À Rennes, l'explosion du e-commerce sature le marché immobilier des entrepôts

DOSSIER E-COMMERCE. Le marché des biens de stockage de grandes surfaces est sous tension, notamment le segment visant à répondre à la logistique du dernier kilomètre pour stocker les colis au plus près des consommateurs. Alors que le foncier et les friches industrielles sont rares, et que la hausse de la demande n'a pas été anticipée, les installations devraient être repoussées dans un rayon de 20 à 40 kilomètres. Et quand l'offre n'existe pas, Amazon, par exemple, n'hésite pas à construire de nouveaux locaux.
En 2020, Bretagne Services Logistiques, spécialiste de la logistique e-commerce et vente à distance, a agrandi son parc de 19.000m2 en signant le bail d'un nouvel entrepôt à Torcé.
En 2020, Bretagne Services Logistiques, spécialiste de la logistique e-commerce et vente à distance, a agrandi son parc de 19.000m2 en signant le bail d'un nouvel entrepôt à Torcé. (Crédits : Cushman & Wakefield)

Depuis la crise sanitaire, la demande pour les entrepôts et les plateformes logistiques dans et autour de la métropole rennaise reste forte et le secteur est en tension. Dopée par le e-commerce, elle a grimpé de 188% par rapport à 2020 au premier semestre 2021, selon le dernier baromètre dressé par la Fnaim en octobre dernier. Le syndicat professionnel indiquait alors que toutes les activités de l'immobilier d'entreprise rennais, y compris celles des bureaux et locaux d'activité, avaient rebondi en 2021. Citons par exemple le développement, fin 2020, de Bretagne Services Logistiques. Le spécialiste de la logistique e-commerce et vente à distance a agrandi son parc de 19.000 m2 à Torcé.

Nœud de connexion routier important, vers le reste de la Bretagne, vers Paris, la Normandie et les Pays-de-la-Loire, la capitale bretonne attire les entreprises de logistique mais les bâtiments à reprendre et les terrains se font de plus en plus rares.

Difficile de trouver des locaux adaptés à la logistique du dernier kilomètre. Les perspectives sur 2022 ne sont pas encourageantes. En Ille-et-Vilaine, les nouveaux entrepôts s'installent à quelques encablures de Rennes voire dans un rayon de 20 à 40 kilomètres.

Pénurie d'offre au-dessus de 5.000 m2

« On assiste à une vraie problématique de l'offre », reconnaît Stéphane Dauphin, gérant de l'agence Cushman & Wakefield à Rennes. « En 2020, la crise sanitaire a été un accélérateur du e-commerce et d'un nouveau mode de consommation. Dans la métropole rennaise, la conséquence sur le marché de la logistique a été immédiate. Cette année-là, 77.000 m2 d'entrepôts avaient été négociés, ce qui représentait une augmentation de 30% par rapport à 2019. Le marché est resté très dynamique l'an passé. Au premier semestre près de 50.000 m² ont été signés, et sur l'année entière on arrive à plus de 100.000 m², notamment sur des entrepôts de logistique pour des marchandises classées et du stockage »

La demande émane de grands comptes comme les entreprises de la grande distribution (Intermarché, Lidl...), de sociétés spécialisées dans le e-commerce, dans la logistique traditionnelle (Geodis, Laahaye Global Logistics) et la messagerie, qui souhaitent développer leurs plateformes et se connecter à un bassin de consommation en croissance.

Ces grands utilisateurs sont plutôt positionnés sur des sites de classe A, dotés de hautes fonctionnalités et de volume de stockage. Les besoins sont là mais pas les terrains.

« La demande moyenne se situe entre 5 et 10 hectares de foncier. Or, le marché est sous-offreur. On peut encore trouver des surfaces en-dessous de 6.000 m2 mais nous ne disposons pas de perspectives pour développer de nouveaux bâtiments plus grands, aux normes de sécurité et de protection de l'environnement ICPE (murs et portes coupe-feux), sur de nouvelles zones. Les attentes des utilisateurs et les normes ont énormément évolué, une partie du parc est aujourd'hui obsolète » ajoute Jean-Christophe de Laage, responsable Logistique pour la Région Ouest de BNP Paribas Real Estate.

