Immobilier de bureaux : « la montée des taux d'intérêt a mis toutes les transactions au congélateur »

En 2022, les commercialisateurs de bureaux américain Cushman & Wakefield et britannique Knight Frank ont réalisé, en France, une bonne année tirée par un marché « endogène » ou « limitrophe »... à l'exception du 4è trimestre, synonyme de « dégringolade ». Leurs présidents Vincent Bollaert et Barbara Koreniouguine se disent néanmoins « raisonnablement confiants » pour 2023. Explications.
César Armand
(Crédits : iStock)

A quand une météo au beau fixe dans l'immobilier de bureaux ? À l'image du dérèglement climatique, le climat des affaires est perturbé. Après trois trimestres sans nuage malgré la guerre en Ukraine et la crise énergétique, les quatre derniers mois de 2022 ont rimé avec dégradations et turbulences en tout genre. Du fait d'une demande soutenue, les commercialisateurs espèrent toutefois des jours meilleurs. Après une année 2021 marquée par les incertitudes des utilisateurs entre Covid et télétravail, tout avait pourtant bien commencé l'an dernier. Les marchés étant tirés par l'attractivité de Paris et de la première couronne francilienne.

« Tous les jours, des grandes sociétés annoncent qu'elles viennent s'implanter dans la capitale. La semaine dernière, c'est Arcelor Mittal qui a fait savoir qu'elle quittait Saint-Denis pour le IXème arrondissement », déclare le président France de Knight Frank, Vincent Bollaert, qui témoigne à La Tribune d'une « résistance du bureau », en marge d'une conférence de presse ce 17 janvier.

« Paris a représenté 50% de la demande placée et le marché de La Défense a très bien fonctionné », appuie Barbara Koreniouguine, présidente France de Cushman & Wakefield, sollicitée par La Tribune.

Un marché « endogène » ou « limitrophe »

Cette dernière a demandé à ses équipes d'identifier la nature des grandes transactions. Pour les surfaces de moins de 5.000 mètres carrés, la capitale reste ainsi « un marché endogène », c'est-à-dire que les locataires restent à Paris, synonyme d'aménités (commerces alimentaires, restauration...), de rétention des talents et de transports urbains denses. Pour celles supérieures à 5.000 m², si 60% des transactions restent « endogènes », 27% se sont faites sur un marché « limitrophe ». Par exemple, des sociétés quittent La Défense pour Courbevoie ou Neuilly-sur-Seine.

2022 a également été synonyme de l'entrée en vigueur du décret tertiaire. Cette réglementation impose aux propriétaires, occupants ou bailleurs, de surfaces supérieures à 1.000 mètres carrés, de réduire leur consommation d'énergie sur la base de celles de 2010 : - 40% en 2030, - 50% en 2040 et - 60% en 2050, horizon auquel doit être atteinte la neutralité carbone. « Le risque climatique est un puissant moteur qui fait évoluer les critères de recherche », assure la présidente France de Cushman & Wakefield, Barbara Koreniouguine.

« Dégringolade » des investissements au 4è trimestre 2022

Tout va bien jusqu'au 4è trimestre 2022 où un coup de froid survient sur l'accès aux financements. L'automne passe plus que vite que prévu à l'hiver et se traduit par une « dégringolade » des investissements.

« La montée des taux d'intérêt a mis toutes les transactions au congélateur », pointe le président France de Knight Frank, Vincent Bollaert.

« Le 4è trimestre a été très mou, très en retrait, avec -51% par rapport à la même période en 2021. Les investisseurs n'aiment pas l'incertitude », décrypte Barbara Koreniouguine de Cushman & Wakefield.

Cette dernière estime même qu'entre l'inflation et les demandes de hausse des salaires, les locataires vont commencer à parler de « taux d'effort » pour décrire les charges qui leur incombent.

 Des commercialisateurs « raisonnablement confiants » pour 2023

Après la tempête, le retour du soleil ? Pour 2023, la dirigeante se dit « raisonnablement confiante ». La demande reste en effet soutenue malgré un contexte économique et géopolitique « instable ». « 70% des baux vont arriver à échéance », affirme-t-elle. Autrement dit, l'année prochaine sera synonyme de mouvements. La remontée des taux d'intérêt, « qui a mis toutes les transactions au congélateur » dixit Vincent Bollaert, devrait en outre faciliter la communication, pour ne pas écrire les négociations, entre les acheteurs et les vendeurs.

« Nous assistons à un rapprochement inéluctable entre les parties prenantes autour d'une correction de valeur et nous retrouvons de la fluidité au travers d'une intégration des contraintes macro-économiques », ajoute le président de Knight Frank.

« Après une décennie de taux bas, le coût élevé de l'argent fait que le premier trimestre risque d'être assez calme en ce sens qu'on va chercher la bonne adéquation et le juste prix entre les acheteurs et les vendeurs », confirme Barbara Koreniouguine.

Mi-2023 sera par ailleurs sans doute synonyme de la fin des chantiers à Paris. La Ville exige que tous les travaux soient terminés avant les Jeux olympiques et paralympiques en 2024...

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Le commerce dopé par les retail park et le retour des touristes

A mi-chemin entre le centre commercial et la zone d'activités et de loisirs, les retail park ont tiré leur épingle du jeu en 2022. Entre les événements qu'ils organisent et leur offre culturelle, leurs charges s'avèrent inférieures à celles des grandes surfaces traditionnelles, explique Barbara Koreniouguine de Cushman & Wakefield. « Ces nouveaux formats ont démontré une réelle résistance du commerce », acquiesce Vincent Bollaert de Knight Frank.

Plus généralement, le retour des touristes a permis un rebond du secteur. « Dans la perspective des JOP 2024, toutes les enseignes sont en quête de locaux définitifs ou de boutiques éphémères », affirme Barbara Koreniouguine. D'autant que selon la publication Mainstress across the world réalisée par Cushman & Wakefield, cinq des dix artères les plus commerçantes du monde se situent déjà dans la capitale...

César Armand

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