Finance durable : le label ISR se veut encore plus vert

Le comité du label ISR (investissement socialement responsable) vient de présenter pour consultation son nouveau référentiel afin de renforcer les exigences sur la définition de l’univers d’investissement et les méthodes de suivi. Le taux de sélectivité passe de 20 à 30 % et les règles d’exclusion sont durcies, notamment pour les compagnies pétrolières. Cette refonte du label doit cependant être acceptée par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, pour une éventuelle application en 2024.
Le label ISR en France représente quelque 1.200 fonds pour près de 800 milliards d'euros d'encours.
Le label ISR en France représente quelque 1.200 fonds pour près de 800 milliards d'euros d'encours. (Crédits : DR)

Le label ISR fait peau neuve. Il était temps. Lancé en 2016 à l'initiative de Bercy, autrement dit aux temps préhistoriques de la finance durable, ce label innovant à l'époque, a mal vieilli et accumule les critiques, notamment sur son manque de contraintes. Comment en effet justifier auprès d'un client d'un fonds ISR la présence de TotalEnergies ou d'Engie parmi les principales lignes de portefeuille ?

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Ce label n'en demeure pas moins le fer de lance de la finance durable en France, avec 1.200 fonds labellisés ISR (investissement socialement responsable) en France pour un encours de 773 milliards d'euros, au 31 mars 2022. Conscient des vulnérabilités du label, le comité du label de l'ISR, largement renouvelé en 2021, a commencé ses travaux il y a deux ans pour en renforcer l'exigence, surtout à l'heure de la mise en œuvre effective des normes européennes SFDR en matière de finance durable.

Fermer les portes

« Fort de l'expérience, nous avons essayé de fermer un certain nombre de portes. C'est pour cette raison qu'écrire un nouveau référentiel est assez compliqué si nous souhaitons éviter le maximum de contournements possibles », résume Michèle Pappalardo, présidente du comité depuis octobre 2021, très proche de Nicolas Hulot dont elle co-préside la fondation. Il ne s'agit donc pas d'un simple toilettage mais bien « d'une refonte du label » mais si ce dernier conserve sa structure et son approche généraliste ESG (environnement, sociétal et gouvernance).

Ce nouveau référentiel - qui permet aux certificateurs de vérifier que le fonds respecte bien les critères d'éligibilité au label- est proposé à la consultation pendant six semaines aux parties prenantes (investisseurs, ONG, CGP...) avant d'être soumis à l'approbation du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, pour une application effective en 2024. Et l'idée, souligne Michèle Pappalardo, est bien d'actualiser le nouveau référentiel tous les deux ou trois ans.

TotalEnergies et consorts exclus mais pas les importateurs

Ce référentiel n'est pas d'une lecture facile mais quelques idées fortes s'en dégagent. Tout d'abord, c'est l'exclusion des entreprises « dont plus de 5% de l'activité provient du charbon (en pourcentage du chiffre d'affaires) ou des énergies fossiles non conventionnelles (en pourcentage de la production totale), ou développant de nouveaux projets de ce type d'énergie ». Exit donc TotalEnergies, comme la totalité des grandes majors pétrolières, y compris les plus avancées dans les énergies renouvelables. Curieusement, les importateurs d'énergies non conventionnelles échappent à l'exclusion du label.

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 C'est sans doute la mesure la plus visible et la plus spectaculaire de ce projet de refonte, sous réserve bien sûr qu'elle soit validée par Bercy. Les lobbies ont donc six semaines pour convaincre. Des critères d'exclusion sont également confirmés pour le tabac ou l'armement « controversé » (mines, sous-munitions...).

Resserrer les boulons

Outre cette mesure phare d'exclusion, le nouveau référentiel entend resserrer les boulons à tous les étages. Ainsi, dans le cadre d'une approche « Best in Class », c'est-à-dire sélectionner les entreprises les mieux notées en matière ESG dans un univers d'investissement (actions européennes, valeurs Tech...), le seuil de sélectivité (ou d'exclusion) passera progressivement de 20 à 30%. Autrement dit, 30% des entreprises les moins bien notées doivent être exclues d'un univers donné, ce qui peut s'avérer compliqué dans des univers d'investissement plus restreint (valeurs moyennes, valeurs de rendement... ).

Mieux, les règles de définition de l'univers d'investissement initial seront plus encadrées pour éviter les gérants ne fassent leurs propres critères, notamment en introduisant des entreprises mal notées qui ne correspondent pas à leur univers pour mieux les exclure ensuite. Et d'ailleurs, Michèle Pappalardo a promis un contrôle beaucoup plus strict de ces univers par les certificateurs.

Autre avancée : la méthode pour calculer le taux de sélectivité prend désormais en compte la taille de l'entreprise pour faire en sorte qu'une PME ne puisse pas compter autant qu'une multinationale dans le pourcentage d'exclusion.

Conserver le caractère généraliste

L'autre méthode de sélection de l'univers permise par le label, celle de l'amélioration de la note - adoptée par 40% des fonds ISR - est également plus contraignante. Il est désormais demandé que la note moyenne du portefeuille soit meilleure que celle de l'univers d'investissement, dont on a retiré les 30% d'entreprises les moins performantes en matière d'ESG. Enfin, le label exige désormais une analyse « climat » systématique des valeurs, notamment un suivi des objectifs de réduction des émissions de carbone.

Pourtant, le comité souhaite conserver le caractère généraliste du label ISR, quitte à ce qu'il devienne le socle de labels plus ciblés, avec notamment l'exigence que la notation des émetteurs compte au minimum pour 20% de chacune des composantes de l'ESG. « Nous ne visons pas à être le meilleur label climat ou vert mais même dans une approche généraliste ESG, on doit avoir une vision claire de ce que fait la valeur sélectionnée en matière de climat », explique Michèle Pappalardo.

Quand les CGP prennent leur label en main

Sans doute lassés des procès en « greenwashing » et étourdis par l'explosion de l'offre ISR, des conseillers en gestion de patrimoine, Anne Delaroche et Vincent Auriac, ont pris l'initiative de créer leur propre label de sélection... de sociétés de gestion (et non cette fois-ci des fonds eux-mêmes). Sa recette : la simplicité ! Un atout de taille dans un univers qui tend à se complexifier à grande vitesse. Ainsi, Clean Score permet d'évaluer les sociétés de gestion sur trois points fondamentaux de l'ESG : le climat, la mixité sociale et la philanthropie. Un moyen de valider l'engagement réel des sociétés de gestion. Récemment, c'est la Financière de l'Échiquier qui a accepté de jouer le jeu et d'être ainsi notée par Clean Score !

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