Métro, boulot, dodo  : de quoi le Grand Paris est-il le nom  ?

Lors du Sommet du Grand Paris organisé le 20 septembre par la Tribune et la Chambre des Notaires de Paris au Pavillon Gabriel, trois questions cruciales pour les habitants de la Métropole ont été abordées : les transports, le travail et le logement. Compte-rendu.
(Crédits : iStock)

La bonne vieille formule métro, boulot, dodo résume toujours les préoccupations majeures des Franciliens. Les transports demeurent le point noir à améliorer pour les habitants de la Métropole du Grand Paris.

Lors de la table ronde « Se déplacer à moindre coût et en polluant moins est-il encore possible ? », David Belliard, adjoint (EELV) à la maire de Paris chargé de la transformation de l'espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie a posé la question centrale : comment sortir du tout voiture ? citant les milliers de décès dus à la pollution de l'air et les ravages de l'autosolisme (une personne, une voiture).

La solution selon lui passe par un usage mixte (marche à pied, vélo, covoiturage, autopartage). À la RATP, Sophie Mazoué, directrice de la RSE, a d'ailleurs souligné les avantages des transports en communs en matière d'environnement. L'usager du métro et du RER émet 50 fois moins de CO2 que l'automobiliste.

« Nous nous engageons à diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à dix ans » annonce Sophie Mazoué.

La RATP va aussi convertir ses 4.800 bus à l'électrique et au GNV (gaz naturel pour véhicules) bio, soit un investissement de 4 milliards d'euros.

Total Energies propose ce type de carburants verts mais mise aussi sur l'électrique avec la construction d'une gigafactory de batteries avec Stellantis et Mercedes.

« Nous allons déployer des bornes de recharge, comme les 2.300 bornes Vélib', et leur apporter une énergie décarbonée » précise Isabelle Patrier directrice France.

Que faire contre la mobilité contrainte ?

Avec l'hiver qui arrive et la crise de l'énergie, il convient de cultiver sa sobriété.

« Nous devons nous interroger sur notre consommation énergétique. Le sujet étant de faire évoluer doucement la hausse des prix » souligne Bertrand De Singly, directeur clients territoires Île-de-France de GRDF. Il propose de baisser la vitesse, comme sur le périphérique, et la masse, donc faire du vélo.

« Que faire contre la mobilité contrainte, qui touche des millions de Franciliens ? » s'interroge David Belliard : « nous avons 30 ans de retard sur le réseau ferré car nous avons sous investis dans les transports en commun du quotidien et nous en payons le prix. Il nous faut un plan Marshall ».

Le MaaS, cet outil numérique d'intermodalité peut être une solution : « nous avons déployé ces dispositifs à Annemasse, Brest et Angers, et développé l'application Bonjour RATP pour favoriser la multi modalité » décrit Sophie Mazoué.

L'hydrogène pour les flottes captives comme les taxis et le fluvial sont deux options à creuser, appuie Isabelle Patrier (Total) : « nous sommes sur un mix énergétique et une décarbonation des usages ». Le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables destiné à rattraper le retard français dans l'énergie éolienne et solaire devrait aider.

La révolution du travail est en marche

Entre télétravail et "grande démission", la pandémie a modifié les manières de travailler en milieu urbain.

« Elle a abîmé le lien déjà ténu entre effort, travail et salaire. Les nouvelles générations n'ont plus du tout le même rapport au travail » estime Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project.

La Métropole du Grand Paris s'adapte aux changements structurels comme le télétravail, passé de 4 à 30 % des salariés, en menant des actions sur le numérique, les tiers-lieux et l'habitat.

« La colonne vertébrale de nos actions, c'est la mixité et l'innovation » explique Eric Cesari, Vice-Président de la Métropole du Grand Paris.

« Sociologiquement, le travail nous permet d'exister en société » insiste Montasser Jabrane, Fondateur et CEO de HandyCatch, qui a collaboré avec Havas pour recruter dans le métaverse, une première mondiale.

« Cela a soulevé des questions d'acception de soi, notamment pour les personnes des quartiers prioritaires et celles en situation de handicap. Nous voulons maintenant aller vers le phygital ».

Les quartiers d'affaires ont-ils vécu ?

Le métaverse étant encore balbutiant, les immeubles de bureau sont toujours l'endroit privilégié du travail en Île-de-France. Comment y faire revenir les salariés, surtout les jeunes ?

« Il faut réunir cinq composantes. Un bureau désirable, en utilisant les codes de l'hôtellerie. Un bureau perçu comme sain (air, eau, matériaux). Un bureau modulable car le flex office est pratique. Un bureau serviciel (pressing sur place) et enfin un bureau frugal avec la charte d'engagement Écowatt » énumère Éric Groven, Responsable de la Direction Immobilière de la Banque de détail en France à la Société Générale.

