanisme et du Grand Paris, promet, certes, « de prendre du temps » pour analyser les réserves formulées et répondre aux inquiétudes, mais « nous garderons l'infrastructure utilisée par les JO », annonce-t-il aussitôt.

« Nous la bouclerons entre la porte d'Auteuil et Bercy », ajoute Emmanuel Grégoire.

Ce dernier doit encore toutefois rendre des arbitrages « sur les horaires, les jours et les ayant droit ». Réuni en séance plénière le 31 mai, le conseil régional doit, lui, présenter une « motion relative » à ce projet de voie réservée. Et ce, sans plus de précisions...

César Armand

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Commentaires 5
à écrit le 31/05/2023 à 7:33
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L'expérimentation durera dix jours. La voie sera toujours vide. Le covoiturage, c'est quasi impossible, car très difficile de trouver les bonnes personnes partant tous les jours à la même heure et rentrant tous les jours à la même heure ou, à l'inver...

à écrit le 30/05/2023 à 16:40
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Apartheid à l'envers. Paris devient réservé aux riches socialo écolo. Les autres dehors ! vous n'avez même pas le droit d'aller bosser dans de bonnes conditions. Les Socialo pastèques veulent vous rendre la vie impossible et cauchemardesque. Les rest...

à écrit le 30/05/2023 à 13:53
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Habitant en banlieue impossibilité de venir le week end à Paris. Les travaux SNCF sont concentrés le week end (avant, c'était seulement la nuit). Et on veut réduire encore la liberté de circuler! La prochaine fois que je parviendrai à atteindre Paris...

à écrit le 30/05/2023 à 13:48
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bonne initiative. les parisiens ont voulu les JO, qu ils les subissent ad vitam eternam

le 30/05/2023 à 14:48
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Avez vous lu l'article ? les principaux utilisateurs sont de banlieue. Vue de loin ça ressemble à la même chose probablement pour vous, mais localement, on connaît la différence. Et le rapport aux JO n'est que lointain, AH avait ce projet comme les v...

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