
Bis repetita. Après le missilier MBDA, Safran. Le motoriste français a lui aussi déposé un recours en annulation auprès de la Commission européenne après avoir longuement réfléchi à engager cette action à la suite du choix de GE Avio par la Direction générale de l'industrie de défense et de l'espace (DG DEFIS) de la Commission européenne en vue de coordonner le projet NEUMANN dans le cadre du Fonds européen de défense FED), selon des sources concordantes. Pour autant, Safran ne se fait guère d'illusions sur le résultat de ce recours, le motoriste souhaitant marquer son agacement au moment où la France, l'Allemagne et l'Espagne maintiennent leur volonté de lancer le SCAF (Système de combat aérien du futur) face au Tempest (Grande-Bretagne, Italie et Japon).
Le projet NEUMANN doit permettre sur une période de quatre ans de développer les premières briques technologiques (TRL 4) d'une nouvelle motorisation (énergie nouvelle) afin de répondre aux besoins opérationnels d'un futur avion de combat européen. Des défis technologiques qui concernent des domaines hyper pointus, notamment dans les matériaux à haute température, la gestion thermique améliorée par les technologies de fabrication additive, la production d'énergie et les systèmes de gestion et de contrôle.
Ni Safran ni MTU pourtant à bord du SCAF
La DG DEFIS précise que le projet NEUMANN implique des acteurs majeurs de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) pour répondre au besoin d'autonomie stratégique dans le but de développer des éléments de base nécessaires à de nouveaux systèmes de propulsion et d'énergie compétitifs. En dépit de son colossal travail pour faire émerger le FED, puis pour le doter de fonds budgétaires inédits (13 milliards d'euros sur la période 2021-2027), la DG DEFIS s'est trompée stratégiquement sur le choix de l'industriel coordonnant le projet NEUMANN, crucial pour les enjeux de souveraineté européenne. Pour trois bonnes raisons.
L'équipe de la DG DEFIS, qui a sélectionné GE Avio (mais aussi Leonardo et Saab), est clairement passée à côté des acteurs majeurs de la filière motoriste européenne : Safran, le seul motoriste de l'Union européenne à avoir conçu entièrement un moteur d'avion de combat (M88, moteur du Rafale), ainsi que l'allemand MTU et l'espagnol ITP (filiale de Rolls Royce). Trois groupes qui coopèrent aujourd'hui pour développer la motorisation de l'avion de combat (NGF) du Système de combat aérien du futur (SCAF), le projet le plus emblématique de toute l'histoire des programmes européens. MTU et Safran Aircraft Engines ont d'ailleurs créé une nouvelle société commune baptisée EUMET GmbH (European Military Engine Team) rejointe par ITP.
Bien au contraire, les équipes de la DG DEFIS ont confié le projet NEUMANN à GE Avio, le motoriste italo-américain à bord du programme concurrent du SCAF, le Tempest. Un programme dirigé par la Grande-Bretagne en coopération avec l'Italie et le Japon. Au sein de l'UE, deux équipes d'industriels vont donc travailler séparément sur le développement d'un moteur d'avion de combat alors que le FED était censé faire cesser les redondances en Europe. Au final, l'UE va-t-elle financer à travers NEUMANN le Tempest ? Impensable.
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