Les entreprises doivent signer un pacte générationnel avec les jeunes générations : « ça les oblige à se poser la question de leur utilité » analyse Emmanuel Duez, pour qui « l'immobilier doit faire la preuve de sa sobriété ».

Les quartiers d'affaires comme la Défense ont-ils vécu ? « En réalité, il est en mutation permanente. Mais il faut de l'agilité dans la réglementation » réclame Éric Cesari, pour qui le quartier d'affaires à un avenir si on assouplit « notre colbertisme français ».

Quant à Éric Groven (Sogeprom), il met en exergue la volonté des administrateurs de la Défense d'en faire en 2030 le premier quartier d'affaires post carbone : « un parc urbain de sept hectares va ouvrir prochainement et Paris La Défense va consacrer 360 millions d'euros à la rénovation des espaces publics. Avec le Grand Paris Express, la Défense va devenir hyper centrale ».

 La crise du logement, urgence écologique et sociale

Dernier thème sensible pour chaque habitant de Paris et sa région : le logement. La loi relative au Grand Paris promulguée il y a douze ans fixe à 70.000 le nombre de nouveaux logements annuels. Un pari loin d'être tenu selon Marc Villand, Président-directeur général d'Interconstruction et président de la Fédération des promoteurs immobiliers d'Ile-de-France:

« Nous avons a assisté à un effondrement de la production de logement depuis 2019. Nous avons une crise de l'offre et de la demande. Les prix augmentent sous l'effet de la hausse du coût des matériaux et du foncier, et des problèmes bancaires ».

La faute aux maires ?

« Non. Le système n'est simplement plus du tout adapté aux enjeux de la région qui pèse 2 % du territoire national mais 18 % de la population, 31 % du PNB, avec 50.000 habitants de plus par an et 1 heure et demie de transport en moyenne ».

Le promoteur appelle de ses vœux un PLU numérique global sur la Région Île-de-France.

Des délais de livraison trop longs

À une semaine du congrès HLM à Lyon, le logement social est sur la sellette : quelle solution faut-il apporter aux bailleurs sociaux avec le relèvement de 2 % du taux du livret A qui va leur coûter deux milliards d'euros ?

« Il va y avoir un impact mais cette augmentation est lissée dans le temps, avec des durées d'emprunts de 50 à 80 ans. Et l'IRL (indice de référence des loyers) va augmenter de 3,5 % » répond Richard Curnier, directeur régional Ile-de-France de la Banque des territoires.

Des délais de livraison des logements trop longs pose aussi problème.

« La construction est la seule industrie qui n'a pas fait sa révolution. Les délais sont de plus en plus longs. Il faut s'attaquer au neuf et à la rénovation » estime Sophie Meynet, directrice-générale du pôle immobilier résidentiel de GA Smart Building, spécialiste de la construction hors-site.

Dans ce processus, la méthode 2D consiste à préfabriquer en usine des planchers et des voiles (parois) de béton. Avec la méthode 3D, ils sont assemblés en usine avec l'ensemble des corps d'état puis amenés sur site. Avantage : moins de transport et de consommation énergétique, et des délais de livraison plus courts.

Un Code de l'Urbanisme obèse

Olivier Tyl, Président de la Chambre interdépartementale des notaires de Versailles, rappelle que la délivrance des permis de construire a lieu tous les six ans, soit la durée d'un mandat de maire, et que les autorisations d'urbanisme sont des actes longs et complexes. Résultat : la fenêtre de tir des permis est assez courte.

« Il est toujours compliqué de faire comprendre à la population hors de la zone dense qu'il faut construire et que le modèle du pavillon avec jardin ne sera plus soutenable partout » pense Olivier Tyl. Sans oublier un Code de l'Urbanisme « en situation d'obésité ».

Convaincre les maires de construire n'est pas simple selon Stéphane Aubay, Président de GreenCity Immobilier.

«  La Métropole du Grand Paris a cette chance d'avoir une activité économique soutenue qui attire des populations nouvelles. Mais les habitants du cru ne comprennent pas très bien cette modification de leur paysage urbain qu'il faut leur rendre acceptable ».

Sans oublier de respecter toutes les nouvelles normes environnementales. « Le ZAN (zéro artificialisation nette des sols d'ici à 2050) va être un frein. Et la situation économique se tend avec des prix devenus insoutenables » reconnaît Marc Villand qui annonce une situation à venir « extrêmement difficile ». « L'urgence est là : on ne peut plus faire comme avant. Il faut réfléchir à des modes constructifs différents » conclut Sophie Meynet. Une industrialisation de l'acte de construire qui reste à faire.

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Commentaire 1
à écrit le 21/09/2022 à 11:19
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Si vous voulez réduire les déplacements, il faut arrêter de subventionner ceux ci par l'entreprise

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