[ Article publié le 24.09 à 12:40; dernière mise à jour: 16:30 avec cours du Bitcoin]
La Chine a intensifié vendredi la répression du commerce des cryptomonnaies, promettant d'éradiquer les activités "illégales" tant pour le bitcoin que pour les autres monnaies virtuelles et d'interdire dans tout le pays le "minage" de cryptomonnaies. Le "minage" consiste à faire résoudre des calculs complexes à un ordinateur pour valider les transactions en cryptomonnaie.
Dix agences gouvernementales chinoises, dont la banque centrale ainsi que les régulateurs des banques, de la Bourse et des changes, ont déclaré dans un communiqué conjoint qu'elles travailleraient en étroite collaboration pour maintenir une répression "à haute pression" contre les activités spéculatives des cryptomonnaies.
La Banque populaire de Chine a déclaré que les cryptomonnaies ne doivent pas circuler sur les marchés en tant que monnaies traditionnelles et que les Bourses étrangères ne sont pas autorisées à fournir des services aux investisseurs du continent via Internet.
"Les activités commerciales liées aux monnaies virtuelles sont des activités financières illégales", a déclaré la Banque centrale dans un communiqué en ligne, en ajoutant qu'elles "mettaient sérieusement en difficulté la sécurité des actifs des gens".
Le cours des cryptomonnaies a été affecté par cette nouvelle. La chaîne CNBC (image ci-dessous) rapporte que le prix du bitcoin a chuté de plus de 3% sur 24 heures, s'échangeant pour la dernière fois à environ 42.239 dollars (environ 36.000 euros), selon les données de Coin Metrics. À 16h30 heure française, le Bitcoin BTCUSD s'affichait en baisse autour de 5%, à 42.285,42 dollars (-5.21%). Ethereum, la deuxième monnaie virtuelle en importance, a chuté de 7% à 2.860 dollars.
[Sur la chaîne américaine CNBC, l'équipe du talk-show business "Squawk Box" discute de la décision de la Banque populaire de Chine d'interdire tout paiement en cryptomonnaies dans ou vers le pays. Crédit: CNBC]
Pilonnage en règle en Chine...
Cette déclaration d'illégalité des autorités régulatrices chinoises vient conclure un pilonnage en série, méticuleux et systématique, des cryptomonnaies par l'ex-empire du Milieu, mais qui est loin d'être une position isolée sur le sujet. Car depuis plusieurs années, nombre d'institutions tout autour de la planète ont multiplié les mises en garde, sur les nombreux aspects négatifs des monnaies virtuelles.
En mai 2021, plusieurs fédérations bancaires chinoises de référence déclaraient que les cryptomonnaies "ne sont pas de vraies devises", insistant sur les risques que la "spéculation" fait courir tant aux personnes qu'aux économies mondiales. Ce rappel à l'ordre avait alors fait immédiatement plonger le cours du Bitcoin sous les 40.000 dollars. Il faut dire que, dans ce jeu planétaire des monnaies virtuelles, la Chine s'est placée dans une position stratégique particulière et personne ne prend ses avertissements à la légère.
En juin, de nombreuses mines de Bitcoin dans la province du Sichuan (sud-ouest de la Chine) - l'une des plus grandes bases minières de crypto-monnaie de Chine - ont été fermées par les autorités locales dans le cadre de l'intensification de la répression à l'échelle nationale contre la création et l'exploitation de crypto-monnaies. La Chine qui, selon certaines études était responsable de 65% de la création mondiale de cryptomonnaies, laissait entendre qu'avec ces fermetures, elle aurait réduit bientôt de 90% sa capacité de minage, d'autant que les régulateurs ont pris des mesures drastiques similaires pour d'autres importants centres de minage dans les régions du nord et du sud-ouest de la Chine.
... et dans le reste du monde
Mais il n'y a pas qu'en Chine que les cryptomonnaies sont malmenées par les autorités régulatrices.
Fin juin, au Royaume-Uni, c'était la FCA (Financial Conduct Authority), l'autorité britannique de régulation des marchés financiers, qui interdisait à la plateforme d'achats de cryptomonnaies Binance de vendre des options ou contrats à terme outre-Manche.
Fin juin également, le surlendemain de la décision de la FCA, la France lançait à son tour une pierre dans le jardin des cryptomonnaies en déclarant par la voix du gouverneur de sa banque centrale, François Villeroy de Galhau, qu'il fallait fixer des règles au monde des cryptomonnaies, appelant à une action urgente et concertée au niveau européen au risque d'affecter l'euro et la croissance européenne, rien de moins.
"Le risque est clairement que l'Europe perde son élan, pas seulement dans sa volonté de renforcer le rôle international de l'euro, mais même dans sa préservation", a mis en garde François Villeroy de Galhau, appelant "l'Union européenne à adopter un cadre réglementaire dans les mois à venir" concernant les monnaies numériques et les crypto-actifs.
