Quelle année 2024 pour le transport aérien français  ?

Après une année 2023 consacrée comme celle de la véritable reprise, 2024 s'annonce sous de bons auspices en termes de trafic. Pourtant, il en faudra plus au pavillon français pour mettre derrière lui tous les effets de la crise et être paré pour le défi de la transition énergétique.
Léo Barnier
La part du pavillon français continue de reculer face aux opérateurs étrangers.
La part du pavillon français continue de reculer face aux opérateurs étrangers. (Crédits : Gonzalo Fuentes)

« L'année 2023 a été une bonne année pour le transport aérien à l'échelle mondiale, puisque le rebond de la demande aura été plus fort et plus rapide que prévu ». C'est par ce bilan que Pascal de Izaguirre, président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam) et PDG de Corsair, a débuté ses vœux à la presse. Pour la France, il salue un retour à 94,5% du trafic d'avant-crise, et même 100% au mois de décembre.

Mais l'exercice des vœux reste surtout l'occasion de se projeter sur l'année qui débute, avec un dynamisme qui devrait se poursuivre en 2024. Pour autant, les incertitudes n'ont pas disparu. En outre, certains comportements apparus depuis la crise semblent désormais structurels.

« Nous sommes d'ores et déjà en 2024, et nous considérons que ces perspectives sont globalement encourageantes », indique Pascal de Izaguirre.

Il estime ainsi que « le contexte pour le transport aérien est très porteur », avec « une croissance robuste et qui devrait continuer d'être robuste ». Il note notamment un vrai redémarrage du tourisme pour venir appuyer cette croissance.

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« En ce qui concerne le trafic, nous considérons que 2024 va s'inscrire dans la lignée des tendances observées en 2023. On prévoit un trafic international qui va rester très dynamique sur le long courrier et le moyen-courrier », anticipe le patron de la Fnam. Pour ce faire, ce dernier se réfère aux prévisions de l'Association internationale du transport aérien (Iata). Or, celle-ci prévoit un trafic en 2024 supérieur à celui de 2019.

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Il ne voit en revanche pas de pointe de trafic dû aux Jeux olympiques de Paris, estimant que le nombre de voyages générés par l'événement sera compensé, voire dépassé par le nombre de voyages qui n'auront pas lieu à cause de lui (report, choix d'une autre destination). Il se montre néanmoins confiant dans l'organisation et espère que, « si tout se passe bien », cela soit une bonne publicité pour le tourisme en France.

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Modifications structurelles

Pour autant, le patron de la Fnam rappelle que des contrastes existent. Selon les chiffres 2023 de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), celui-ci n'est revenu qu'à 79% de son niveau d'avant crise, tandis que l'international est à 97%. Et cela devrait se poursuivre en 2024, avec un trafic au-delà des frontières qui devrait dépasser son record de 2019.

Pour lui, ces chiffres résultent de l'impact direct d'une modification de la demande pour le transport aérien, apparue après la crise sanitaire, et qui devient désormais structurelle :

« La visioconférence qui se substitue de plus en plus aux voyages d'affaires, avec un effet qui se cumule évidemment à celui des politiques RSE (responsabilité sociétale des entreprises) des différentes entreprises ».

D'où un impact direct sur le trafic domestique. Mais d'autres phénomènes sont aussi en train de s'ancrer, comme les délais de réservation. Si la décision d'achat n'arrive plus au dernier moment comme en 2021 ou 2022, elle reste plus courte qu'avant la crise.

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Stabilisation des prix

Pascal de Izaguirre estime aussi que la flambée des prix est passée, après les envolées connues jusqu'au premier semestre 2023. « Si nous regardons les tarifs aériens, nous considérons qu'ils sont plutôt entrés dans une phase de stabilisation », juge-t-il.

Selon les chiffres de la DGAC au départ de la métropole, ils ont même baissé en novembre et décembre par rapport à l'année précédente. Sur l'année 2023, la hausse reste néanmoins conséquente, à près de 9%. Elle est encore plus marquée au départ de l'Outre-mer, à +15%, avec des écarts d'un département à l'autre.

