Texelis est montée en grade. Basée à Limoges, elle a réussi le défi de s'imposer comme une alternative à Arquus pour les solutions de mobilité (4x4, 6x6, 8x8) destinées aux véhicules blindés de l'armée française. En partenariat avec Nexter au sein d'un GME (Groupement momentané d'entreprises), elle a non seulement soufflé fin 2017 le programme Serval à Arquus, le sortant qui fabrique le VAB, mais n'a pas non plus déraillé devant l'ampleur de ce projet. Elle a su conquérir ses galons auprès de la DGA (Direction générale de l'armement), qui a fait le pari en 2017 de faire monter une société quasi inconnue (ex-Renault Trucks avant de devenir indépendante en 2009) sur un des dossiers majeurs pour l'armée de Terre, la mobilité des blindés 4X4, pour casser le monopole d'Arquus.

Un sacré bond grâce au Serval

Pari gagné. Ainsi, fin janvier, la DGA a remis à l'armée de Terre le 200ème blindé multi-rôle léger (VBMR-L) Serval, dont les premiers exemplaires ont été livré en 2022. En 2024, le GME doit livrer 103 véhicules, dont 19 ont déjà été remis à l'armée de Terre. En service depuis 2022, le Serval va prochainement faire ses griffes en Estonie dans les plaines et les bois de cet État balte dans le cadre de l'opération Lynx. Soit plus d'une quinzaine de véhicules.

« Grâce au programme Serval, nous avons accéléré notre croissance », souligne le directeur général de Texelis. Entre 2016 et 2023, le chiffre d'affaires de l'entreprise limougeaude s'est envolé de plus de 80%, passant de 62 à 112 millions d'euros (91 millions en 2019, 63 millions en 2021). Fin 2023, le carnet de commandes de Texelis s'élevait à 250 millions d'euros (civil et militaire). De quoi voir venir... Et ce n'est pas fini. En 2027, Texelis compte « tutoyer les 200 millions d'euros de chiffre d'affaires », glisse le directeur général de Texelis, Jean Vandel, à La Tribune. Un chiffre d'affaires qui sera en partie boosté par la commande de 97 Serval supplémentaires, qui se rajoute aux 1.060 VLTP (Véhicule léger tactique polyvalent protégé) à équiper (deux commandes de 530 véhicules).

Avant de refaire confiance à Texelis, la DGA a souhaité attendre les premières livraisons du Serval. « Aux yeux de la DGA et de Nexter, il était clair que nous devions faire nos preuves », explique-t-il. Résultat, l'entreprise n'a pas eu le droit de pousser les murs avec le VBAE (Véhicule blindé d'aide à l'engagement), confié à un GME composé d'un mandataire, Arquus, et de son co-traitant Nexter. Sujet verrouillé...

L'international en ligne de mire

Clairement, le conflit russo-ukrainien n'a pas impacté directement les ventes de Texelis, qui d'ailleurs se trouve très rarement en première ligne pour vendre à l'exportation ses solutions de mobilité. En revanche, il propose à des partenaires internationaux ses solutions. Et ça marche ! L'entreprise a fourni en 2014 au groupe serbe Yugoimport, dans le cadre d'un partenariat sur la définition de la mobilité, les ponts des 4×4 blindés Milosh et Milosh 2, ainsi que les ponts, la direction et les boîtes de transfert des 8×8 blindés Lazar 3. Au total, ce sont plusieurs centaines de véhicules de combat de l'armée serbe qui sont aujourd'hui équipés de solutions Texelis. En 2017, elle est aussi montée à bord du finlandais Sisu en livrant des suspensions et des essieux pour les blindés 4x4 Sisu GTP, un véhicule vendu aux armées suédoises et finlandaises.

Depuis 2023, Texelis propose au marché la solution Celeris, développée grâce aux technologies du Serval pour proposer des solutions de mobilité sur-mesure aux fabricants de blindés. Soit un véritable game changer pour l'entreprise limougeaude, qui dispose dans son portefeuille d'une solution de mobilité complète et offre donc un  accompagnement dans le développement de nouveaux véhicules sur la base de kits adaptables. Et désormais Texelis se pilote pied au plancher. Elle a déjà vendu plusieurs dizaines vendus sur deux continents (Amérique du Nord et Asie) avec un potentiel de plusieurs centaines par an. Elle a également récemment signé des accords avec des constructeurs de blindés dans plusieurs pays émergents.

C'est le cas aux Émirats Arabes Unis (EAU) où Texelis a signé fin janvier un protocole d'accord stratégique avec le groupe émirien Advanced Armoured Engineering (AAE), qui vise l'intégration de ses technologies dans le développement de véhicules militaires. Elle est également montée à bord d'un acteur canadien, qui doit développer un blindé 4x4 (possiblement Inkas ?). Par ailleurs, Texelis fournira dans le cadre d'un accord de partenariat avec le groupe indonésien PT Sentra Surya Ekajayais (PT SSE) des kits Celeris au premier semestre 2024 pour le premier prototype d'un véhicule blindé de transport de troupes pour les forces armées nationales indonésiennes. Ce prototype devrait être déployé avant la fin de 2024. A terme, ces kits devraient équiper plusieurs centaines de blindés. Enfin, en Europe, Texelis est entré en campagne en Roumanie.

Un avenir prometteur

Tout s'accélère pour cette entreprise tricolore, qui ne connait pas encore ses limites. Elle dispose « d'un outil de production unique » en France avec une industrialisation « très intégrée » pour suivre ses produits tout au long du coût du possession (développement, qualification, fabrication, intégration et soutien), souligne Jean Vandel... Et Texelis, qui est également présent sur le marché du transport civil (systèmes intégrés, moteurs et châssis et transmissions pour les tramways et les métros), vise le marché les blindés chenillés où elle aimerait placer ses boites de vitesse.

Michel Cabirol

12 Mars 2024, 6:00

Partager :