C'est fait. Air France pourra utiliser sa filiale low-cost Transavia sur le réseau domestique français pour tenter de limiter les pertes financières sur cette partie de son réseau, malmenée depuis des années par la concurrence du TGV et des low-cost étrangères. Les pilotes d'Air France, dont le feu vert était indispensable, ont donné leur accord. Ce mercredi 12 août en effet, les pilotes du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), largement majoritaire au sein du groupe, ont voté favorablement l'accord négocié début juillet par le bureau du syndicat et la direction. C'est même un plébiscite. Consultés à l'occasion d'un référendum, le "oui" à ce transfert d'activité l'a emporté avec 90,37% des voix pour une participation de 80,63%.
Une nouvelle étape pour Transavia
Un tel accord était indispensable pour développer Transavia sur le réseau intérieur français. Dans les accords de "périmètre" actuels définissant l'activité de chacune des entités du groupe Air France, seules les compagnies Air France et HOP pouvaient jusqu'ici assurer des vols domestiques. Pour éviter les transferts d'activité, Transavia a, depuis son lancement en 2007, toujours été interdite de se positionner sur ce marché, et s'est essentiellement développée vers l'Europe du Sud et du Maghreb. Transavia n'a jamais été autorisée non plus à faire du long-courrier ou desservir Roissy-Charles de Gaulle, le hub d'Air France.
HOP ne desservira plus Orly
Pour enrayer des pertes chroniques depuis des années sur cette partie du réseau (200 millions d'euros l'an dernier), la direction du groupe a l'intention de remplacer Air France et sa filiale régionale HOP par Transavia sur des lignes intérieures au départ d'Orly (à l'exception de Nice, Marseille et Toulouse, et de la Corse). Mais aussi sur des liaisons reliant des villes régionales entre-elles. Dans ce schéma, l'activité de HOP va se réduire drastiquement et ne se limitera qu'à la desserte de Paris-Roissy Charles de Gaulle et de Lyon.
Objectif de cette réorganisation qui fait la part belle à Transavia : permettre au groupe Air France "d'avoir une offre compétitive et ainsi de protéger ses parts de marché et son empreinte commerciale sur son marché domestique dans le respect du développement durable", est-il indiqué dans le projet d'accord.
Nouvel accord de périmètre
L'arrivée de Transavia sur le domestique nécessitait donc un nouvel accord de périmètre entre Air France et le SNPL. Celui-ci doit en effet définir les niveaux d'activité de chacune des deux compagnies sur le moyen-courrier afin de garantir une certaine activité à Air France. Car, même si les pilotes de Transavia sont des pilotes Air France, ils n'ont pas le même contrat. Celui d'Air France est plus avantageux. Alors que les accords actuels garantissent à Air France l'exploitation d'au-moins 110 appareils moyen-courriers pendant près de 10 ans, et une activité annuelle fixée pour les pilotes à 342.000 heures de vol par an sur le moyen-courrier, le nouvel accord soumis à un référendum modifie ces planchers d'activité.
L'accord introduit une garantie plancher sur le nombre d'avions moyen-courriers (hors avions régionaux) pour l'ensemble du groupe, fixée à 150 avions (incluant les appareils basés aux Antilles). Ce qui correspond peu ou proue à la flotte actuelle d'Air France sur le moyen-courrier (110 appareils de la famille Airbus A320) et de Transavia (une quarantaine de Boeing 737-800). Cette garantie s'accompagne également d'une garantie en heures de vol révisée à la hausse.
Dans le même temps, l'accord assure une protection à Air France à Roissy-Charles de Gaulle, aéroport que Transavia ne pourra pas desservir.
En effet, l'accord prévoit un système permettant d'augmenter la flotte moyen-courrier globale du groupe, malgré une baisse de la flotte de la compagnie Air France pour laquelle un plancher est fixé à 80 avions, l'équivalent de la flotte actuelle alimentant le hub de Roissy. Autrement dit, si la flotte d'Air France est amenée à décroître, celle de Transavia augmentera à un rythme supérieur à celui de la décroissance d'Air France. Et ce, à un rythme de 4 avions supplémentaires chez Transavia pour trois avions en moins chez Air France.
Six destinations domestiques au départ d'Orly
A Orly, la direction a l'intention de positionner Transavia sur six lignes opérées jusqu'ici par HOP : Toulon, Montpellier, Perpignan, Pau, Biarritz et Brest. Air France continuera d'exploiter en propre les lignes vers Nice, Marseille et Toulouse. Si la direction veut un jour les transférer à Transavia, il faudra se remettre autour de la table avec les pilotes.
Sur les lignes transversales (région-région), plusieurs grosses lignes reliant Lyon sont déjà prévues, comme Lyon-Bordeaux, Lyon-Nantes et Lyon-Toulouse.
A l'exception des pilotes d'Air France qui sont aussi dans les cockpits de la filiale low-cost, le développement de Transavia constitue une menace pour l'emploi des autres catégories de personnel d'Air France. En effet, Transavia sous-traite son personnel en escale et ne fait pas appel aux hôtesses et stewards d'Air France, en raison de leurs contrats jugés trop coûteux. Idem pour les pilotes et les hôtesses et stewards de HOP. Le transfert d'activité vers Transavia ne se traduit pas non plus par un transfert des contrats.
Enfin, l'accord comporte une dernière garantie aux pilotes : qu'il n'y aura pas d'autre compagnie au sein du groupe Air France positionnée sur le moyen-courrier.
"Air France s'engage à ce qu'aucune compagnie du Groupe Air France autre qu'Air France ou Transavia France n'exploite d'avion de plus de 110 sièges. Tout avion de plus de 110 sièges du Groupe Air France, hors Transavia France, sera inscrit sur la liste de flotte Air France et piloté par des pilotes Air France à des conditions d'emploi et de rémunération identiques à celles appliquées aux pilotes Air France effectuant la production Air France en moyen propre Air France", est-il écrit dans l'accord.
Si Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM, souhaite un jour faire l'acquisition d'une compagnie low-cost il devra la rattacher à Air France-KLM. Un schéma dont ses prédécesseurs ont souvent rêvé... pour Transavia.
Transavia va hériter d'un grand volume de créneaux
Malgré cette possibilité de se développer sur les vols intérieurs, l'activité domestique de Transavia restera marginale par rapport au reste de son activité. Car, la compagnie va bénéficier d'un grand volume de créneaux horaires à Orly, qui va dépasser les besoins prévus pour l'activité dans l'Hexagone. En effet, en plus de recevoir à Orly les créneaux horaires de décollage correspondant à la reprise d'activité d'Air France et de HOP sur le réseau intérieur (dont la totalité ne sera pas utilisée pour les vols intérieurs du fait d'une capacité des avions qui empêche d'avoir une fréquence de vol similaire), Transavia va hériter des nombreux créneaux horaires laissés vacants par l'abandon par Air France-HOP des lignes intérieures sur lesquelles il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30 (hors CDG) : soit Bordeaux, Nantes et Lyon. S'ajouteront également les créneaux de la ligne Clermont-Ferrand-Orly, qui sera arrêtée même si le train relie la capitale auvergnate à Paris en plus de 3h30 heures. Transavia va devenir le premier opérateur d'Orly à la place d'Air France.
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