Made in France : les chaussures Heschung changent encore de propriétaire

Nouvel épisode dans la saga capitalistique d'Heschung. Moins de deux ans après la reprise par le fonds FLG de l'ancien ministre Renaud Dutreil, le fabricant alsacien de chaussures de luxe est racheté par le nordiste Philippe Catteau, investisseur spécialiste de la distribution en centre de marques.
Les chaussures Heschung sont produites en Alsace depuis 1934.
Les chaussures Heschung sont produites en Alsace depuis 1934. (Crédits : Olivier Mirguet)

La synergie espérée n'a pas eu lieu. En reprenant en décembre 2021 le spécialiste alsacien des chaussures de luxe Heschung, l'ex-ministre des PME Renaud Dutreil, désormais gestionnaire de fonds d'investissement, entendait créer un pôle haut de gamme du soulier made in France. Adossé au fonds Mirabaud Patrimoine Vivant (MPV), l'autre fonds French Legacy Group (FLG) promettait une osmose haut de gamme entre le drômois Clergerie, l'équipementier Le Coq Sportif ou encore le joaillier Mauboussin, présents au portefeuille de MPV. Mais plombé par des aléas récurrents de trésorerie, FLG s'est écroulé en avril, placé en redressement judiciaire.

Pierre Heschung, petit-fils du fondateur de l'entreprise basée à Steinbourg (Bas-Rhin), a trouvé un repreneur. Le nordiste Philippe Catteau, spécialiste de la distribution en centre de marques (One Nation à Clayes-sous-Bois) s'est engagé à ses côtés pour investir 3,7 millions d'euros dans la relance de cette marque qui va fêter ses 90 ans d'existence en Alsace. Le fonds PPL Finance, détenu par Philippe Catteau, acquiert 75 % de la nouvelle entité Heschung & Cie. Pierre Heschung conserve 25 % du capital de l'entreprise familiale. A terme, un accord capitalistique permettra à Pierre Heschung de remonter à 35 %, les 5 % restants étant partagés avec des salariés.

Cousu norvégien

« Nous avons préservé l'intégralité de nos emplois, soit 65 personnes, et sauvé tout notre savoir-faire historique », se réjouit Pierre Heschung. Spécialiste du cousu norvégien, une technique traditionnelle d'assemblage de la tige et de la semelle, Heschung a produit 20.000 paires de chaussures en 2022. Le prix de vente des modèles emblématiques de la gamme s'établit autour de 650 euros.

Entamée en 1934 dans les chaussures de travail, poursuivie dans les années 1960 dans les chaussures de ski et réorientée ensuite vers le mocassin et les bottines de luxe, l'histoire de l'entreprise aurait pu se terminer cet été par une mise en faillite. « Derrière son discours qui promettait de préserver le patrimoine vivant, FLG n'était obsédé que par la rentabilité. Trois mois après leur entrée au capital, ils m'ont fait signer une convention de trésorerie qui apparaissait nécessaire pour sauver Clergerie, l'autre entité de leur pôle chaussures. Nos caisses ont été vidées », a déploré Pierre Heschung.

Après avoir approché divers fonds d'investissement à Paris, Lyon ou Luxembourg, Pierre Heschung a trouvé un accord avec Philippe Catteau. Ce dernier n'apparaît pas comme un spécialiste de l'industrie. « Il n'a jamais effectué aucune reprise à la barre du tribunal. Son métier, c'est la distribution avec plus de 1.200 baux commerciaux en gestion », témoigne Pierre Heschung. Les premiers investissements seront réalisés cet été en Alsace avec la reconstruction d'un magasin d'usine pour les chaussures Heschung à Steinbourg, et l'acquisition (1,5 million d'euros) de nouvelles machines de production. L'entreprise prévoit 8,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023, puis 10 millions d'euros en 2024.

L'histoire s'est écrite avec Adidas, Trappeur et Manfield

« Nous misons sur une communication plus identitaire, rurale et alsacienne », promet Pierre Heschung, qui n'entend pas révolutionner ses gammes ni ses méthodes de production manuelle. Un accord de co-branding a été maintenu avec le spécialiste de la mode Comme des Garçons, qui présentera en septembre 2023 une mini-gamme dédiée. Un accord de coopération similaire avait été trouvé il y a dix ans avec Adidas, dont Heschung fut un sous-traitant dans les années 1970. Cet épisode s'était soldé par la réédition de deux collections historiques de modèles de sport, en série limitée. Heschung possède aussi, dans son patrimoine, les gammes de chaussures de ski en cuir des Jeux Olympiques de 1968 dont il pourrait s'inspirer pour de futures collections.

Le capital des Ateliers Heschung n'a pas toujours été 100 % familial. Après s'être associé avec Trappeur dans les années 1970, la marque a été partagée pendant une dizaine d'années avec le distributeur Manfield, avant de retrouver son indépendance. En 2014, ses effectifs s'établissaient encore à 200 salariés, dont 80 dans un atelier de confection en Hongrie. L'unité hongroise a été fermée en 2020, et toute la production rapatriée en Alsace. Pierre Heschung, 62 ans, prépare désormais sa succession.

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Commentaires 4
à écrit le 11/07/2023 à 12:36
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Fabriquer des souliers de haute qualite sous entend une clientelle fidele et a l'aise financierement. Dans un pays qui se pauperise a toute vitesse, il y a d'autres priorites que de bien se chausser. Mauvaise etude de marche, voila le resultat.

le 11/07/2023 à 16:14
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Je vous rassure. Si une espèce est loin d'être menacée, c'est bien celle des millionnaires. Le système est pensé par eux et pour eux.

le 12/07/2023 à 7:30
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Il parle pas des millionnaires, encore pires que les milliardaires, il parle des classes moyennes plus qui disparaissent aussi les pauvres et les moyens ayant déjà été pillés.

à écrit le 11/07/2023 à 11:09
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"Heschung " Ah ? C'est français l’Alsace vous êtes sûr ? Hum... curieux.

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