Pour Lufthansa, mettre du carburant synthétique dans toute la flotte absorberait la moitié de l’électricité allemande

Le PDG de Lufthansa affirme que, pour faire voler l'ensemble de sa flotte grâce à un carburant de synthèse, sa compagnie aérienne devrait consommer la moitié de la production électrique de l'Allemagne. Il prône donc de produire cette énergie en dehors du pays, « là où l'énergie éolienne ou solaire est disponible en quantités pratiquement illimitées », sans donner d'exemple. Reste que, si les carburants de synthèse sont voués à se démocratiser dans les années à venir, pour beaucoup, il ne s'agit que d'une technologie de transition, en attendant l'arrivée de l'avion à hydrogène. Un avis qui ne fait pas l'unanimité.
Reste que les carburants synthétiques devraient rester une technologie de transition. Les industriels du secteur planchent en effet déjà sur le stade suivant de décarbonation, à savoir less avions volant à l'hydrogène.
Reste que les carburants synthétiques devraient rester une technologie de transition. Les industriels du secteur planchent en effet déjà sur le stade suivant de décarbonation, à savoir less avions volant à l'hydrogène. (Crédits : MICHAEL DALDER)

Le secteur aérien est souvent pointé du doigt pour ses émissions de gaz à effet de serre, qui représentent 2 à 3% des émissions mondiales chaque année. Parmi les pistes pour le décarboner, celle des carburants de synthèse. Appelés aussi e-fuels, ils combinent de l'hydrogène - produit à partir de sources décarbonées, comme les énergies renouvelables - et du CO2 capté dans l'air ou dans les fumées industrielles. Un processus qui nécessite une grande quantité d'électricité verte.

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Selon le patron de la compagnie Lufthansa, Carsten Spohr, sa flotte « aurait besoin d'environ la moitié de l'électricité allemande pour (la) convertir en carburant » synthétique, a-t-il estimé lors d'une conférence nationale sur l'aviation à Hambourg, ce lundi 25 septembre. Mais cette quantité d'énergie, tant le ministre fédéral de l'Économie Robert Habeck (Verts) que l'agence fédérale des réseaux « ne me la donneront pas », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, l'Allemagne ne dispose pas actuellement d'une grande quantité d'électricité verte. Il apparaît donc « réaliste » aux yeux du PDG de produire ce combustible synthétique « à l'étranger, là où l'énergie éolienne ou solaire est disponible en quantités pratiquement illimitées », a-t-il ajouté, sans toutefois citer de pays précis. Ce chemin sera « long, mais c'est le bon », s'affiche-t-il convaincu.

Des carburants voués à se démocratiser

Le secteur va en tout cas être contraint à être plus vert, lui qui se révèle être « l'un des seuls à ne pas avoir baissé ses émissions de CO2 depuis 1990 », d'après la députée européenne et présidente de la commission transport et tourisme du Parlement européen, Karima Delli. Le Parlement européen a en effet adopté mi-septembre un règlement européen, baptisé RefuelEU Aviation. Celui-ci fixe des mandats d'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) pour les vols au départ des aéroports européens.

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Conformément à l'accord trouvé en avril, ce texte instaure à partir de 2025 l'obligation d'incorporer en moyenne 2% de SAF dans le kérosène des vols en Europe et au départ de l'Europe, puis 6% en 2030 avant une accélération : 20% en 2035, 34% en 2040 et 42% en 2045, pour atteindre un objectif final de 70% d'incorporation en 2050. Ce volume de SAF sera essentiellement composé de biocarburants (obtenus à partir de matières organiques) dans un premier temps.

Mais à partir de 2030, il devra aussi comprendre une partie de carburants synthétiques (ou e-fuels). Elle sera de 1,2% en 2030, puis 5% en 2035, avant, là aussi, une accélération pour arriver à 35% en 2050. Si cette trajectoire est respectée, ces carburants synthétiques, produits à partir de CO2 et d'hydrogène, représenteront alors la moitié des carburants durables en Europe.

