Mobilité : verdict en mars pour Heetch

Le parquet a requis vendredi 300.000 euros d'amende contre Heetch et une interdiction de diriger toute entreprise pendant deux ans contre les deux fondateurs de l'application de transports entre particuliers destinée aux jeunes noctambules.
Mounia Van de Casteele
Les plaidoiries ont également beaucoup porté sur la définition du covoiturage et sur une potentielle comparaison au leader du covoiturage Blablacar ou au service de transport entre particuliers UberPop désormais interdit.

Le procès fut long. Après deux jours d'audience au tribunal de grande instance de Paris, le parquet a requis vendredi 300.000 euros d'amende contre la jeune pousse Heetch fondée en 2013 et une interdiction de diriger toute entreprise pendant deux ans contre Teddy Pellerin et Mathieu Jacob les deux fondateurs de l'application de transports entre particuliers destinée aux jeunes noctambules. Le jugement sera rendu le 2 mars 2017 à 13H30, a précisé la juge.

Pour rappel, Heetch annonce 30.000 conducteurs occasionnels. La société est passée de 8 à 51 emplois depuis sa création. Elle a réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de quelque 2 millions d'euros mais reste légèrement déficitaire.

"L'économie du partage a de beaux jours devant elle, ce genre de dirigeants ne doivent pas la porter", a dit la magistrate à l'adresse de Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, contre qui elle a aussi requis 10.000 euros d'amende chacun.

Complémentarité des services de mobilité urbaine

Mathieu Jacob a assuré à la barre qu'il avait toujours été "convaincu de la légalité" des activités de sa société, et qu'il n'avait jamais voulu "dénigrer les taxis", dont près de 1.500 se sont portés parties civiles.

Mathieu Jacob a rappelé qu'avec Teddy Pellerin, ils avaient en vain essayé de rentrer en contact avec les taxis, tout comme avec la préfecture de Police. Le but n'étant pas d'essayer de supprimer les taxis de la ville mais de trouver un terrain d'entente, convaincu de la complémentarité de leurs services. Il a à cet égard rappelé que la majorité des trajets effectués via Heetch incluaient la banlieue et se faisaient le jeudi, vendredi et samedi soir.

 Il a également fait valoir l'impact social de l'application:

Mais pour la procureure, la "start-up créatrice de mobilité nocturne" et ses dirigeants sont coupables de complicité d'exercice illégal de la profession de taxi, de pratique commerciale trompeuse et d'organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non-professionnels.

La procureure, qui dans son réquisitoire a lourdement insisté sur l'intense campagne de communication déployée par Heetch avant son procès, réclame aussi la publication d'extraits du jugement dans la presse, citant précisément Le Parisien et La Tribune.

Pendant les deux jours d'audience, Teddy Pellerin a tenté de démontrer la bonne foi de la société, qui agit "en plein tâtonnement" en matière de législation sur l'économie collaborative.

Pas de vide juridique, selon la procureure

"Le fait qu'une législation vous déplaise ne constitue pas un vide juridique", a répondu la magistrate. Pour elle, Heetch n'entre pas dans la définition légale du covoiturage, et ne peut se dispenser des contraintes réglementaires sur le transport rémunéré de particuliers.

La défense a elle plaidé la relaxe, demandant au tribunal de ne pas "tuer la liberté d'entreprendre."

Des attitudes désinvoltes ?

La procureure a reproché aux deux jeunes dirigeants, de 32 et 34 ans, leur "décontraction" notamment face aux nombreuses garde à vue subies par des conducteurs Heetch, ou par rapport aux amendes payées par certains d'entre eux. Elle a également estimé que Teddy Pellerin, pour plaider sa cause, avait surtout "apporté des éléments de langage" déjà répétés "dix fois" aux médias.

Les deux fondateurs ont tenté de corriger l'impression à la fin de l'audience: "On n'a jamais pris à la légère les décisions de justice", a ainsi déclaré Mathieu Jacob, disant sa conviction de contribuer à la "mixité sociale" parce que Heetch organise beaucoup de transports entre la banlieue et le centre de Paris.

Heetch, application nocturne tournant de 20h à 06h du matin, souligne que les revenus de ses conducteurs sont plafonnés à 6.000 euros par an, somme permettant seulement le "partage des frais" du véhicule. Leur avocat a fait valoir le fait que les chauffeurs touchaient en moyenne 1.700 euros par an et que la médiane, se situait quant à elle à 1.100 euros annuels.

"Une audience de vocabulaire"

Le procès a beaucoup été qualifié d'exercice de style en matière de vocabulaire, comme l'ont rappelé la quasi totalité des avocats et la procureur:

 Bien entendu, les plaidoiries ont également beaucoup porté sur la définition du covoiturage et sur une potentielle comparaison au leader du covoiturage Blablacar ou au service de transport entre particuliers UberPop désormais interdit. Les avocats de Heetch ont, à cet égard, évoqué une comparaison du barème tarifaire entre Blablacar et Heetch.

Prenant l'exemple d'un Paris-Lyon, il a ainsi évoqué un tarif de 30 euros par passager sur Blablacar, soit un revenu de 90 euros pour un conducteur qui emmènerait trois passagers. L'avocat a comparé ce montant avec celui auquel on aboutit avec l'algorithme de Heetch, qui serait alors de 85 euros pour un trajet, ce qui reviendrait donc moins cher qu'avec Blablacar pour trois personnes.

De la même manière, il a évoqué les trajets de courte distance, qui sont plus rares, mais existent sur Blablacar. Il en coûterait selon lui 6 euros par personne pour un trajet entre Levallois-Perret et Montparnasse, soit 18 euros pour 3 personnes, contre 17 euros avec Heetch.

Le service UberPop, du géant international des VTC (voitures de transport avec chauffeur) Uber, a été lourdement condamné l'été dernier pour des chefs de prévention identiques. Le tribunal avait requis 800.000 euros d'amende dont la moitié avec sursis. Un avocat de Heetch a demandé au tribunal de ne pas faire un "copié-collé" de cette décision.

Les avocats des taxis, VTC et organisations professionnelles parties civiles ont eux étrillé Heetch, une "machine à fric" soutenue par de puissants investisseurs et déployant une "communication cynique". "Il ne faut pas que ce qui vous est présenté comme l'économie du partage devienne l'économie du pillage et des ravages", a dit l'un d'eux.

Verdict dans quelques mois donc, le temps, pour le tribunal, d'éplucher les dossier des 1.500 parties civiles...

Mounia Van de Casteele

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Commentaires 3
à écrit le 13/12/2016 à 13:11
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Le pillage intégral des nouveaux entrants. La défense des privilèges par tous les moyens. Faut pas s'étonner que l'économie française n'en fini pas de s'écrouler. Quand est ce qu'on se débarrasse de cette classe de parasites (politiciens / juges ...

à écrit le 10/12/2016 à 9:41
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Difficile de comprendre la logique entre ce qui est accepté pour les Taxis, Uber, Blablacar et est interdit pour Heetch ? Ce sont aussi des formes de transports en commun, tout comme le bus ou le métro. Utile dans ce contexte de pollution. Il fau...

à écrit le 10/12/2016 à 7:45
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La différence est que Blablacar c est le client qui s adapte au trajet déjà prévu par un chauffeur . Heetch c est le contraire , le chauffeur s adapte à la demande du client !! C'est le principe d un taxi !

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