Streaming vidéo : pourquoi Apple TV+ ne va pas tuer Netflix

Le fabricant d'iPhone a dévoilé lundi 25 mars son offre de streaming, baptisée Apple TV +. La plateforme sera disponible à l'automne 2019 dans 100 pays, mais le géant américain n'a pas communiqué sur le prix de l'abonnement. Contrairement à la concurrence, Apple mise peu sur les contenus originaux et veut devenir un agrégateur d'offres de streaming. Explications.
Anaïs Cherif
Apple TV + devrait investir 2 milliards de dollars pour la production de ses contenus en 2019... Loin des 12 milliards de dollars déboursés par Netflix en 2018.
Apple TV + devrait investir 2 milliards de dollars pour la production de ses contenus en 2019... Loin des 12 milliards de dollars déboursés par Netflix en 2018. (Crédits : DR)

Cinéma et séries, presse, jeux vidéo, banque... Apple accélère sa diversification. La firme à la pomme croquée a mis en scène cette nouvelle stratégie avec une keynote intégralement dédiée à ses services, donnée lundi 25 mars à Cupertino (Californie). Une première symbolique. La présentation de son offre de streaming vidéo, baptisée Apple TV+, était l'une des plus attendues.

Alors que le géant américain s'est rapidement accaparé la place de n°2 mondial du streaming audio avec Apple Music« la vidéo était la brique manquante de son offre de services », souligne Gilles Pezet, responsable du pôle économie des réseaux et des usages numériques chez NPA Conseil. « Apple a pris beaucoup de retard en la matière, en proposant jusqu'ici uniquement des contenus payants à l'unité via iTunes », alors que des acteurs comme Amazon se sont lancés dans le streaming vidéo dès 2006.

Apple TV+ sera disponible à l'automne dans 100 pays. Cette plateforme donnera accès exclusivement aux contenus originaux produits par la firme de Cupertino. Alors que les plateformes misent sur la prolifération de contenus propres pour se différencier entres elles, Apple a annoncé une trentaine de programmes seulement pour l'instant. Insuffisant pour concurrencer le catalogue énorme de Netflix, leader mondial du streaming vidéo avec 139 millions d'abonnés fin 2018. Selon la presse américaine, Apple devrait investir 2 milliards de dollars pour la production de ses contenus en 2019... Loin des 12 milliards de dollars déboursés par Netflix en 2018.

Les contenus originaux, une simple vitrine

Devant et derrière la caméra, Apple fera appel à la présentatrice télé Oprah Winfrey, mais aussi les réalisateurs Steven Spielberg, J.J. Abrams, M. Night Shyamalan, les actrices Jennifer Aniston et Reese Witherspoon ou des comédiens comme Steve Carell. Des grands noms, certes, mais qui témoignent de créations "américano-centrées", selon Gilles Pezet.

« Tous les partenaires viennent d'Hollywood ! Et pourtant, Apple va devoir séduire des spectateurs dans le monde entier. Cela souligne la maturité de Netflix, qui a une approche "glocale" : plaire au plus grand nombre avec des productions locales », détaille-t-il.

Beaucoup de questions restent en suspens. Apple n'a pas communiqué sur le prix de l'abonnement et n'a pas précisé si le service serait gratuit pour les détenteurs d'appareils de sa marque. Il n'a pas non plus diffusé de bande-annonce officielle. « La création du studio Apple a débuté en 2017, avec le débauchage d'anciens cadres de Sony. Et pourtant, la conférence donnait l'impression d'urgence car Apple présente une offre qui n'est pas finie. Il y a une grosse pression car 2019 est une année majeure pour le streaming, avec le repositionnement des studios historiques sur leurs propres offres », affirme Gilles Pezet.

Lire aussi : Séries françaises et européennes : Netflix passe vraiment la vitesse supérieure

Cette plateforme de streaming sera accessible depuis le service Apple TV. Lancée en 2007, l'Apple TV ressemble à un décodeur et permet de connecter sa télé à un appareil de Apple pour permettre la diffusion de contenus iTunes.

« Les contenus originaux paraissent très légers pour l'instant car le cœur de la stratégie d'Apple n'est pas de devenir le prochain Netflix. Ses productions seront utilisées pour servir de vitrine à son offre Apple TV, car c'est là où son activité sera la plus rentable », analyse Gilles Pezet.

Répliquer le business model lucratif de l'AppStore

Une grande refonte d'Apple TV a également été annoncée pour mai. Jusqu'ici, le service était compatible avec des appareils de l'univers d'Apple. Fait inhabituel : Apple ouvre son écosystème pour rendre son service disponible sur des téléviseurs de Samsung, LG ou encore Sony, ainsi que les lecteurs Amazon et Roku.

Via Apple TV, la firme de Cupertino va permettre de s'abonner à des chaînes payantes tierces, comme HBO, Showtime, CBS ou Starz. Une vingtaine de chaînes ont été annoncées au total. « Nous avons créé une nouvelle expérience TV où il sera possible de payer seulement pour les chaînes que vous désirez, dans une seule application, avec un seul mot de passe », a affirmé Peter Stern, vice-président produits chez Apple.

Le but ultime : proposer une multitude de contenus, sans supporter les coûts faramineux de production, tout en retenant les utilisateurs dans l'écosystème Apple.

« Les abonnements tiers sont au cœur de la stratégie vidéo d'Apple. A chaque abonnement, il prélèvera une commission dont le montant n'a pas été communiqué, mais qui devrait probablement être entre 30% à 50% », explique Gilles Pezet.

Apple entend ainsi répliquer le modèle très lucratif de son magasin d'applications, l'App Store, qui prélève une commission entre 15% à 30% sur les revenus générés lors de souscriptions d'abonnements à des applications tierces. Mais ce modèle est actuellement décrié par des entreprises comme Spotify et Netflix. D'ailleurs, Reed Hastings, Pdg de Netflix, a annoncé la semaine dernière que son service ne ferait pas partie de l'offre Apple.

Devenir un super-agrégateur d'offres de streaming

En pleine restructuration du marché du streaming vidéo, avec l'arrivée courant 2019 de poids lourds comme Disney, les acteurs vont se livrer une guerre des prix. Pour consulter un catalogue varié, les spectateurs devront probablement s'abonner à plusieurs services.

« Avec la refonte d'Apple TV, l'entreprise va au-delà de la bataille du streaming. La prochaine question va être : quel acteur sera le super-agrégateur des offres de streaming ? Là aussi, Amazon a pris de l'avance avec son service Amazon Channels (bouquet de chaînes payantes, ndlr) et les opérateurs télécoms se positionnent aussi sur le créneau », estime Gilles Pezet.

Mais Apple dispose d'un atout considérable : le géant américain revendique un parc de 1,4 milliard d'utilisateurs dans le monde. Alors qu'Apple accuse d'une baisse de ventes de ses iPhone, son produit phare depuis plus de dix ans, la marque se doit de trouver des nouveaux relais de croissance avec les services (Apple Music, iTunes, iCloud...). L'objectif est d'atteindre les 40 milliards de dollars générés par cette division en 2020 - contre plus de 37 milliards de dollars en 2018.

Lire aussi : Ventes d'iPhone : Apple est-il victime de ses prix prohibitifs ?

Anaïs Cherif

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Commentaire 1
à écrit le 26/03/2019 à 17:40
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On nous prendrait pas pour des imbéciles prêts à payer et encore à payer pour voir des séries et des navets en boucle?

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