Voiture électrique : les fonds d'investissement à la rescousse des points de recharge

Les mois se suivent et se ressemblent. Au 30 avril 2022, l'objectif gouvernemental des 100.000 points de recharge électrique à horizon fin 2021 n'est toujours pas atteint. Le capital-investisseur Antin Infrastructure Partner vient d'injecter 150 millions d'euros dans Power Dot pour accélérer le déploiement de bornes sur le parking d'enseignes commerciales. Il n'est pas le seul investisseur sur le coup. Meridiam a racheté Allego dès 2018 avant de signer un partenariat avec Carrefour.
César Armand
(Crédits : Reuters)

C'est un objectif politique annoncé en octobre 2020 pour fin 2021 mais qui n'est toujours pas atteint en mai 2022 : le déploiement de 100.000 points de recharge électrique en France. Selon le dernier baromètre commun à l'association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere) et au ministère de la Transition écologique, sur la base des données du GIREVE, une plateforme créée en 2013 notamment par Renault, la Caisse des Dépôts, EDF Enedis, seuls 60.040 points de recharge électrique, plus ou moins rapides, sont ouverts au public en France au 30 avril.

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Des bornes dans les lieux de consommation

Autrement dit, la volonté du ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari n'est satisfaite qu'à 60% malgré les différentes réglementations. Toutes les aires d'autoroutes doivent en effet être équipées en points de recharge électrique d'ici à fin 2022. Même échéance pour les parcs de stationnement non-résidentiel qui doivent réserver 5% de leurs emplacements à la mobilité électrique. Même pourcentage obligatoire pour les centres commerciaux.

Parmi les 38,3 millions de voitures particulières en circulation, d'après les données du ministère de la Transition écologique au 1er janvier 2021, 886.439 sont des véhicules électriques et hybrides rechargeables selon l'association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere). Toutes sources confondues, 75 à 80% se rechargent à domicile ou au travail et 25 à 20% en itinérance, c'est-à-dire en trajet entre un point A et un point B.

Un écart de 1 à 3 voire de 1 à 4 qui serait en train de résorber. Les fonds d'investissement spécialisés dans les infrastructures commencent à investir dans des acteurs capables de se déployer dans des lieux de consommation, type centres commerciaux, grande distribution, hôtellerie ou restauration.

« C'est la poule et l'œuf »

Dernier en date : le capital-investisseur français Antin Infrastructure Partners vient d'injecter 150 millions d'euros dans Power Dot, prenant le co-contrôle de l'opérateur de bornes de recharge rapides et ultra-rapides. Ce dernier revendique le déploiement - en cours - de 2.500 points de recharge sur le parking d'enseignes comme Cora et M. Bricolage et de franchises d'E. Leclerc ou de KFC. Objectif : atteindre 7.000 points de recharge rapides d'ici à 2025.

« C'est la poule et l'œuf : les gens achèteront des véhicules électriques quand ils pourront les recharger. Nous sommes convaincus que ce sera un sujet de la vie quotidienne: le samedi matin au supermarché, le mercredi midi au fast food avec les enfants », explique, à La Tribune, Nicolas Mallet, associé chez Antin Infrastructure Partners.

Ce fonds n'est pas le seul à se positionner sur le sujet. Dès 2018, la « société à mission spécialisée dans le développement, le financement et la gestion à long terme d'infrastructures publiques durables » Meridiam a acheté 100% d'Allego, opérateur pour toute puissance et tout type de véhicules électriques, y compris pour les scooters, les vélos et les trottinettes. Dans une usine à Valence, les stations sont assemblées, avant d'être transportées, déposées et branchées chez ses clients.

Le fonds a ainsi signé un partenariat avec Carrefour pour déployer, d'ici à fin 2023, 2.000 points de recharge répartis dans l'ensemble des 200 hypermarchés, dont plus de la moitié disposant de charges ultra-rapides. Meridiam, qui revendique d'autres partenaires comme la métropole de Toulouse ou le constructeur automobile Nissan, convoite d'autres cibles, tels les centres commerciaux et les activités de loisirs.

Quel retour sur investissement ?

Toujours est-il que son retour sur investissement est déjà assuré : acheté « pour environ 200 millions d'euros », déclare un porte-parole du groupe, Allego, coté à New York, valait 3 milliards d'euros début 2022. Il est évidemment en revanche trop tôt pour en parler du côté d'Antin Infrastructure Partners.

« Nous regardons notre retour sur investissement à terme », confie Nicolas Mallet, associé. « C'est un investissement moins mâture qu'une concession d'eau par exemple et qui nécessite de faire du capex », ajoute-t-il. Autrement dit, si pour une concession d'eau, l'investisseur se rémunère et rembourse ses investissements sur le prix de l'eau ; pour un point de recharge électrique, il doit en plus faire des dépenses d'investissement matériels.

Si une borne, qui comporte un ou plusieurs points, « ne constitue pas un très gros investissement » - de l'ordre de 50.000 euros -, « l'effet réseau », c'est-à-dire le fait de mailler un territoire donné, offre, lui, au fonds une infrastructure à la fois « agile » et répondant « au temps long » de l'investissement dans les infrastructures, poursuit le cadre d'Antin.

Un logiciel de prédictibilité pour étudier les meilleurs emplacements

Quoiqu'il en soit, avec a minima 7.000 points de recharge électrique pour ce dernier et 2.000 pour Meridiam, les deux fonds peuvent participer à l'atteinte d'au moins 10% de l'objectif des 100.000 points.

« Installer une borne, la brancher au réseau et faire venir les gens peut paraître facile mais c'est bien plus complexe que cela, beaucoup de bornes ne fonctionnent pas. Je ne sais pas si nous pouvons aider à tenir le pari mais notre savoir-faire est profitable à tout le secteur », affirme, tout en nuance, Nicolas Mallet, d'Antin Infrastructure Partners.

« Il y a des moyens, techniques, financiers et humains à mettre en place », élude le porte-parole de Meridiam.

Ce dernier confie toutefois développer un logiciel de prédictibilité pour étudier les meilleurs emplacements pour les points de recharge électrique, mais il n'en dira pas plus « pour des raisons évidentes de concurrence et confidentialité ».

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César Armand

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