Tourisme : l'impact direct du conflit russo-ukrainien sera limité chez les voyagistes français

A peine sortis de deux années de crise sanitaire qui ont durement touché leur activité, les professionnels du tourisme s'inquiètent davantage des conséquences indirectes du conflit (hausse des coûts du carburant, baisse du moral des clients) que de l'arrêt du tourisme de loisirs en Russie. Le conflit en Ukraine aura des répercussions induites sur la fréquentation des autres pays d'Europe de l'Est et des Etats baltes.
En 2019, la Fédération de Russie avait accueilli 154.000 touristes français.
En 2019, la Fédération de Russie avait accueilli 154.000 touristes français. (Crédits : Olivier Mirguet)

Il n'y aura pas de voyages organisés ce printemps pour des touristes français vers la Russie. Dès le 24 février, le syndicat des entreprises du tour-operating (Seto) a recommandé à ses membres de suspendre tous les départs jusqu'au 4 avril. L'actualisation attendue avant le 24 mars ne pourra que prolonger cette situation. La recommandation du Seto permet aux clients de bénéficier d'un avoir, et elle est avant tout symbolique. "Le marché russe n'avait pas encore redémarré cet hiver après la crise sanitaire. Les clients ne voulaient plus y aller, et la saison touristique ne démarre jamais avant le mois d'avril. Ces reports des voyages organisés depuis la France toucheront au maximum 200 personnes", a calculé René-Marc Chikli, président du Seto.

Les déplacements à destination de la Russie ont été fortement entravés au début de la guerre par la fermeture de l'espace aérien depuis les pays européens. Dans ses conseils aux voyageurs, depuis le 5 mars, le ministère français des Affaires étrangères "déconseille fortement" tout déplacement vers ce pays. En 2019, un an après la Coupe du monde de football, la Russie avait accueilli 154.000 touristes français selon le service des frontières du pays.

Leader sur la vente de forfaits touristiques vers la Russie, l'autocariste et tour-opérateur finistérien Salaün commercialise ses séjours sous la marque Pouchkine Tours. Plusieurs formules sont proposées en circuit, en bateau, en autocar ou en transsibérien. En 2019, la Russie représentait chez Salaün 10.000 clients et 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Soit 10 % de son activité. L'entreprise bretonne s'était-elle trop exposée à un risque dans ce pays ? "Ce qui se passe là-bas est dramatique mais sur le plan du business, je n'ai pas envie d'en parler", répond Michel Salaün, PDG de cette entreprise fondée en 1932 par son grand-père.

A l'autre bout de la France, dimanche 6 mars, l'autocariste lorrain Schidler a organisé un convoi humanitaire de six autocars pour rapatrier jusqu'à Metz 237 réfugiés ukrainiens massés à Mlyny, la frontière polonaise. A l'aller, Schidler avait emporté 150 mètres cubes de biens de première nécessité. En temps normal, les voyages touristiques vers l'Europe de l'Est représentent 20 % de son activité. "Les autocaristes sortent de deux années très difficiles. Il y a une pénurie de conducteurs, maintenant il y a la guerre mais ce qui va nous affecter directement, c'est la baisse du pouvoir d'achat, le prix du carburant", prévoit Thierry Schidler, président de cette entreprise de 70 salariés à Bouzonville (Moselle).

Si la guerre ne perturbe pas directement l'économie des tour-opérateurs, elle a déjà un effet sur les affaires en cours : les clients se sont mis en attente. Le 11 mars, le média spécialisé L'Echo Touristique a réalisé un sondage auprès des agences de voyages françaises. 70 % des professionnels interrogés constatent un ralentissement global des réservations sur toutes les destinations. Mais les réservations de vacances en France et en Europe du Sud, qui auraient pu faire office de valeurs refuges, n'augmentent pas pour autant. "En sortie de crise du Covid, nous étions en progression par rapport à 2019", rappelle René-Marc Chikli. "On a observé un tassement des réservations dès la première semaine de la guerre à la fin du mois de février. Depuis la semaine dernière, ce ralentissement est encore plus marqué. Mais le tassement est davantage moral qu'économique et on se rattrapera dès qu'il y aura une accalmie", espère René-Marc Chikli.

Phobie collective

"Chez les touristes, il existe une phobie collective en termes de risques", commente Laurent Lanfranchi, directeur de Terra Nobilis, tour-opérateur spécialisé dans les voyages culturels moyen-courriers. En 2019, un tiers de ses clients ont choisi la Russie, les pays baltes ou la Bulgarie. "La semaine dernière, j'ai eu des annulations sur la Bulgarie et sur la Finlande. J'ai proposé le Danemark. Les clients m'ont répondu que c'était trop près des sous-marins russes", se désole Laurent Lanfranchi. Sa visite en groupe avec conférencier de "Kiev la mère des villes russes", prévue cette année du 2 juin au 5 juin, est annulée.

La Russie est perçue, en France, comme une destination propice aux voyages culturels et aux circuits, avec des combinés Moscou-Saint-Pétersbourg ou des croisières fluviales. CroisiEurope, qui organise depuis la fin des années 1990 des croisières sur la Neva et la Volga, a prévu de reprendre sa programmation saisonnière en mai. Les premiers départs cette année sont prévus au mois de mai, à bord de bateaux affrétés en Russie. A partir du mois de juin, c'est déjà complet. Le spécialiste alsacien, dont les bateaux naviguent également sur le Danube, craint une extension de l'impact de la guerre sur des pays d'Europe centrale voisins de l'Ukraine, comme la Roumanie. Et s'inquiète en premier lieu de la hausse du coût de l'énergie : avant la crise, les dépenses de carburant représentaient 9 % de son chiffre d'affaires.

"La guerre en Ukraine va aussi affecter aussi les acteurs du tourisme réceptif en France", prévient Didier Leandri, président des Entreprises fluviales de France. "A Paris, les bateaux de promenade sortent de deux années de crise sanitaire et la clientèle russe, mais aussi une partie de la clientèle américaine qui considère que la guerre se déroule en Europe, vont nous faire défaut", prévoit-il. "Cela fait deux ans qu'on est dans la mouise, qu'on ouvre et qu'on ferme. Je ne veux pas commenter ce qui va se passer avec la guerre", s'énerve déjà Charlotte Bruel, présidente de la Compagnie des Bateaux Mouches.

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Commentaire 1
à écrit le 15/03/2022 à 9:34
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Franchement vu la chute du pouvoir d'(achat des français, ils s'en tapent.

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