
Quelque chose ne va plus au royaume de l'assurance. Depuis le début de la crise sanitaire, les assureurs sont dans le collimateur des pouvoirs publics, des politiques, des assurés et de l'opinion publique. En cause, l'absence, dans une immense majorité de contrats d'assurance professionnelle, d'une garantie pertes d'exploitation sans dommages.
Et, dans les cas (rares) où cette garantie existait, des clauses d'exclusion la rendaient généralement inopérante. D'où un immense malentendu entre la profession et les assurés concernés, essentiellement des professionnels des secteurs de la restauration et de l'hôtellerie.
Le second confinement a d'autant plus aggravé le fossé que la fin d'année se traduit par la campagne de renouvellement des contrats d'assurance, mise à profit par les assureurs pour inclure des avenants pour préciser les clauses d'exclusion (Axa), voire pour résilier toute garantie de pertes d'exploitation sans dommages (MAAF). Ce qui a attisé la colère des professionnels et des organisations patronales.
Un débat avant tout politique
Aujourd'hui, le débat glisse à nouveau sur le terrain politique. Avec un nouveau gros coup de pression sur les assureurs. Mardi soir, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, très sensible à la colère des commerçants victimes des fermetures administratives, a exigé des assureurs un « engagement » sur un gel des primes pour les cafés, hôtels et restaurants. Avec la menace de faire adopter par la majorité parlementaire un amendement sénatorial instituant une « taxe de solidarité » de 1,2 milliard d'euros sur le secteur de l'assurance.
« C'est un geste minimal que je leur demande et je pense qu'ils peuvent faire encore mieux », a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision LCI. Avec une date butoir pour une réponse de la profession fixée à lundi prochain. La pression est d'autant plus forte qu'il est déjà prévu de taxer les assureurs santé à hauteur de 1,2 milliard. Un gel des primes est également dans l'air pour l'assurance santé ou l'assurance automobile qui bénéficie, il est vrai, d'une baisse des sinistres liée au confinement.
Un secteur déjà mis à contribution
Cette idée de taxe exceptionnelle sur le secteur est d'autant prise au sérieux par les assureurs qu'elle semble traverser tous les groupes politiques. Ainsi, le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, pourtant lui-même un ancien assureur, a eu des propos très durs le week-end dernier en dénonçant les assureurs "bien cachés pendant la crise".
Ce n'est pourtant pas ce que reflètent les comptes des assureurs, même si les situations peuvent sensiblement diverger d'un acteur à l'autre, en fonction de leur spécialisation. Un assureur comme Axa, premier assureur des entreprises et des professionnels en France, est en en effet davantage touché par la crise qu'une mutuelle plutôt spécialisée dans l'assurance dommages de particuliers ou qu'un bancassureur.
Des mesures de soutien évaluées à 2,6 milliards d'euros
Pourtant les assureurs n'ont pas ménagé leurs efforts pour rétablir leur image. Selon la Fédération française de l'assurance (FFA), ils ont mobilisé 2,6 milliards d'euros pour aider les entreprises et les professionnels, sous une forme ou une autre, et évaluent la charge des sinistres liés au Covid à 2 milliards, notamment dans les annulations d'évènements et la prévoyance (arrêts de travail, chômage partiel).
La profession a même mis en place, à la demande de Bercy, un projet d'assurance pandémie public-privé, récemment remanié, mais qui traîne sur la table du ministre depuis l'été. Beaucoup de professionnels doutent cependant de la possibilité de créer un tel système qui soit économiquement viable à la fois pour les assureurs et les assurés.
« Le risque systémique n'est pas une matière assurable », résume ainsi un assureur. Un grand courtier, Marsch, avait tenté de mettre en place un tel dispositif il y a quelques années, en vain. « Ces nombreuses attaques nous font mal. Dans cette crise, nous faisons notre métier honnêtement et l'essentiel des branches sont touchées », résume un grand assureur de la place.
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