Boeing a le droit de faire voler ses 737 MAX (pour les stocker ailleurs qu'à Seattle)

Malgré l'interdiction des vols des 737 MAX la direction de l'aviation civile américaine a autorisé à Boeing à les faire pour parquer quelque part les avions assemblés qui ne pourront plus être stockés sur le site de production de Seattle, faute de place.
(Crédits : Joshua Roberts)

Les Boeing 737 MAX peuvent reprendre les airs sans attendre les conclusions de l'enquête de l'accident d'un appareil de ce type d'Ethiopian Airlines, faisant 157 victimes à bord le 10 mars. Mais sans passagers à bord. Si les vols reprennent effectivement, ce sera uniquement pour aller parquer quelque part les appareils qui sortent de la chaîne d'assemblage et qui ne pourront plus être stockés sur le site de production de Renton, près de Seattle. Si Boeing a interrompu les livraisons, l'avionneur a maintenu la production dans le but d'introduite la solution à ses problèmes sur tous les avions stockés et livrer rapidement ces derniers.

Le certificat de navigabilité n'a pas été retiré

Selon les autorités américaines, de telles dispositions ont été accordées à Boeing par la Federal Administration Agency (FAA), la direction générale de l'aviation civile, lorsque cette dernière a interdit les vols des 737 MAX la semaine dernière. "La FAA a décidé d'interdire les opérations, mais n'a pas retiré le certificat de navigabilité de l'avion qui aurait décrété que l'avion n'était pas en mesure de voler", a expliqué surpris à La Tribune, un expert européen des questions de sécurité. En attendant, si Boeing décidait de faire voler ses avions pour aller les parquer ailleurs qu'à Renton, la décision pourrait en surprendre plus d'un. Comment pourrait-on autoriser un avion cloué au sol pour des raisons de sécurité reprendre les airs avec des pilotes à bord ?

Avec une cadence de production de 52 appareils par mois, l'avionneur est confronté au défi du stockage de ces avions qu'il ne peut pas livrer aux compagnies aériennes. Selon nos informations, Boeing a des solutions pour absorber deux mois de production, soit plus de 100 appareils.

La justice s'en mêle

Par ailleurs, la justice américaine a décidé de faire la lumière sur les relations entre Boeing et les autorités fédérales chargées de certifier ses appareils 737 MAX. Selon le Wall Street Journal, qui cite des sources proches du dossier, le 11 mars, au lendemain de l'accident d'Ethiopian Airlines, la justice a assigné au moins une personne impliquée dans le développement du programme 737 MAX à fournir des documents, incluant des lettres, des courriels ou d'autres messages. Lundi soir, dans un message écrit et dans une vidéo, le PDG du constructeur aéronautique, Dennis Muilenburg, a réaffirmé que "la sécurité (était) au coeur de qui nous sommes chez Boeing; assurer des vols sûrs et fiables sur nos appareils est une valeur bien établie et un engagement envers tout le monde".

L'affaire "prend un tour entièrement nouveau avec l'enquête criminelle", a réagi Scott Hamilton, expert aéronautique chez Leeham Company. "Contrairement à la France où les enquêtes criminelles sont habituelles quand il y a un accident d'avion, c'est très, très rare aux Etats-Unis", souligne-t-il, se souvenant d'un seul précédent, celui de ValuJet, le 11 mai 1996, lors d'un accident d'un DC-9 en Floride faisant 110 morts.

Parallèlement, toujours selon le  Wall Street Journal, le département américain des Transports (DOT) mène une enquête sur le processus d'approbation par la FAA des 737 MAX. Il se penche en particulier sur le système de stabilisation de l'avion dit "MCAS" (Maneuvering Characteristics Augmentation System), qui a été installé sur les B737 MAX pour éviter les risque de décrochage. Si les causes exactes de l'enquête ne seront pas connues avant plusieurs mois, les autorités éthiopiennes qui ont lu les boîtes noires de l'appareil, ont noté des similitudes avec l'accident de Lion en octobre, faisant 187 victimes, dont  l'enquête a mis en cause un dysfonctionnement du MCAS.

Certification conforme à la réglementation

Interrogée par l'AFP lundi, la FAA n'a fait aucun commentaire sur les enquêtes en cours, expliquant, comme l'a fait Boeing, que la certification du MAX, version remotorisée du 737, s'était déroulée conformément à la règlementation. Selon Boeing, la FAA "a examiné la configuration finale et les paramètres d'exploitation du système MCAS lors de la certification du 737 MAX, et conclu que ce système répondait à toutes les exigences réglementaires et de certification applicables".

Des documents disponibles sur le site de la FAA montrent que le 737 MAX a été certifié comme un dérivé du 737 NG, son prédécesseur. Autrement dit, il n'a pas été inspecté dans son intégralité, la FAA estimant qu'était pas nécessaire d'examiner certains systèmes. Ceci est habituel dans l'aéronautique s'agissant d'un avion dérivé.

Coupes budgétaires

Plus gênant, selon l'AFP qui cite des sources concordantes, la FAA, confronté à des coupes budgétaires et manquant d'expertise, a délégué à des employés de Boeing la certification du MCAS, un logiciel nouveau.
Lundi, la FAA a indiqué à l'AFP avoir déjà approuvé le correctif de certains systèmes dont le MCAS que Boeing est en train de développer. Elle n'était en revanche pas en mesure de dire ce qui avait été fait entre l'accident de Lion Air et celui d'Ethiopian Airlines. Selon l'AFP citant un expert aéronautique ayant requis l'anonymat, les modifications étaient prêtes dès la fin de l'année, mais la fermeture partielle des administrations fédérales américaines (shutdown) en décembre et janvier aurait retardé leur approbation et leur installation sur les avions. Peter DeFazio, le président de la commission parlementaire des Transports à la Chambre des représentants, envisage, lui, de lancer une enquête sur la certification du 737 MAX, selon des sources parlementaires, ajoutant que des auditions publiques de responsables de la FAA ne sont pas exclues.

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Commentaires 4
à écrit le 20/03/2019 à 0:13
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Bonsoir . Just un point se rapportant à vos quelques lignes : avez vous un. passé dans l aéronautique ou même êtes vous en fonction dans le secteur . As ingénieur , technicien , air crew ou autres ? A SUIVRE . Bonne continuation.

à écrit le 19/03/2019 à 18:57
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Cet avion, c'est un peu comme le bricoleur du dimanche qui a gonflé voire changé le moteur de sa "caisse" sans se poser la question de savoir si les freins, la boîte de vitesse, l'embrayage, les transmissions...supporteront la puissance, le poids sup...

à écrit le 19/03/2019 à 15:17
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Quelle économie de fou, voilà maintenant qu'ils vont faire se promener des avions dans le ciel, vides. Si les compagnies aériennes et constructeurs aériens payaient le carburant aussi cher que nous, je vous garantie qu'ils construiraient de nouve...

le 19/03/2019 à 17:13
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Le problème, c'est la place... Il se peut que Boeing ne puisse livrer ces avions durant 4 semaines, voire 8 même. Hors, ils ne veulent pas arrêter la production, partant du principe que la correction sera logicielle. A raison de 2 avions fabriqués pa...

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