Aucune friche industrielle disponible à La Janais

Le marché se maintient plutôt sur des sites existants de plus petite taille mais pas forcément aux normes, plus difficilement sur des projets de nouveaux entrepôts.

« Sur Rennes, il faudrait développer 50.000 m2 de bâtiments en 2022 pour répondre à la demande du dernier kilomètre et de logistique traditionnelle. Mais il n'y a plus de terrains sur lesquels on peut construire » regrette Stéphane Dauphin.

« Cette pénurie-là, on l'a sentie venir depuis des années. La crise et le e-commerce ont accéléré la problématique. Rennes Métropole privilégie le développement du tertiaire et des locaux d'activités. »

Sur le marché privé, la seule friche industrielle se situe à La Janais. Or, la métropole a racheté 75 hectares depuis 2015 à Stellantis dans le cadre de son projet de reconversion industrielle 4.0 (mobilités décarbonées, bâtiment durable). Les représentants de la Fnaim déplorent le manque d'échanges sur ce point avec la collectivité.

La logistique du dernier kilomètre repoussée plus loin

Faute d'opportunités dans le bassin de consommation rennais, agences et clients étudient les possibilités les plus proches, entre 25 et 40 kilomètres autour de Rennes, au Sud vers Nantes ou sur la route de Paris.

« Cela peut bloquer ou modifier certains projets de développement. Il faut deux ans pour développer un projet, donc les prochaines installations dans la grande couronne de Rennes ne se concrétiseront pas avant 2023-2024 » prévient Jean-Christophe de Laage.

Au-delà de Rennes, les autres zones bretonnes offrent un paysage différent voire plus éclaté car secondaires économiquement. La commune de Loudéac accueille par exemple des entrepôts de stockage, et dans le courant de cette année ceux de Netto, qui doit s'installer sur une ancienne friche de Leader Price et tripler sa surface (1.000m2).

Même si les petites collectivités sont plus à l'écoute des besoins, « la logistique a moins besoin de se placer sur ces territoires-là » estime la Fnaim.

Premier entrepôt Amazon à Briec près de Quimper

Dans ce paysage, Amazon se fait assez discret et passe par ses propres intermédiaires. L'enseigne américaine représente un peu le chiffon rouge, en termes économique, social et environnemental, sur lesquels se focalisent les élus des métropoles.

En Bretagne, la résistance s'est aussi organisée. Finalisé en septembre dernier, le rachat auprès de Stellantis de 22 hectares supplémentaires de terrains sur le site de La Janais par Rennes Métropole a coupé le pied au géant américain qui en convoitait une partie.

Amazon va donc s'implanter plus loin. La communauté d'agglomération de Briec, près de Quimper, a donné son accord pour une installation. La construction d'un entrepôt de 9.000 m2 (dernier kilomètre), est en cours en bordure de la RN 165, mais suscite une forte opposition de la part du collectif Stop Amazon.

La perspective est en revanche plutôt bien accueillie par certains entrepreneurs comme Jean-Guy Le Floch. Le dirigeant d'Armor Lux réalise depuis cinq ans 1% de son chiffre d'affaires annuel (un million d'euros sur 100 millions) avec Amazon, indiquait-il fin 2021 sur la chaîne locale Tébéo-Tébésud.

« C'est un client respectueux, qui vend au prix, sans commission et qui nous a ouvert les portes de l'Europe (Allemagne et Royaume-Uni). Pour les commerçants du Finistère, c'est un acteur important. »

Première du genre en Bretagne, cette structure servira les livraisons dans un rayon de 100 à 150 kilomètres. Elle pourrait employer à terme 80 à 100 CDI et selon ses dirigeants, cités dans la presse locale, « environ 250 emplois de chauffeurs livreurs d'entreprises de messagerie, soit environ 350 emplois directs ».

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Commentaires 2
à écrit le 03/02/2022 à 15:01
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C’est le moment pour la grande distribution de vendre ses hypermarchés déficitaires et en perte de chiffre d’affaires au meilleur prix

à écrit le 03/02/2022 à 11:09
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Voilà pourquoi la bulle immobilière qui empêche la croissance mais visiblement personne n'en veut de la croissance économique hein, même différente, mais différent est un mot qu'ils haïssent.

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