Comment la Société Générale renforce son expertise dans la Blockchain

La banque de La Défense a émis sa première obligation, d'un montant de 100 millions d'euros, sur la Blockchain publique Ethereum. Elle mène, en parallèle, d'autres projets reposant sur les technologies de registres distribués.
Juliette Raynal
(Crédits : Reuters)

Société Générale continue d'explorer le potentiel de la Blockchain. Cette technologie dite de chaîne de blocs, née avec le bitcoin il y a dix ans, recèle des qualités d'immuabilité, de transparence et d'automaticité pouvant améliorer radicalement certains processus financiers encore longs et coûteux. La banque rouge et noire l'a testée pour optimiser le circuit d'émission obligataire. Elle a annoncé avoir émis le jeudi 18 avril une première émission d'obligations sécurisées, des obligations de financement de l'habitat, pour un montant de 100 millions d'euros sur la Blockchain publique, Ethereum.

Ces obligations sécurisées ont ainsi été émises sous la forme de jetons financiers, ou security tokens en anglais, baptisés OFH. Les jetons financiers sont des actifs numériques enregistrés sur une Blockchain qui présentent des caractéristiques de produits financiers, comme une action ou une obligation. Ils se distinguent des autres catégories de crypto-actifs comme les cryptomonnaies (bitcoin, ether) ou les jetons utilitaires, émis lors d'une ICO, qui donnent un accès privilégié à un service.

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Une première pour un groupe du CAC 40

L'émission a été réalisée par Société Générale SFH, la filiale du groupe dédiée aux opérations de refinancement de crédits immobiliers. Ces obligations, considérées très sûres par les agences de notation Moody's et Fitch qui les ont notées triple A, ont été entièrement souscrites par Société Générale. Le projet a été piloté par les équipes de Forge, une startup interne du groupe spécialisée dans les projets Blockchain, accompagnée du cabinet Pwc.

« C'est la première fois qu'un groupe du CAC 40 réalise une émission de jetons financiers sur une Blockchain publique. Le fait que Société Générale ait recours à ce dispositif constitue un signal fort. Cela montre que l'écosystème français atteint un certain niveau de maturité », souligne Franck Guiader, du cabinet d'avocats Gide, qui a accompagné l'établissement bancaire dans cette opération.

Traditionnellement, le circuit d'émission obligataire implique de recourir à des tiers de confiance pour apporter la preuve de la détention des titres, valider les flux et les règlements. La Blockchain, qui permet de stocker et transférer des données de manière sécurisée, décentralisée et infalsifiable, élimine un certain nombre d'intermédiaires et crée des gains d'efficacité.

« Les avantages [de cette transaction, ndlr] sont nombreux : modularité du produit et délais de mise sur le marché raccourcis, automatisation des événements sur titre, transparence accrue, transfert des titres et règlement plus rapides », décrit la banque dans un communiqué de presse.

Réduction des coûts

«Sur la Blockchain Ethereum, comme sur la plupart des blockchains publiques, les coûts d'émission d'un titre financier sont très faibles comparés à d'autres moyens d'émission. Par ailleurs, cette technologie présente un très fort potentiel de baisse des coûts pour la gestion du titre financier, car il s'agit d'un protocole open source qui est en permanence maintenu par une communauté de développeurs », note Sébastien Choukroun, manager du Blockchain Lab de Pwc France. « Cette technologie était intéressante pour ce projet, mais il ne s'agit pas d'un choix définitif », ajoute-t-il.

D'un point de vue juridique, les émissions de jetons financiers (ou STO pour Security Token Offerings en anglais) se distinguent des émissions de jetons utilitaires (ou ICO pour Initial Coin Offerings en anglais ), réglementées par la loi Pacte, votée définitivement le 11 avril dernier. La qualification de jeton financier implique de se soumettre à la réglementation des marchés financiers. Le cabinet Gide s'est donc attaché dans un premier temps à qualifier juridiquement ces jetons puis à mettre en musique dans la documentation juridique tous les aspects techniques relatifs à la Blockchain.

Multiplication des émissions de jetons financiers

 «Ce premier projet pilote a permis à Société Générale de valider un certain nombre d'éléments techniques et juridiques. C'est une étape très significative, mais ce n'est que le début d'un processus », estime Hubert Merveilleux du Vignaux du cabinet Gide. Selon les informations des Echos, la banque espère convaincre ses clients de tester à leur tour une émission sur la Blockchain via des jetons numériques.

D'une manière générale, les experts du secteur s'attendent à une accélération des STO dans les mois à venir. Au point que de nouveaux produits d'assurance protégeant les émetteurs et les investisseurs de STO devraient voir le jour.

En parallèle de ce projet pilote, Société Générale mène déjà plusieurs initiatives Blockchain. Elle participe notamment à la plateforme We.trade dédiée au financement du commerce international. Basée sur la technologie Hyperledger d'IBM, elle est désormais disponible pour toutes les entreprises clientes du groupe en France et vise plusieurs milliers de transactions d'ici la fin de l'année. La banque de La Défense figure également parmi les membres fondateurs de la plateforme Komgo. Désormais constituée en société indépendante, et dirigée par Souleïma Baddi auparavant à la tête de la division commerce et négoce de Société Générale, elle permet de digitaliser le financement du commerce de matières premières.

Juliette Raynal

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