Après le crash du Bitcoin, le français Coinhouse lève des fonds et parie sur les crypto-actifs

L'ex-Maison du Bitcoin a réalisé son premier tour de table de 2,4 millions d'euros auprès du géant du conseil en Blockchain ConsenSys, du fonds français XAnge et du new-yorkais Digital Currency Group. Malgré l'éclatement de la bulle "crypto", l'entreprise espère devenir "la première plateforme de crypto-actifs européenne pleinement agréée" dans un contexte de clarification réglementaire avec la loi Pacte.
Delphine Cuny
L'équipe de Coinhouse, qui emploie une trentaine de personnes, ici dans la boutique au centre de Paris, l'ex-Maison du Bitcoin, ouverte au printemps 2014.
L'équipe de Coinhouse, qui emploie une trentaine de personnes, ici dans la boutique au centre de Paris, l'ex-Maison du Bitcoin, ouverte au printemps 2014. (Crédits : Coinhouse)

Près de cinq après son ouverture à Paris, la Maison du Bitcoin, devenue Coinhouse l'an dernier, réalise sa toute première levée de fonds. De comptoir de change physique pour l'achat et la vente de crypto-monnaies dans un marché balbutiant à plateforme d'investissement en crypto-actifs au sens large, le pionnier du Bitcoin en France vient de lever 2,4 millions d'euros pour accélérer sa mue. Cette opération est menée par ConsenSys Ventures, le bras de capital-risque du spécialiste du conseil en technologie Blockchain, ConsenSys [lire l'interview de son fondateur et principal actionnaire, Joseph Lubin].

Les autres investisseurs sont le fonds français XAnge (groupe Siparex) et le fonds new-yorkais spécialisé Digital Currency Group  - déjà au capital des plateformes américaines d'échange Coinbase et Kraken, ou encore de l'éditeur français de solutions pour consortium Stratumn et de Legder, fabricant d'un coffre-fort numérique pour clé privée d'accès aux comptes de crypto-actifs, cofondé et dirigé par Eric Larchevêque, également cofondateur de... la Maison du Bitcoin. L'entrepreneur a lui-même participé au tour de table, ainsi que son associé Thomas France, tout comme le français BTU Protocol (réservations d'hôtel avec récompenses en crypto-actifs).

L'effondrement des cours du Bitcoin et des autres "alt coins" l'an passé (-70% environ) ne semble pas avoir dissuadé ces investisseurs, même s'il a peut-être pesé sur le montant du ticket et de la valorisation.

« Au-delà des soubresauts en cours sur les marchés cryptos, XAnge est convaincu que les cryptoassets [crypto-actifs] vont constituer année après année une classe d'actifs substantielle, qui aura besoin de ses "banques privées" spécialisées. Coinhouse est positionnée pour devenir l'une de ces références en Europe » a estimé Cyril Bertrand, directeur associé chez XAnge, cité dans le communiqué.

Lire aussi : Le Bitcoin a 10 ans : après la correction, le rebond ?

Le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Robert Ophèle, soulignait lui-même la semaine passée que « l'éclatement de la bulle de crypto-monnaies ne doit pas occulter les facteurs légitimes qui ont déclenché le développement des crypto-actifs ».

« Coinhouse est convaincu que les cryptoactifs et la Blockchain sont des ruptures technologiques qui vont révolutionner la façon dont nous échangeons de la valeur et profondément transformer nos sociétés et notre système financier pour les rendre plus efficaces et moins centralisés » fait valoir la société dans un communiqué.

Devenir une plateforme agréée

La France s'apprête à adopter un cadre réglementaire spécifique aux crypto-actifs et aux « prestataires de services sur actifs numériques » dans le cadre du projet de loi Pacte de Bruno Le Maire, adoptée en première lecture à l'Assemblée le 9 octobre et dont le Sénat a commencé l'examen ce jeudi 17 janvier. Le texte (article 26 bis) crée un régime d'enregistrement de ces acteurs auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui vérifie « l'honorabilité et la compétence » des dirigeants, et recueille l'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, adossée à la Banque de France). Coinhouse met d'ailleurs en avant ce contexte réglementaire et affiche l'ambition de « devenir la première plateforme de crypto-actifs européenne pleinement agréée », dans un univers perçu comme une sorte de Far-West.