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Incertitudes persistantes

Malgré les perspectives encourageantes, il y a toujours des incertitudes. Comme depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, Pascal de Izaguirre pointe la situation géopolitique « très évolutive », sans que cela n'entame sa confiance pour autant.

A cela, il ajoute le contexte politique intérieur et européen : « Nous allons être dans un environnement qui va être changeant ou nouveau, puisque nous aurons un nouveau gouvernement, qui doit encore être complété, et que nous aurons de nouvelles institutions européennes. C'est évidemment, pour le secteur aérien, de la première importance ».

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Difficultés opérationnelles

Les performances du contrôle aérien, qui ont perturbé la reprise avec notamment des mouvements de grève importants, « semblent en amélioration », note la Fnam. Mais le passage au nouvel outil 4-Flight reste un élément d'incertitude, avec des difficultés dans sa mise en œuvre. Cela n'a pas pour l'instant nécessité de supprimer des vols supplémentaires après les réductions de programme déjà faites pour faciliter cette transition.

Les tensions sur la chaîne d'approvisionnement ne facilitent pas non plus la vie des compagnies aériennes, avec des retards dans les livraisons d'avions, de moteurs, de pièces détachées ou encore les difficultés pour trouver des créneaux auprès des opérateurs de maintenance.

« Tout cela nous handicape, tout cela coûte de l'argent et pourrait quand même obérer notre capacité à tenir le programme de vol prévu », s'inquiète le patron de la Fnam.

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Recul inexorable du pavillon français

Ces différents volets vont être d'autant plus importants que le transport aérien doit continuer à relever des défis où la composante politique apparaît comme majeure : la transition écologique et la compétitivité. Sur le premier point, Pascal de Izaguirre ne s'en cache pas, « le pavillon français reste toujours fragile ».

« Malheureusement, on ne peut pas dire que, en tout cas en matière de compétitivité relative, le pavillon français ait pu tirer parti de cette reprise dynamique du trafic », ajoute-t-il.

Force est de constater que les compagnies françaises ont repris leur mouvement de repli continu au même rythme qu'avant la crise : un point de part de marché perdu par an. Elles ne représentent plus aujourd'hui que 38% du trafic de passagers sur la France.

Le patron de la Fnam en fait donc un enjeu essentiel et dénonce le contexte fiscal et réglementaire en France qui, selon lui, « entraîne une perte de compétitivité et donc une décroissance au profit des pavillons étrangers ». Il appelle donc à un changement, ce qui le « conduit à demander aux pouvoirs publics une nécessaire réorientation de la politique française du transport aérien ».

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Soutien à la décarbonation

La Fnam souhaite ainsi une aide plus conséquente pour accompagner les efforts des compagnies aériennes en matière de décarbonation. Et pour cause, elle évalue le surcoût pour le pavillon français à 1 milliard d'euros en 2025 et 3 milliards d'euros en 2030.

Pascal de Izaguirre - comme Anne Rigail, directrice générale d'Air France lors du Paris Air Forum l'an dernier - salue l'effort de 200 millions d'euros consenti par le président de la République pour soutenir la création d'une filière de carburants d'aviation durables (SAF) en France. Il juge toutefois que cela reste insuffisant. D'autant que les quantités disponibles en France sont encore très faibles. Il regrette aussi la fin de dispositifs comme le suramortissement fiscal destiné à favoriser l'achat d'engins de piste électriques, regrettant un manque de cohérence des pouvoirs publics.

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Sans grande surprise, le patron de la Fnam déclare qu'il « serait inconséquent de continuer à alourdir les taxes et les redevances alors que la facture de la transition énergétique s'alourdit depuis des années pour les compagnies européennes. »

Et pour appuyer son propos, il annonce le lancement d'une étude cette année sur les bénéfices socio-économiques du secteur en France. Elle aura pour objectif « que les pouvoirs publics soient convaincus » de la faisabilité de la feuille de route pour la décarbonation du transport aérien, des efforts engagés en la matière et enfin de l'apport du secteur à la société.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 27/01/2024 à 12:30
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