Le gouverneur de la Banque de France n'hésitait pas à insister :
"Je dois souligner ici l'urgence : il ne nous reste plus beaucoup de temps, un ou deux ans."
Plus tôt, en février 2021, aux États-Unis, Janet Yellen, l'ex-patronne de la Fed devenue tout récemment la secrétaire américaine au Trésor de Joe Biden, avait lancé un avertissement sévère, estimant, face à la montée en puissance du Bitcoin, que cette monnaie virtuelle, basée sur la blockchain, était « extrêmement inefficace » pour mener des transactions, et était fréquemment utilisée « pour la finance illicite ». Selon elle, le bitcoin « est un actif hautement spéculatif », avait-t-elle estimé, ajoutant.
« Je m'inquiète des pertes potentielles que les investisseurs pourraient subir. »
L'aspect "finance illicite" des cryptos est un problème de fond et quasi originel. En juillet 2019, Tracfin la sonnette d'alarme sur la part croissante prise par les crypto-actifs dans la hausse globale des signalements enregistrés par le service de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Pour rappel, comme la Chine ou la BCE en Europe, les Etats-Unis travaillent aussi à l'émission de sa propre cryptomonnaie.
La question de l'énorme quantité d'électricité nécessaire pour alimenter les fermes de minage de bitcoin s'est aussi invitée dans le débat, avec des mesures radicales prises par certains pays comme en Malaisie. Les autorités du pays ont choisi la méthode spectaculaire pour afficher leur détermination dans leur lutte contre le "vol d'électricité" en montrant à la télévision la destruction au rouleau-compresseur de plus d'un millier d'ordinateurs qui avaient été saisis lors de diverses descentes de police.
Un concept qui suscite toujours beaucoup d'intérêt
Pour autant, si certaines cryptomonnaies sont dans le collimateur, le concept de monnaie numérique fondée sur la blockchain, lui, ne semble pas près de disparaître si l'on en juge par l'intérêt des banques centrales, qui, dans leur très grande majorité (80%), planchent sur un projet de monnaie numérique.
Et la Chine (comme les États-Unis et la BCE) ne fait pas exception, bien au contraire, qui travaille à l'émission de sa propre cryptomonnaie. Pékin teste en effet depuis mars le paiement par e-yuan via téléphone portable, avec l'ambition d'en faire une monnaie internationale de référence, concurrente du dollar, selon les experts.
En février 2020, c'est la Riksbank, la banque centrale de Suède, qui réalisait une première mondiale en donnant le coup d'envoi à ses expérimentations autour d'une e-couronne, menée en partenariat avec le cabinet Accenture. Pour rappel du contexte, le pays qui compte à peine plus de 10 millions d'habitants, est confronté à un déclin rapide de l'usage des espèces et un usage croissant du paiement par appli mobile.
"L'objectif du projet est de montrer comment une couronne électronique pourrait être utilisée par le grand public", indiquait la Riksbank dans un communiqué.
En avril 2021, le Royaume-Uni se mettait également en piste: la Banque d'Angleterre (BoE) et le Trésor britannique annonçaient qu'elles lançaient un groupe de travail pour évaluer la possibilité et l'intérêt de lancer une monnaie numérique britannique, qui permettrait d'effectuer des transactions sans passer par des banques.
| Lire: Zéro banque, zéro crypto: le projet de monnaie numérique du Royaume-Uni
La France, qui a pourtant multiplié les mises en garde -et encore tout récemment- à l'égard du Bitcoin mais aussi du Libra de Facebook, n'est, elle, pas opposée au principe de monnaie digitale... si tant qu'elle soit émise par une institution. C'était la position du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, au moment de lancer, en décembre 2019, une série d'expérimentations en vue de créer une monnaie digitale de banque centrale dans les mois qui viennent.
Par parenthèse, il ne faut pas oublier les mesures prises auparavant par la France: en 2018, suite à l'amendement de Bruno Le Maire voté par l'Assemblée nationale, Bercy avait imposé l'obligation de déclarer ses comptes de crypto-actifs ainsi que l'instauration d'une taxe de 30% sur les plus-values en Bitcoin et autres actifs numériques.
Cette mesure, apparemment de coercition, était avant tout un moyen d'installer durablement dans le paysage financier ces nouveaux crypto-actifs en leur donnant un cadre juridique mais aussi fiscal. Le ministre de l'Économie et des Finances avait auparavant souligné le potentiel de la technologie derrière le Bitcoin et plaidé pour une régulation attractive et pragmatique, mais sans complaisance, des cryptomonnaies et autres jetons, à travers la loi Pacte.
(avec agences)
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