Le répit a été de courte durée. A peine plus d'un an après le déblocage d'une aide à la restructuration de l'ordre de 120 millions d'euros de la part de l'Etat français, Air Austral est de nouveau dans la tourmente. La compagnie réunionnaise accumule de nouveau de la dette et voit sa trésorerie s'amenuiser. Face à cette situation, le gouvernement a décidé d'une réunion interministérielle, qui a réuni les transports, l'industrie et les outre-mer ce matin. Face aux représentants de la compagnie, de ses actionnaires et de leurs conseils, il a fait savoir sa volonté d'accompagner de nouveau Air Austral en contrepartie d'un exigeant plan de retournement sur trois ans. Pour autant, ses moyens d'action restent fortement limités par Bruxelles.
Les difficultés d'Air Austral ne sont pas nouvelles, mais personne n'avait visiblement anticipé qu'elles soient aussi importantes. Le conseil de surveillance, présidée par Huguette Bello, présidente de la société d'économie mixte Sematra (actionnaire à 45 %) et de la région Réunion, n'a pris compte de la situation qu'en début d'année, et l'Etat que très récemment apprend-on de source gouvernementale. Une aggravation a priori due à des erreurs de prévisions, mais aussi la non-mise en œuvre de mesures de restructuration décidées dans le plan de redressement de 2023.
L'Etat ne peut plus faire grand-chose
Face à cette situation, le gouvernement a donc demandé à toutes les parties prenantes de trouver une solution rapidement. S'il n'a pas indiqué un danger de mort imminente pour la compagnie, le temps semble tout de même compté. Il a donc déclaré qu'il resterait au soutien d'Air Austral, avec un suivi spécifique par l'intermédiaire de ses services de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI).
Mais au-delà de ce soutien administratif, l'Etat a les mains relativement liées par les règles européennes en matière d'aides d'Etat. Il a déjà consenti à un abandon de créance de 100 millions d'euros et d'une compensation suite aux dommages du coronavirus de 17,5 millions début 2023. Un apport qui avait reçu l'approbation de la Commission européenne, mais qui s'inscrivait dans le cadre de la reprise partielle d'Air Austral par un consortium d'investisseurs réunionnais, adossée à une recapitalisation par les pouvoirs publics locaux. L'Etat ne peut donc plus réitérer ce type de manœuvre à un an seulement d'intervalle. Sa seule marge semble être, pour l'instant, de ne pas assigner Air Austral au titre de son passif public.
C'est donc sur les actionnaires que va devoir reposer l'effort. Ceux-ci ont d'ores et déjà annoncé début mars l'injection de 10 millions d'euros supplémentaires dans le capital de la compagnie, qui sera effective fin avril. Un effort salué par le gouvernement, mais qui apparaît aujourd'hui comme insuffisant. Si aucun montant n'a filtré, les sommes nécessaires pourraient donc s'avérer conséquentes. L'an dernier, ce sont déjà 55 millions d'euros d'argent frais qui avaient été apportés par les investisseurs réunionnais, la région, le département et la Chambre de commerce et d'industrie de la Réunion (CCIR).
Nouveau plan d'ici fin avril
Le gouvernement appelle également à un redressement significatif d'Air Austral après l'échec du plan actuel. Il exige donc que la compagnie présente, avant fin avril, un plan de retournement avec un horizon de trois ans. Un nouvel effort sera ainsi demandé à toutes les parties prenantes : les actionnaires, la direction et très probablement les salariés. Des décisions opérationnelles conséquentes sont aussi à prévoir. Une fois le plan établi, il sera validé par un auditeur indépendant afin de vérifier les prévisions et de s'assurer de la pertinence des mesures. Un point d'étape sur ce plan devrait être fait courant avril avec une nouvelle réunion interministérielle.
La compagnie a d'ores et déjà décidé de nouvelles mesures avec l'appui de ses conseils. Ainsi, dans le cadre de l'injection de 10 millions d'euros par les actionnaires actuels, il a été indiqué que « des mesures de gestion interne plus rigoureuses ont été approuvées, visant à mieux contrôler et réduire les coûts ». Mais aussi que « des efforts seront également requis des membres du personnel, se traduisant par une baisse significative du coût de la masse salariale, mais aussi des fournisseurs et de l'État, notamment dans la gestion délicate du traitement du passif public ». Des curseurs qui seront sans doute être poussés encore davantage dans le futur plan de retournement.
Un changement de gouvernance n'est pas à l'ordre du jour pour le moment, mais cette recommandation pourrait intervenir par la suite en fonction de la mise au point et du déroulé de ce plan de retournement.
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