L'avion à hydrogène, entre espoir et illusion

Reste que les carburants synthétiques devraient rester une technologie de transition. Les industriels du secteur planchent en effet déjà sur le stade suivant de décarbonation, à savoir les avions volant à l'hydrogène. L'avionneur Airbus développe des technologies qui doivent permettre de lancer en 2035 un premier avion à hydrogène, probablement pour des liaisons à courte distance.

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Attention néanmoins à rester réaliste à propos de cette technologie qui représente d'énormes défis logistiques et ne saurait être massivement déployée à court ou moyen terme, estime Tim Clark, le président d'Emirates.

« Je m'inquiète, car je pense que beaucoup de personnes se disent que dans la prochaine décennie les avions voleront tous à l'hydrogène, mais c'est un rêve, c'est impossible, l'hydrogène est une substance inflammable qui doit être distribuée et stockée depuis son point de production vers son lieu d'utilisation, ce qui représente un défi technique et logistique énorme », alertait-il lors d'un débat au Paris Air Forum en juin dernier.

Un avis partagé par Willie Walsh, le directeur général de l'International Air Transport Association (IATA), la principale association internationale de compagnies aériennes.

« Un aéroport doit être rééquipé pour permettre aux avions de voler à l'hydrogène, et je ne connais aujourd'hui aucun aéroport qui veuille construire les infrastructures nécessaires, ni aucune compagnie aérienne qui soit prête à aider financièrement un aéroport à construire de telles capacités. Je pense que l'hydrogène sera sans conteste une solution à long terme pour un carburant alternatif, mais il y a encore de nombreux défis à résoudre pour y parvenir », notait-il à l'occasion du même événement.

L'« écopilotage », une solution d'ores et déjà déployable

En attendant le déploiement de ces carburants plus durables, d'autres solutions sont à la portée des compagnies aériennes. Comme l'« écopilotage ». Cela peut consister à allumer un seul moteur lors des phases de déplacement au sol, à gérer finement le déploiement du train d'atterrissage ou des volets accroissant la surface des ailes à basse vitesse, à mener des « approches continues », plus fluides, vers les aéroports.

Chaque petite mesure ne fait peut-être gagner que 10 kg de kérosène sur trois tonnes consommées pendant un trajet de 1.000 km, « mais en fait, avec le nombre de vols qu'EasyJet exploite, cela nous permettra d'économiser des tonnes et des tonnes de carburant », expliquait la semaine dernière à l'AFP Federico Ercules, pilote et instructeur au centre de formation d'easyJet près de Milan (Italie). La compagnie estime que l'écopilotage lui permet de réduire ses émissions annuelles de 2,5%.

L'IATA mène d'ailleurs depuis 2005 des audits pour identifier les aspects des opérations en vol pouvant être améliorés. Chacune permet en moyenne des économies de kérosène de 4,4% par compagnie. Une mesure « bonne pour l'environnement, et bonne pour la rentabilité », selon l'organisation dont les membres consacrent au carburant entre le quart et le tiers de leurs frais de fonctionnement.

(Avec agences)

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Commentaires 3
à écrit le 26/09/2023 à 8:29
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Les seuls mesures acceptables pour l'IATA sont celle qui augmentent la rentabilité. 4,4% de réduction de consommation qui augmenteront d'autant* le nombre de vol (effet rebond dû a la baisse du prix du billet). Donc au final peanuts *plutôt du tie...

à écrit le 25/09/2023 à 18:14
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La bonne solution est de réduire le nombre d'avions dans le ciel. Ce n'est pas possible, nous en subirons donc les conséquences. A moins que collectivement nous décidions TOUS de ne plus prendre l'avion autrement que pour les déplacements professionn...

le 26/09/2023 à 11:30
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Au-delà des loisirs, nombre de déplacements en avion sont motivés par des raisons familiales. Tout le monde ne vit pas dans un rayon de 10 km autour du château comme dans les temps anciens

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