L'entreprise parisienne, qui emploie une trentaine de personnes et revendique 150.000 clients dans toute l'Europe, va utiliser cet argent frais pour élargir son offre en proposant un plus grand nombre de crypto-actifs, au-delà du Bitcoin, de l'Ether et du Litecoin (il en existe plus de 2.000 !), ainsi qu'un service de « garde » des crypto-actifs s'adressant aux particuliers, aux entreprises et aux investisseurs, ce qui n'est aujourd'hui le cas que pour les investisseurs "qualifiés" avec son partenaire Ledger (et sa solution Ledger Vault).

Coinhouse compte demander plusieurs agréments pour l'activité d'achat et de revente à des tiers, avec interposition du compte propre, pour l'activité de conservation pour compte de tiers et pour l'activité de plateforme d'échange de crypto à crypto (convertir des bitcoins en ethers par exemple). Ce dialogue avec les autorités est un point apprécié des investisseurs.

« L'Europe met progressivement en place un cadre favorable à l'adoption des crypto-actifs, en promouvant le développement de la technologie Blockchain et une législation encourageante. Les acteurs locaux connaissent bien leur clientèle, et avec l'appui des autorités régulatrices et des banques, nous sommes persuadés qu'ils ont un rôle crucial à jouer pour favoriser l'adoption du grand public » a commenté la responsable de ConsenSys Ventures, Kavita Gupta, citée dans le communiqué

L'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et l'Autorité bancaire européenne (EBA) ont récemment transmis à la Commission et au Parlement européens leurs recommandations en vue d'un encadrement sur-mesure s'appliquant aux crypto-actifs, pour protéger les investisseurs, sans étouffer l'innovation.

L'obstacle des banques

Les acteurs du secteur, en particulier en France, se plaignent des obstacles freinant leur activité, notamment les limites imposées par les banques qui « refusent que leurs clients réalisent des virements ou utilisent leur carte bancaire chez Coinhouse et Mastercard qui bloquent les moyens de paiement sur notre site » confiait il y a peu Nicolas Louvet, le directeur général de Coinhouse. La loi Pacte doit créer un « un droit au compte en dernier ressort » qui serait confié à la Caisse des dépôts, mais son directeur général Eric Lombard est résolument contre, au motif que la Caisse ne gère pas de compte en euro. Les députés de la mission Blockchain, Laure de la Raudière et Jean-Michel Mis, ont suggéré que cette tâche incombe à la Banque de France ou La Banque Postale.

La jeune entreprise entend se présenter comme un acteur responsable, mettant en avant son action pédagogique de longue date, ses formations aux entreprises et au grand public, son traitement des questions fâcheuses comme le vol des crypto, les arnaques en tout genre, la fiscalité. Désormais, elle veut « construire la plateforme européenne leader dans le domaine des crypto-actifs avec une approche "premium" », haut de gamme, dans un secteur où la concurrence se fait majoritairement sur les prix, le montant des commissions.

Il y a quelques mois, Eric Larchevêque, avait expliqué dans un entretien à La Tribune l'origine de la Maison du Bitcoin.

 « Avec mon associé Thomas France, co-fondateur de Ledger, nous avons eu envie d'ouvrir un lieu physique, très horizontal, où échanger et expliquer ce qu'était le Bitcoin. Nous avons choisi un nom un peu désuet pour rassurer, La Maison du Bitcoin, qui a ouvert dans le 2e arrondissement de Paris au printemps 2014. C'était juste après la chute de la plateforme Mt. Gox, tout le monde disait que le Bitcoin était officiellement mort. Nous voulions expliquer que derrière ces « monnaies virtuelles » —  on parle plutôt de « crypto-actifs » maintenant — il y avait cette technologie Blockchain. Nous avons mené ce projet sur nos fonds propres. Notre modèle économique c'était de faire le pari qu'il allait se passer quelque chose ! »

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 18/01/2019 à 22:27
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si ce nouveau venu autorise la spéculation c'en est fait de lui avant de commencer !

à écrit le 18/01/2019 à 11:12
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Le Bitcoin est déjà mort 5 fois. Et à chaque fois il renait de plus belle.

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