Loi industrie verte : les entreprises ne seront pas obligées de faire voter leur stratégie climatique à leurs actionnaires

« Say on climate », un amendement visant à obliger les entreprises cotées à présenter tous les trois ans à leurs actionnaires leur stratégie climat et durabilité a été supprimé du projet de loi industrie qui vient d'être étudié en commission mixte paritaire. « Une opportunité ratée » selon des associations écologistes.
« On considère qu'on n'a pas besoin d'être le seul pays qui rajoute des contraintes administratives qui, honnêtement, n'ont aucun effet sur la transition », a affirmé le ministère de l'Economie, justifiant son positionnement. (photo d'illustration de Bruno le Maire, ministre de l'Economie)
« On considère qu'on n'a pas besoin d'être le seul pays qui rajoute des contraintes administratives qui, honnêtement, n'ont aucun effet sur la transition », a affirmé le ministère de l'Economie, justifiant son positionnement. (photo d'illustration de Bruno le Maire, ministre de l'Economie) (Crédits : BENOIT TESSIER)

Verdir la finance n'est pas facile et prend du temps. Le projet de loi industrie verte en est la nouvelle preuve. Il était présenté ce mardi 10 octobre en commission mixte paritaire pour établir un consensus entre les deux chambres parlementaires. Députés et sénateurs se sont ainsi mis d'accord sur la version finale du texte adopté en juin au Sénat, puis en juillet à l'Assemblée nationale.

Un consensus qui porte notamment sur un point : les parlementaires ont, en effet, décidé de supprimer de ce texte un amendement nommé « say on climate », visant à consulter les actionnaires sur la stratégie climat des entreprises cotées. Pourtant, cette mesure, qui voulait obliger les entreprises en Bourse à présenter tous les trois ans à leurs actionnaires leur stratégie climat et durabilité, avait été validée par l'Assemblée nationale cet été, contre l'avis du gouvernement. Mais le législateur ne devrait finalement pas l'intégrer. « Say on climate » prévoyait aussi faire voter obligatoirement, mais sans contrainte pour le conseil d'administration, la stratégie de l'entreprise par les actionnaires.

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Le projet de loi, porté par les ministres de l'Économie, Bruno Le Maire, et de l'Industrie, Roland Lescure, devrait être adopté définitivement cette semaine. Il fera l'objet d'un dernier vote mardi à l'Assemblée nationale et mercredi au Sénat, avant une promulgation « dans les prochains jours », espère-t-on à Bercy.

Lobbys contre associations environnementales

« C'est une opportunité ratée », a commenté, « dépité », Grégoire Cousté, directeur général du Forum pour l'Investissement Responsable (FIR), une organisation de promotion de la finance durable. Cela « montre la réticence générale des entreprises à ouvrir le dialogue », a-t-il ajouté. L'ONG Reclaim Finance, a aussi « regretté » dans un communiqué que gouvernement et parlementaires aient cédé à « la pression des lobbys », citant notamment l'Association française des entreprises privées (Afep).

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De l'autre côté, l'Afep c'était positionnée contre l'amendement assurant, en juillet dernier au moment du vote de l'amendement, qu'il « n'existe aucun consensus » ni de la part des entreprises ni des investisseurs « sur l'intérêt d'un "say on climate" (et) l'autorégulation du secteur fonctionne ». Cette mesure était « un minimum utile pour soutenir les investisseurs désireux d'investir de manière plus responsable, qui ne coûte rien et qui est très consensuelle », avait alors rétorqué Antoine Laurent, responsable plaidoyer pour Reclaim Finance.

De son côté, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a expliqué ce mardi : « On considère qu'on n'a pas besoin d'être le seul pays qui rajoute des contraintes administratives qui, honnêtement, n'ont aucun effet sur la transition. Aucun. Et donc on ne veut pas être dans une situation où on aura moins d'entreprises en France et plus de carbone sur terre ».

« La responsabilité de l'entreprise, c'est d'avoir une logique de transition pour s'adapter à cette évolution du mix énergétique (...) donc l'entreprise a l'obligation de s'adapter avec son plan de transition. On a obtenu au niveau européen, grâce à la directive sur le devoir de vigilance qui est en cours de finalisation, l'obligation d'avoir ce plan de transition pour s'aligner avec l'accord de Paris », souligne-t-on de même source.

Certaines entreprises proposent déjà ce vote

Quand bien même le « say on climate » n'était pas encore dans la loi, en 2023 en France, huit entreprises parmi lesquelles TotalEnergies, Schneider Electric ou la foncière Klépierre ont néanmoins proposé à leurs actionnaires un vote sur la stratégie de l'entreprise lors de leur assemblée générale selon un bilan du FIR et de l'Agence de la transition écologique (Ademe).

« On va rester combatifs car le "say on climate" est dans le sens de l'histoire. La question n'est pas de savoir "si" mais plutôt "quand" cela sera mis en place, et on va saisir toutes les prochaines opportunités, au plan français ou européen », a aussi assuré auprès de l'AFP Adrien Couret, directeur général d'Aéma Groupe, qui rassemble notamment l'assureur Macif et le gestionnaire d'actifs Ofi Invest.

(Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 11/10/2023 à 9:05
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Un actionnaire veut par définition gagner toujours plus toujours plus vite, il ne veut pas protéger la nature sauf si ça rentre dans ce principe et comme cela ne rentrera jamais dans ce principe un actionnaire ne votera jamais pour préserver la natur...

à écrit le 10/10/2023 à 19:45
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Il faut arrêter d'emm... les entreprises comme on emm... les Français. Que les associations improductives paient donc les impôts des entreprises et créent des emplois et des richesses à leur place, si elles veulent donner des leçons. Mais elles en s...

à écrit le 10/10/2023 à 19:21
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Mais bien évidemment, rien de vraiment surprenant dans notre monde totalement financiarisé (logique). Je l'ai écrit combien de fois que les principes moraux ne sont pas compatibles avec "les lois darwiniennes" du profit coûte que coûte? Entités privé...

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