Introduction en Bourse : OVHCloud revoit -un peu- ses ambitions à la baisse

Le champion français du cloud (informatique dématérialisée) a fixé son prix d'action entre 18,5 et 20 euros, ce qui le valorise entre 3,5 et 3,75 milliards d'euros, et compte lever environ 350 millions d'euros. Un petit repli vis-à-vis des ambitions affichées en septembre, où il espérait lever "jusqu'à 400 millions d'euros" pour une valorisation de 4 milliards d'euros. Mais le climat n'est pas au beau fixe pour les entreprises tech françaises en Bourse, après les IPO mitigées de Believe et Exclusive Networks cette année. Explications.
Sylvain Rolland
(Crédits : OVH)

L'introduction en Bourse sur Euronext se précise pour OVHCloud. La pépite de Roubaix (Nord), deuxième licorne historique de la French Tech et la première à tenter le grand bain des marchés, a annoncé mardi 5 octobre les modalités de l'opération. L'entreprise fondée en 1999 par Octave Klaba, qui en est toujours aux manettes, fera ses débuts à la Bourse de Paris le 15 octobre. Contrairement à ce qu'il avait annoncé en septembre, le groupe espère lever 350 millions d'euros, soit moins que les 400 millions d'euros espérés le mois dernier. La fourchette du prix de son action sera comprise entre 18,5 et 20 euros, ce qui valorise l'entreprise entre 3,5 et 3,75 milliards d'euros. C'est un peu moins que ce qui était espéré en interne -4 milliards d'euros d'après le Financial Times- et ce sera, dans le meilleur des cas, autant ou à peine plus que Sorare, la dernière licorne en date valorisée 3,7 milliards d'euros.

Dans le détail, le fondateur Octave Klaba et sa famille resteront largement majoritaires à l'issue de l'opération, avec une participation d'environ 70%. Les fonds d'investissement américains KKR et TowerBrook, qui réduisent leur participation, détiendront chacun environ 8,4% et le flottant sera compris entre 11,47 et 13,19% du capital.

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L'ambition de devenir une alternative aux GAFAM

Vingt-deux ans après sa création, la pépite du cloud est l'une des principales vedettes de la tech française. Forte de 2.400 salariés essentiellement en France, OVHCloud commercialise à la fois des infrastructures d'hébergement pour les entreprises, mais aussi une plateforme de services basés sur le cloud. En pleine croissance grâce à la révolution numérique, l'informatique en nuage permet de dématérialiser l'infrastructure informatique des entreprises : les fournisseurs de cloud mettent à la disposition de leurs clients les énormes capacités informatiques de leurs centres de données, avec un avantage en termes de coût et d'adaptation permanente aux variations des besoins en puissance de calcul et de stockage.

Dans ce marché très concurrentiel, OVHCloud joue la carte de la souveraineté. Son espoir : incarner un "cloud européen souverain", autrement dit une alternative crédible et solide aux leaders mondiaux du marché, les américains Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud. Une stratégie pertinente à l'heure où le Vieux Continent se réveille sur sa souveraineté numérique et au moment où les entreprises réalisent les bénéfices du multi-cloud, c'est-à-dire de la division de leur parc informatique entre plusieurs hébergeurs.

Mais ce n'est que le début du chemin pour OVHCloud : très loin des géants américains, l'entreprise revendique 1,6 million de clients (dont la moitié en France) et un chiffre d'affaires de 632 millions d'euros en 2020, là où celui de ses prestigieux concurrents se compte en dizaines de milliards de dollars par an.

"L'Europe manque d'acteurs qui puissent délivrer un écosystème cloud complet, sécurisé et souverain, et c'est la place que veut et peut occuper OVHCloud", croit Octave Klaba.

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Pas de dividendes prévus pour privilégier l'investissement

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les dirigeants d'OVHCloud -Octave Klaba et le directeur général Michel Paulin (ex-SFR)- privilégient l'investissement à la distribution de dividendes. Pratique courante dans la tech mais qui peut refroidir de nouveaux investisseurs non familiers avec ce milieu, ils ont prévenu qu'il n'y aura aucune distribution de dividendes pour les futurs actionnaires. Le groupe prévoit plutôt d'investir 2 milliards d'euros sur la période 2020-2025.

En hyper-croissance (+20% par an sur les dix dernières années) et rentable avec un Ebitda ajusté de 263 millions d'euros en 2020, OVHCloud espère que l'argent levé en Bourse l'aidera à remplir quatre objectifs. Le premier est de "se renforcer sur tous les segments du cloud" et notamment celui du cloud public, en très forte croissance, en misant sur la promesse de souveraineté. "OVH n'est pas soumis au droit extraterritorial et est conforme aux lois locales ce qui répond au besoin de souveraineté des données qui est une préoccupation majeure des DSI", précise le directeur général, Michel Paulin.

Le deuxième objectif est de financer la transformation d'OVHCloud en acteur du PaaS (platform as a service), c'est-à-dire compléter son offre pour proposer à la fois l'hébergement des infrastructures informatiques (IaaS ou infrastructure as a service) mais aussi le matériel et les systèmes d'exploitation nécessaires pour permettre aux clients de développer eux-mêmes leurs logiciels métiers, comme le font les leaders mondiaux américains du secteur. L'entreprise souhaite également renforcer sa présence à l'international -notamment le reste de l'Europe mais aussi l'Amérique du Nord et la zone Asie-Pacifique- et passer un cap de notoriété et de crédibilité, pour gommer l'impact négatif en terme d'image de l'incendie de Strasbourg en mars dernier et mieux faire connaître ses services auprès des entreprises.

Accueil mitigé en Bourse pour les pépites françaises de la tech cette année

L'introduction en Bourse d'OVHcloud sera la troisième cette année pour une grande entreprise française de la tech, après celle de la pépite musicale Believe en juin et celle en septembre de la société de distribution de produits de cybersécurité Exclusive Networks.

Point positif : 2021 marque un vrai déblocage pour les "grosses" introductions en Bourse tech en France. Problème : les deux précédentes opérations de l'année n'ont pas enthousiasmé les investisseurs. Believe a été introduite dans le bas de la fourchette initialement proposée (à 19,5 euros, soit une valorisation à 1,9 milliards d'euros), et le titre est resté constamment sous son prix d'introduction depuis (17 euros à la clôture lundi). De son côté, Exclusive Networks a aussi dû choisir le bas de la fourchette pour son introduction le 23 septembre (20 euros, soit une valorisation de 1,8 milliards d'euros) et le titre est resté légèrement au-dessus depuis le début de sa cotation (20,28 euros lundi à la clôture). Pionnier de la tech française, OVHCloud va-t-il réussir à inverser la tendance ?

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Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 05/10/2021 à 17:17
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Une très belle entreprise. Un patron intéressant. Souscrire pour un acteur de la souveraineté nationale : un acte patriotique

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