Comment PSA et Fiat ont consolidé leur futur mariage

Les deux groupes automobiles ont modifié les termes de leur contrat de fusion. Il s'agit surtout de revoir à la baisse les compensations financières des actionnaires. Le principe d'une fusion d'égal à égal est maintenu, malgré les critiques sur un déséquilibre très favorable aux actionnaires de Fiat Chrysler. Faurecia, filiale de PSA, victime collatérale de ce nouveau pacte, plonge en Bourse.
Nabil Bourassi
(Crédits : Regis Duvignau)

La fusion géante entre Fiat Chrysler (FCA) et PSA (Peugeot, Citroën, DS, Opel) aura bien lieu... Et ce n'est pas le Covid qui y changera quoi que ce soit. Les deux groupes l'ont encore prouvé hier soir, après la publication d'un communiqué qui revoit certains aspects de la fusion, mais qui préservent le principe d'une fusion à 50-50.

Un dividende divisé par deux côté italien

C'est notamment sur les compensations financières que le contrat de fusion est modifié. Ainsi, les actionnaires de FCA voient leur dividende exceptionnel carrément divisé par deux à 2,9 milliards d'euros. Il faut dire qu'initialement, ce dividende s'élevait à 5,5 milliards d'euros, et qu'entre temps, le groupe a eu recours à un prêt garanti par l'Etat italien d'environ 7 milliards d'euros. Politiquement, cette disposition était très critiquée. Les actionnaires de FCA, parmi lesquels la famille Elkann (28% du capital), se consoleront néanmoins puisqu'à la place, ils recevront 23% du capital de l'équipementier automobile français Faurecia. C'est l'autre point du communiqué d'hier. Initialement, PSA devait redistribuer les 46% qu'il possède de Faurecia à ses propres actionnaires. Dorénavant, cette redistribution se fera après la fusion et concernera donc tous les actionnaires de Stellantis, du nom de la nouvelle entité. Dernier point, et non des moindres, ces amendements vont renforcer la structure financière de la nouvelle entité de 2,6 milliards d'euros (ces fameux dividendes non versés aux actionnaires de FCA). Ce à quoi il faut ajouter la réévaluation du potentiel de synergies industrielles à 4 milliards d'euros contre 2,8 milliards prévus initialement.

Lire aussi : Avec Stellantis, Peugeot et Fiat peuvent-ils dépasser leur culture d'entreprise?

Depuis plusieurs mois, les analystes pressent les deux groupes de revoir les termes d'un deal largement critiqué dès son écriture en décembre 2019, c'est à dire trois mois avant que n'éclate la crise du Covid. Ils estimaient que les actionnaires de Fiat Chrysler profitaient d'une prime d'environ 40% sur l'opération, au détriment des actionnaires de PSA. La crise du coronavirus, l'effondrement des ventes qui s'en est suivi a changé la donne, au point de creuser l'écart. PSA a démontré sa résilience en affichant un exercice semestriel profitable de plus de 600 millions d'euros, tandis que FCA a eu recours à un prêt garanti par l'Etat italien de plus de 7 milliards d'euros. Il est vrai néanmoins que l'exercice semestriel du groupe italo-américain a surperformé les attentes des analystes. Beaucoup s'attendaient néanmoins à un rééquilibrage en faveur des actionnaires de PSA.

Faurecia s'effondre en Bourse

Les marchés, eux, ne s'y sont pas trompés... Dès l'ouverture de la Bourse ce matin, l'action FCA est monté en flèche et a terminé à +9%, tandis que l'action PSA a viré au rouge avant de repasser dans le vert à partir de midi et clôturer en légère hausse de 2%. Faurecia, lui, est le dindon de la farce. Le marché attendait un retour de liquidités sur le titre à court terme, on sait désormais que la cession des 46% sera plus longue que prévue, ce qui va peser sur le titre. L'action Faurecia a plongé de 10% ce jour.

Dans une note, les analystes d'UBS résument la situation: "les investisseurs qui perçoivent les termes comme favorables à FCA ne devraient pas changer de point de vue après ces annonces".

"Le marché attendait un signal sur la distribution de dividendes pour les actionnaires de FCA. La surprise c'est bien entendu la distribution des actions Faurecia post-fusion qui profitera à tous les actionnaires de la nouvelle entité. Mais il n'y avait pas d'attente particulière autour de l'équilibre 50-50 du contrat de fusion", nuance Frédéric Rozier, gestionnaire d'action chez Mirabaud.

"Finalement, l'opération change peu de choses dans l'équilibre entre FCA et PSA dans le deal. En revanche, c'est une excellente nouvelle pour la nouvelle entité qui voit sa situation financière nette renforcée", ajoute-il.

Ainsi, les marchés semblent rassurés sur le fait que la fusion reste toujours d'actualité et ce, malgré la crise du Covid, mais également, les réserves de la Commission européenne qui a décidé d'ouvrir une phase deux dans son enquête en conformité concurrentielle, là où PSA et FCA espéraient obtenir le feu vert dès juin au terme de la phase 1.

Une prime réduite pour les actionnaires de Fiat

Pour Frédéric Rozier, ces amendements "ne résolvent pas la question du déséquilibre" entre deux entreprises aux performances économiques très différentes, mais "prend en compte l'impact de la crise sur le marché". D'où la nécessité de renforcer la trésorerie nette de l'entreprise. Selon lui, "la prime de 40% en faveur des actionnaires de FCA et qui avait été évoquée lors de l'annonce de la fusion, a, depuis, été nettement gommé. A l'époque, le titre PSA était au plus haut, tandis que FCA s'est plutôt bien comporté au premier semestre compte tenu des conditions de marché. La prime est toujours en faveur des actionnaires de FCA mais tourne davantage autour de 5 à 10%, ce qui n'est pas choquant dans ce genre d'opération".

Lire aussi : La fusion Fiat-Peugeot aura-t-elle lieu ?

La fusion entre FCA et PSA doit donner naissance au quatrième constructeur automobile mondial fort de huit millions de voitures produites par an, avec une ventilation géographique très complémentaire notamment la forte présence de FCA en Amérique du Nord, la rentabilité de PSA en Europe, des positions fortes en Amérique Latine, ou encore, avec des marques très internationalisées comme Jeep. Mais, plusieurs voix avaient effectivement rappelé que PSA était proportionnellement nettement plus rentable que FCA, et que ce dernier avait besoin d'immenses investissements pour relancer les gammes de marques entières comme Alfa Romeo, Fiat ou encore Chrysler. Mais Frédéric Rozier balaye ces considérations et juge que désormais "le marché se place dans une perspective d'avenir sur les synergies et les dynamiques commerciales de la fusion". Autrement dit, les investisseurs sont concentrés sur les profits potentiels que cette fusion apportera à toutes les parties prenantes, y compris les actionnaires de PSA...

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 16/09/2020 à 8:21
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Étranges manœuvres financières de mauvaise augure en ce qui concerne la stratégie industrielle du groupe qui commence par de basses pratiques comptables pour les actionnaires. "Car chez ces gens là monsieur, on ne pense pas monsieur, on ne pense ...

à écrit le 15/09/2020 à 19:32
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Les italiens ne peuvent pas.poser de conditions.Psa est mieux positioner sur le marché.Le ventes de FCA group a l'exception de Jeep sont catastrophiques.

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